9 evenings : theatre and engineering par Sylvie Lacerte 9 Evenings : Theatre and Engineering, l’événement qui jeta les bases de Experiments in Art and Technology, eut lieu au 69th Regiment Armoury (angle 25ème rue et Lexington Ave.) à New York, du 13 au 23 octobre 1966. 1 Cette série de neuf performances était inscrite, à l’origine, à la programmation du Stockholm Festival for Art and Technology qui devait se tenir en juillet 1966 en Suède. Mais la participation de l’équipe américaine fut annulée à cause de son incapacité à lever suffisamment de fonds chez les sponsors américains. 9 Evenings, organisé sous l’égide de Billy Klüver et de Robert Rauschenberg, présenta, lors de neuf soirées consécutives, des performances qui alliaient arts visuels, danse, théâtre, musique, et vidéo. Une équipe de dix artistes, John Cage, Lucinda Childs, Öyvind Fahlström, Alex Hay, Deborah Hay, Steve Paxton, Yvonne Rainer, Robert Rauschenberg, David Tudor et Robert Whitman travaillèrent sans relâche pendant dix mois, en collaboration avec une trentaine d’ingénieurs de Bell Telephone Laboratories. L’équipe d’ingénieurs était dirigée par Billy Klüver et Fred Waldhauer. Plus de dix mille personnes assistèrent
à ces neuf soirées. Malgré les critiques négatives
voire même assassines, l’accueil du public fut plutôt enthousiaste,
si ce n’est de quelques défections au cours des représentations.
La critique avait perdu ses repères, comme en 1913. Cet événement
démontrait de manière non équivoque que la technologie
était maintenant partie intégrante de l’art et que de tels
projets devenaient irréalisables sans la participation d’équipes
multi ou interdisciplinaires. Certes des tentatives de mariage entre les
technologies et l’art avaient déjà eu lieu. Pensons simplement,
aux œuvres des Constructivistes russes et aux travaux et écrits
des artistes et architectes du Bauhaus ; aux expérimentations de
Dada ; au rêve de Moholy-Nagy,
(et son Modulateur espace/lumière), de former une alliance
entre l’art et l’industrie, alors qu’il fondait le New Bauhaus à
Chicago dans les années trente, afin de favoriser l’usage des technologies
pour les artistes, les designers et les architectes. Pensons aussi, à
Jean Tinguely qui, en 1960 avec l’aide de Billy Klüver, présentait
sa machine auto-destructrice, Homage to New York, au MoMA.
Ce que 9 Evenings signifiait surtout, était un intérêt doublé d’un besoin généralisé pour la communauté artistique des années soixante, d’avoir recours aux technologies pour la conception et la réalisation de ses œuvres. Par exemple, pour la mise sur pied de cet événement, un système électronique environnemental et théâtral fut inventé par l’équipe des ingénieurs. Le THEME (Theater Environmental Modular Electronic, aussi appelé le TEEM pour Theater Electronic Environmental Module) fut mis sur pied pour répondre aux besoins des dix artistes, en fonction de situations théâtrales bien spécifiques. Le THEME, qui n’était pas visible de la salle, permettait, entre autres, le contrôle à distance d’objets et la possibilité d’entendre des sons et de voir des faisceaux lumineux provenant de sources multiples et simultanées. Le système THEME comprenait 289 éléments dont notamment des amplificateurs portatifs électroniques, des transmetteurs et des récepteurs de bandes AM et FM, des encodeurs et des décodeurs, de l’équipement de contrôle à distance et de contrôle proportionnel, etc.. Le coût des neuf performances s’éleva à cent mille dollars (100 000 $) et fut financé par divers mécènes, dont John de Menil, industriel de Houston et de New York ; Albert A. List, président à la retraite de Glen Alden Company ; Seymour Schwebber, président de Schwebber Electronics ; Philip Johnson, architecte ; Harry Abrams, éditeur de la maison éponyme ainsi que par le National Council on the Arts. L’horaire des performances, qui débutaient à 20h30, se présentait comme suit :
Au titre des découvertes technologiques
effectuées grâce à 9 Evenings, citons en exemple
la pièce Open Score de Robert Rauschenberg, où l’on
retrouvait Frank Stella et Mimi Kanarek qui se disputaient une partie de
tennis, au cours de laquelle le son contrôlait l’éclairage.
Le manche des raquettes de tennis fut muni d’un micro qui amplifiait le
son de la raquette frappant la balle. Mais pour que l’effet soit réussi
et pour ne pas encombrer les joueurs, il fallait éviter de relier
les transmetteurs, insérés à l’intérieur des
raquettes, à des fils électriques. Les ingénieurs
(dont Fred Waldhauer) créèrent ainsi la première utilisation
du micro sans fil. Au terme de la partie de tennis, il était prévu
que cinq cents spectateurs descendent dans la salle et se tiennent dans
un périmètre déterminé d’avance par les artistes
et les ingénieurs. Cette action, exécutée dans l’obscurité
(puisque le son de la chorégraphie/partie de tennis avait disparu),
culmina en une projection vidéo sur un écran géant
incliné, duquel émanait la seule source lumineuse de la salle.
Le reste de l’assistance put distinguer, sur cet écran, l’image
floue des cinq cents personnes en mouvement, captée à l’aide
de rayons infra-rouge, une technologie utilisée, jusque là,
exclusivement par l’armée.
Dans le communiqué de presse annonçant l’événement et sous-titré Technology for Art’s Sake3, on pouvait lire :
1 - C'est à ce même endroit, en 1913, que se tint la première exposition d'art moderne de New York (qui présida à la fondation du Museum of Modern Art) et où l'on put voir Nu descendant un escalier de Marcel Duchamp. 2 - 9 Evenings : Theater and Engineering, Programme, octobre 1966. 3 - EAT, Communiqué de presse, 28 septembre 1966. 4 - Idem. 5 - Idem. © Sylvie Lacerte &
Leonardo/Olats, juin 2002
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