LIVRES ET ETUDES/ART ET TECHNOLOGIE : LA MONSTRATION
SOMMAIRE
Remerciements
MÈthodologie
INTRODUCTION
SECTION I - ART ET MONSTRATION A L'AGE MODERNE
Introduction : art, societe et monstration
I - Le musee : lieu originel
A - La naissance de l'art
B - L'invention du musÈe
C - Le principe d'exposition
II - L'institutionnalisation du musee
A - La naissance d'une discipline : musÈologie et musÈographie
1 - PrÈlever : sÈlectionner
2 - Conserver : protÈger
3 - Montrer : nommer
B - Architecture, musÈes et sociÈtÈ
1 - Architecture et musÈes
2 - Les contradictions de la modernitÈ
3 - MusÈe et sociÈtÈ : de la "distinction"
iii - Expositions et musees : auto-reference ou alternative
A - Le musÈe comme objet d'art
1 - Auto-rÈfÈrence
2 - Les lieux alternatifs o˜ l'auto-promotion de l'art
3 - L'exposition comme intention : les commissaires indÈpendants
B - La rÈconciliation entre l'art, l'institution et le marchÈ
1 - Les galeries
2 - Les "nouveaux musÈes", les centres d'art et les FRAC :
nouvelles formes de l'intervention publique
3 - Manifestations internationales : vitrines d'un systËme
Conclusion
SECTION II - LES åUVRES
i - Nature des åuvres
A - De l'objet l'information
B - La trinitÈ de l'úuvre
C - EvolutivitÈ et autonomie de l'úuvre
D - L'interactivitÈ
E - PolysensorialitÈ
F - La temporalitÈ dans les arts
G - MultimodalitÈ de l'úuvre
H - ReprÈsentation, mÈtaphore et acte
ii - Les formes de l'art electronique
A - åuvre-objet
1 - åuvres inanimÈes
2 - "NÈo-objets"
B - åuvre sur Ècran
1 - Les úuvres sur Ècran non-interactives
2 - Les úuvres sur Ècran interactives
C - Installations et environnements
1 - Les installations non-interactives
2 - Les installations interactives
3 - Les installations-systËmes de prÈsentation
D - Art vivant : spectacles / performances / actions
E - In situ et de laboratoire
1 - In situ
2 - De laboratoire
iii - La place du public
iv - Les conditions intrinseques de la monstration
SECTION III - LES ESPACES DE LA MONSTRATION
i - Les lieux de l'art
A - MusÈes et centres d'art
1 - Le paysage franÁais : analyse de l'enquÍte
2 - Exemples
3 - Les limites des musÈes et centres d'art :
consÈquences pour la monstration
B - Galeries, festivals et foires d'art contemporain
C - Espace public
1 - Exemples
2 - Les consÈquences pour la monstration
ii - Les lieux scientifiques et techniques
A - MusÈes des sciences et des techniques
1 - Exemple : l'Exploratorium de San Francisco
2 - Les limites et les consÈquences pour la monstration
B - Laboratoires privÈs et publics
1 - Exemple : le programme PAIR du Xerox PARC
2 - Les limites et les consÈquences pour la monstration
iii - Lieux commerciaux et techniques
A - Foires, salons et confÈrences professionnels
1 - Exemple : SIGGRAPH
2 - Les manifestations professionnelles : "un espace naturel" pour
l'art Èlectronique ?
3 - Les limites et les consÈquences pour la monstration
B - Entreprises
C - CybercafÈs
iv - Lieux decales
A - Exemples
1 - Realidad Virtual, Madrid, 1995
2 - ISEA, MontrÈal, 1995
B - Le lieu dÈcalÈ comme espace privilÈgiÈ
v - Les lieux specifiques de l'art electroniques
A - Festivals et manifestations rÈguliËres
1 - Exemples
2 - Les consÈquences pour la monstration
B - Lieux de crÈation et/ou de monstration
1 - Exemples
2 - Les consÈquences pour la monstration
vi - Les lieux "technologiques"
A - Espace domestique
B - Cyberespace
1 - L'espace du cyberespace
2 - La crÈation dans l'espace du cyberespace
3 - Le cyberespace est un media
4 - Le cyberespace est un langage
5 - ConsÈquences pour la monstration
SECTION IV - MONSTRATION PRESENTE ET CONSERVATION
i - Monstration actuelle
1 - La monstration temporaire
2 - La monstration rÈcurrente
3 - La monstration permanente
4 - ProblËmes et perspectives
ii - La conservation
1 - ProblÈmatiques de la conservation
2 - Les problËmes de la conservation de l'art Èlectronique
3 - Vers de nouveaux modËles de conservation
4 - ConsÈquences
SECTION V - PUBLICS
i - Exemples
A - Voyages Virtuels
1 - La manifestation
2 - Les conditions de l'Ètude
3 - Analyse des rÈsultats
4 - Conclusion
B - Espaces Interactifs - Europe
1 - La manifestation
2 - Les conditions de l'Ètude
3 - Analyse des rÈsultats
4 - Conclusion
ii - Quel(s) public(s) ?
A - Les diffÈrents types de publics
B - Comportements et attitudes
iii - Acculturation/formation
A - Culture populaire et culture savante
B - De nouvelles compÈtences : savoir "lire et Ècrire"
iv - Mondialisation du public
v - Consequences pour la monstration
SECTION VI - SYNTHESE ET PERSPECTIVES
i - Nouvelles conditions de la monstration
A - Intellectuelles
B - MatÈrielles
C - Le statut de l'artiste
ii - Consequences et evolution
A - Les diffÈrentes positions et attitudes
1 - La position "sÈcessionniste" : la rupture avec le modËle de l'art classique
2 - La position "Èvolutionniste" : continuitÈ au sein de l'art classique
3 - La position "rÈservÈe" : voir au cas par cas
B - L'art et le contexte social
1 - Identification et distanciation
2 - La validation culturelle
C - Les nouveaux paramËtres
1 - Mise disposition aux publics
2 - La conservation
D - Quels modËles pour l'art Èlectronique ?
1 - MÈdiathËque
2 - Le modËle musÈal revisitÈ : entre archÈologie et civilisation
3 - Cellule d'expÈrimentation culturelle
Conclusion
CONCLUSION ET PROPOSITIONS
BIBLIOGRAPHIE
A - GÈnÈrale
B SpÈcialisÈe
REMERCIEMENTS [RS]
Notre reconnaissance et notre gratitude vont tous ceux et toutes celles qui nous ont aidÈs dans la rÈalisation de cette Ètude :
* Toutes les personnes que nous avons interviewÈes et qui nous ont offert non seulement leur temps mais surtout leurs idÈes et leurs rÈflexions.
* Les 24 personnes des musÈes, centres d'art et FRAC qui ont rÈpondu avec beaucoup de prÈcision et d'acuitÈ au questionnaire que nous leur avons adressÈ.
* Le groupe d'experts internationaux qui a bien voulu participer au forum que nous avons ouvert via Internet et qui a rÈussi le rendre vivant et dynamique.
* Valentin Lacambre, pour avoir rendu possible le forum via Internet.
* Christine TrËguier et Pascal Schmitt, des Virtualistes, qui ont acceptÈ de diffuser notre questionnaire au public de Voyages Virtuels.
* Le public des deux manifestations Voyages Virtuels et Espaces Interactifs - Europe pour avoir pris le temps de rÈpondre notre enquÍte.
* Michel Philippe, pour sa patience et ses capacitÈs dÈtecter fautes de frappe et d'orthographe.
* Fabienne Gambrelle, PrÈsidente de CHAOS et relectrice infatigable.
* Et enfin Roger Malina, pour la qualitÈ des Èchanges qu'il nous a offerte.
* Et maintenant l'OLATS qui accueille cette Ètude sur son site.
A tous, un grand merci
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METHODOLOGIE [RS]
I - APPROCHE GENERALE
Afin de ne pas se laisser piÈger par le filtre de notre propre mÈmoire ou de nos souhaits, la mÈthodologie que nous avons mise en úuvre pour cette Ètude est toujours partie d'un recensement aussi exhaustif (ou reprÈsentatif) que possible de l'existant. Cet Ètat des lieux s'est fait partir de notre connaissance du milieu, des catalogues des manifestations depuis environ 15 ans et de toute la documentation sur papier ou en ligne dont nous pouvions disposer. A partir de ces listes nous avons ÈlaborÈ des questionnaires et des grilles d'interviews puis des grilles d'analyse sur les úuvres et les expÈriences de monstration. Une Ètude puis une analyse synthÈtique ont ÈtÈ menÈes pour chacun des pÙles ou outils mis en úuvre. Ce dispositif a ÈtÈ complÈtÈ par des lectures plus thÈoriques. Nous avons confrontÈ en permanence les rÈsultats de nos Ètudes et enquÍtes aux Ècrits thÈoriques.
Par cette approche, notre but Ètait d'Ètablir un Ètat des lieux pratique et thÈorique, aussi prÈcis que possible, afin de pouvoir dÈgager une prospective.
II - OUTILS
Quatre types d'outils ont ÈtÈ utilisÈs : enquÍtes et Ètudes, lectures, groupe de rÈflexion plus restreint sur Internet et notre propre connaissance et expÈrience.
A - ENQUETES ET ETUDES
1 - Sur les publics par le biais d'un questionnaire diffusÈ dans deux manifestations parisiennes.
2 - Sur les úuvres par le biais d'un recensement systÈmatique et de l'Èlaboration d'une grille d'analyse.
3 - Sur les lieux et les expÈriences
Nous avons procÈdÈ un dÈcoupage des lieux et des expÈriences en diffÈrents types lieux culturels, lieux et manifestations de l'art Èlectronique, manifestations ponctuelles et manifestations rÈguliËres artistiques, lieux et manifestations non artistiques (SIGGRAPH, Exploratorium, etc.), lieux alternatifs, lieux dÈcalÈs, nouveaux espaces (comme Internet) auxquels nous avons ajoutÈ les organisateurs de manifestations, les personnalitÈs et thÈoriciens et les artistes.
Pour chacun nous avons Ètabli une liste de noms tant en France qu' l'Ètranger.
A partir de cette liste nous avons mis en úuvre un certain nombre d'instruments : interviews (enregistrÈes, transcrites intÈgralement puis synthÈtisÈes), questionnaire aux musÈes, centres d'art et FRAC franÁais, documentation sur papier et en ligne, Èmis par les diffÈrentes institutions ou personnes, notre propre connaissance et expÈrience. Afin d'Èviter toutes distorsions, nous avons pris (ou citÈ) uniquement des exemples dont nous avions des expÈriences directes ou qui nous ont ÈtÈ relatÈs par les organisateurs ou les artistes eux-mÍmes.
AprËs dÈpouillement des informations, nous avons Ètabli une grille d'analyse qui nous a servi de base d'Ètude et valider nos conclusions.
B - LECTURES
Nos lectures ont portÈ sur :
- des documents liÈs l'art contemporain, la musÈologie et la musÈographie ;
- des documents liÈs l'art Èlectronique et aux nouvelles technologies ;
- des Ètudes sur les publics, sur les pratiques culturelles des FranÁais, sur l'Èquipement des FranÁais, sur les pratiques des utilisateurs d'Internet, etc. ;
- des documents sur les bibliothËques, archives, etc.
Ces documents, en franÁais ou en anglais, sont de diffÈrentes catÈgories : encyclopÈdies, livres, actes de colloques et de confÈrences, catalogues, articles, communications dans des confÈrences et colloques, thËses, revues, journaux sur papier ou en ligne, commentaires dans des forums Internet et documents en ligne.
Si toute une partie de ces lectures a ÈtÈ faite spÈcifiquement pour cette Ètude, nous avons bien Èvidemment utilisÈ nos lectures antÈrieures dans ces domaines sans forcÈment toutes les mentionner en bibliographie.
C - GROUPE DE REFLEXION SUR INTERNET
Nous avons demandÈ un groupe d'experts de participer un forum restreint via Internet. Quelques grandes questions et thÈmatiques ont ÈtÈ posÈes au dÈpart pour servir de fils conducteurs. Nous avons laissÈ ensuite la discussion Èvoluer librement pendant une pÈriode donnÈe autour de ces thËmes afin de permettre aux idÈes et propositions d'Èmerger avant de passer au thËme suivant, ou d'en dÈsigner de nouveaux selon les dÈbats.
D - CONNAISSANCES ET EXPERIENCES
Nous nous sommes aussi appuyÈs sur notre connaissance du terrain et notre expÈrience dans les diffÈrents domaines couverts par le sujet de cette Ètude.
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INTRODUCTION [RS]
Art et technologie : la monstration. Trois noms, une conjonction de coordination, un article dÈfini, un signe de ponctuation. Lanalyse de l'intitulÈ de cette Ètude, demandÈe par la DÈlÈgation aux arts plastiques du ministËre de la culture, permet d'en cerner les contours et les prÈsupposÈs. Elle nous servira aussi prÈciser notre dÈfinition du champ couvert et lapproche que nous avons choisie.
Art et technologie. Cette terminologie est largement usitÈe pour dÈnommer la crÈation artistique prenant comme objet et/ou comme sujet les technologies contemporaines.
Cependant, la conjonction de coordination semble indiquer qu'il s'agit encore d'un mariage contre nature. Elle marque une dissociation ou plutÙt une association forcÈe. Nous avons substituÈ "art et technologie" lexpression "art Èlectronique". Cette proposition nominale dÈsigne les arts qui utilisent les "nouvelles technologies" qui de fait reposent sur l'Èlectronique. "Electronique" qualifie un certain type dart et tÈmoigne d'une pratique artistique intÈgrÈe sans prÈsumer du sujet de cet art.
: la monstration. Les deux points Ènonciateurs impliquent que lart Èlectronique soulËve un certain nombre dinterrogations quant la mise disposition des úuvres au public.
La substitution du mot exposition par le nÈologisme "monstration" signifie que lon dÈplace la problÈmatique. Le concept dexposition, qui a accompagnÈ lart du 20Ëme siËcle, ne serait plus pertinent pour lart Èlectronique. Cest pourquoi, afin de cerner les termes et les implications de la rupture, nous reviendrons dans la section I, Art et monstration l'ge moderne, sur la notion d'exposition, la naissance des institutions culturelles (et principalement du musÈe) et leur rÙle dans le systËme de lart actuel.
L'Èvolution sÈmantique nous conduira montrer en quoi l'art Èlectronique est diffÈrent des autres formes d'art. Cest lobjet de la section II qui prÈcisera La nature et les formes de l'art Èlectronique travers une analyse des úuvres.
A une nouvelle dÈfinition des úuvres correspondent de nouveaux lieux et de nouvelles formes de prÈsentation. Dans la section III, Les espaces de la monstration, nous prÈsenterons et analyserons ces diffÈrents types de lieux, leurs avantages et leurs limites.
Dans la section IV, nous dÈvelopperons les questions de prÈsentation actuelle et de conservation posÈes par lart Èlectronique.
Nous aborderons les nouvelles conditions d'apprÈhension de l'art induites par l'art Èlectronique, la place, la nature, les comportements et les rÈactions des Publics dans la section IV.
Nous questionnerons, dans la section VI, SynthËse et perspectives, le terme mÍme de monstration dans le cas du nouvel espace crÈÈ par le rÈseau Internet. Nous verrons pourquoi les termes diffuser et accÈder semblent plus appropriÈs. Enfin, nous Èvoquerons de nouveaux modËles possibles, court et moyen termes, pour la mise disposition de l'art Èlectronique aux publics.
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section I : art et monstration A lAge moderne [RS]
Introduction : art, societe et monstration
I - Le musee : lieu originel
A - La naissance de l'art
B - L'invention du musÈe
C - Le principe d'exposition
II - L'institutionnalisation du musee
A - La naissance d'une discipline : musÈologie et musÈographie
1 - PrÈlever : sÈlectionner
2 - Conserver : protÈger
3 - Montrer : nommer
B - Architecture, musÈes et sociÈtÈ
1 - Architecture et musÈes
2 - Les contradictions de la modernitÈ
3 - MusÈe et sociÈtÈ : de la "distinction"
iii - Expositions et musees : auto-reference ou alternative
A - Le musÈe comme objet d'art
1 - Auto-rÈfÈrence
2 - Les lieux alternatifs o˜ l'auto-promotion de l'art
3 - L'exposition comme intention : les commissaires indÈpendants
B - La rÈconciliation entre l'art, l'institution et le marchÈ
1 - Les galeries
2 - Les "nouveaux musÈes", les centres d'art et les FRAC :
nouvelles formes de l'intervention publique
3 - Manifestations internationales : vitrines d'un systËme
Conclusion
* * * * *
INTRODUCTION : ART, SOCIETE ET MONSTRATION [rs] [rss]
L'art est une des activitÈs permanentes nÈcessaires et spÈcifiques de l'homme vivant en sociÈtÈ. Il permet, non seulement de noter et communiquer des reprÈsentations acquises, mais d'en dÈcouvrir de nouvelles. Il n'est pas communication mais institution1.
L'art est une affaire Èminemment sociale. Dans la conception occidentale moderne, lart nexiste que sil est vu car cest par dÈclaration et consensus quil devient "art". Cette opÈration a lieu au moment o˜ il naÓt, ou des annÈes aprËs, quand lobjet est dÈcouvert, "inventÈ" et dÈclarÈ úuvre dart. Objet de mÈdiation symbolique, le lieu et le mode dexposition de lart est Ètroitement liÈ la fonction qui lui est assignÈe. Au Moyen-Age, les ivoires et les tapisseries accompagnent les nobles de chteau en chteau, les portraits dune bourgeoisie naissante au 15Ëme siËcle rÈpandent en Europe le format du tableau, les peintures historiques de grandes dimensions ornent les galeries des chteaux devenus lieux de reprÈsentation et de pouvoir partir du 15Ëme siËcle, et jusquau 19Ëme. La collection dobjets est par ailleurs une pratique trËs ancienne. On en trouve la trace dËs le palÈolithique, puis en EgypteÖ Avec les Romains, les collections senrichissent du butin des guerres. Des prÈoccupations de conservation et dexposition apparaissent mais ces biens publics restent aux mains de bienfaiteurs privÈs qui les rassemblent dans les thermes ou sous les portiques, il ny a pas dinstitution publique des musÈes. Le mot musÈe2, dans son acception moderne, apparaÓt en Italie dans la seconde moitiÈ du 15Ëme siËcle, la suite de la Renaissance. En effet, les princes italiens sont les premiers envisager lidÈe dune collection de tableaux et de sculptures, rassemblÈs, offerts aux regards des voyageurs et des artistes lintÈrieur des cours et des jardins, puis dans les galeries (large couloir reliant un btiment lautre). Ils associent les notions d'úuvre dart, de collection et de public, posant ainsi les ÈlÈments constitutifs du futur musÈe des arts.
Au cours des 16Ëme, 17Ëme et 18Ëme siËcles, se constituent en Europe les grandes collections princiËres qui fourniront les musÈes du 19Ëme. Le musÈe, lieu spÈcifique dun art autonome se dÈveloppe au 18Ëme siËcle. En France, il entre dans lespace social avec la RÈvolution. Il participe la mise en place de lEtat-Nation moderne. Cest un ÈlÈment actif du systËme politique en formation. La musÈologie, science des musÈes, de leur histoire, de leurs missions, naÓt la mÍme Èpoque3.
Une relation Ètroite lie chaque systËme politique et social, la forme de son art et la faÁon de le montrer et de le voir. Dans la conception occidentale de lart, depuis le 18Ëme siËcle, le musÈe est devenu le lieu privilÈgiÈ daccËs aux úuvres. Avant de tenter de dÈfinir les spÈcificitÈs de la monstration de lart Èlectronique, il nous est apparu indispensable dexaminer le rÙle central jouÈ, en France, par le musÈe et linstitution dans la constitution du systËme complexe Èconomique, esthÈtique et social de lart.
I - Le musEe : lieu originel [rs] [rss]
A - la naissance de lart [rss]
En travaillant sur lidÈe de lart, la philosophie du 18Ëme siËcle contribue la constitution dun champ autonome dans lequel se dÈveloppera le systËme de lart lge moderne4. En sinterrogeant sur le statut de jugement de go°t dans la Critique de la facultÈ de juger, Kant fonde l'idÈe d'une autonomie de l'art, sans finalitÈ spÈcifique, se situant entre jugement et sentiment. Il propose d'analyser le jugement esthÈtique. L'esthÈtique est entendue comme un rapport entre la reprÈsentation et un sujet, sans affirmation sur les propriÈtÈs de l'objet et sans doctrine possible. Le Beau n'est pas conceptualisable mais il exprime une relation du sujet l'objet, sentiment la fois intime et universellement communicable. Kant aura ouvert la pensÈe de l'art la modernitÈ.
Rapidement on va tenter de conceptualiser l'art pour en lÈgitimer l'exception. Les Romantiques construisent une doctrine sacralisante qui fonde la distinction entre ce qui est art et ce qui ne l'est pas. DorÈnavant, l'esthÈtique, pensÈe du Beau, sera un sujet de la philosophie des 19Ëme et 20Ëme siËcles, donnant lieu des doctrines et des thÈories.
La philosophie ayant fondÈ son autonomie, l'art peut exister dans l'espace public naissant. La Nation lui construira des palais.
B - LINVENTION DU MUSEE [rss]
Linvention du musÈe et de la collection publique, au 18Ëme siËcle, est une invention moderne, constitutive de la modernitÈ, de sa reprÈsentation du temps et de la dÈmocratie5. Le but du musÈe, institution dEtat, est de rendre accessible tous le patrimoine collectif de la Nation, lidÈe du beau et du savoir travers une sÈlection dobjets. Le musÈe montre lart, mais aussi la science, la technique, lhistoire, toutes les nouvelles disciplines porteuses de progrËs et de modernitÈ. Lieu dacculturation, comme lÈcole, il est la fois un outil dintÈgration et de contrÙle social. Il participe au projet de construire sur le principe de la reprÈsentation une sociÈtÈ cohÈrente et unifiÈe. Comme les dÈputÈs qui reprÈsentent l'AssemblÈe Nationale l'Èmanation de la VolontÈ GÈnÈrale, les musÈes reprÈsentent la quintessence du savoir, de la richesse et du Beau Universel. Jean-Louis DÈotte a montrÈ comment le musÈe est un ÈlÈment constitutif de lespace public o˜ un public lettrÈ peut faire lÈchange dopinion esthÈtique. Cest aussi le lieu qui rassemble des fragments dhistoire, mÈtaphore dun corps social recomposÈ sur les bases de lidÈal humaniste. La rÈvolution invente la notion de patrimoine artistique national sur la base des biens du clergÈ6. Les musÈes de la RÈpublique rendent tangibles cette notion de patrimoine collectif, participant ainsi la mystique dÈmocratique rÈpublicaine. Les úuvres proviennent des collections royales, des biens des ÈmigrÈs et du clergÈ mais la Convention inaugure aussi un nouveau mode denrichissement artistique : les contributions de guerre sur les nations vaincues, procÈdÈ qui sera repris avec le succËs que lon sait par NapolÈon. Les objets qui fournissent ces musÈes publics trouvent alors un nouvel usage, recouvrent un sens autre que celui qui avait motivÈ leur crÈation. LintÈgration dans les collections publiques les rend inaliÈnables en les soustrayant au marchÈ. Alors que le systËme marchand capitaliste se met en place, la puissance publique fait valoir son pouvoir en crÈant un espace hors marchÈ qui simpose comme instance de validation culturelle. Le musÈe est le lieu o˜ la valeur symbolique des objets quil Èlit est ÈnoncÈe. Cest le rÈceptacle dun contenu quon enferme pour le donner voir au plus grand nombre. Il est donc un lieu de pouvoir et restera, en France, majoritairement du ressort du service public.
Le musÈe dart sert un systËme politique particuliËrement attachÈ une reprÈsentation historique de lui-mÍme. Ainsi le modËle antique, prisÈ par la RÈvolution, dominant sous lEmpire et pendant la Restauration, va aussi prÈsider au choix des artistes exposÈs au MusÈe du Luxembourg. Ouvert partir de 1818 aux artistes vivants ( ceux qui ont ÈtÈ prÈalablement exposÈs au salon), ce musÈe perpÈtue lart nÈoclassique et reste totalement fermÈ de nouvelles formes dart tout au long du 19Ëme siËcle. Il refusera les Fauves et les Expressionnistes au dÈbut du 20Ëme siËcle. Cette rÈfÈrence lAntique est aussi lorigine de la crÈation du musÈe des AntiquitÈs nationales par NapolÈon III dans le chteau de Saint-Germain-en-Laye.
C - LE PRINCIPE DEXPOSITION [rss]
A cÙtÈ du musÈe, se met trËs vite en place un systËme dexposition de lart rÈpondant aux diffÈrentes attentes de la sociÈtÈ. Le premier salon apparaÓt en 1737, Paris. Il montre, de maniËre rÈguliËre, des tableaux une collectivitÈ dÈnommÈe "public", avec une intention dinstitutionnalisation. Le mot "exposition" se dÈveloppe au 18Ëme siËcle mais il ne se limite pas lart : il dÈsigne laction de mettre quelque chose en vue du public. Cest le dÈbut des grandes expositions universelles qui montrent lÈtat des connaissances scientifiques et techniques. Dans le champ de lart, on organise des expositions monographiques, ou engagÈes, comme par exemple celle qu'organise Delacroix en 1826 au profit des victimes de la guerre grecque. Marthe Ward7 remarque que le concept de sÈries explorÈ par Monet naurait pas ÈtÈ possible sans la mode des expositions "un artiste, un lieu" qui faisait fureur en 1890.
A partir de 1880, les marchands supplantent progressivement le Salon et lAcadÈmie. De nouveaux salons prennent le relais (Salon des indÈpendants et Salon dautomne). En 1900, Durand Ruel expose, destination du grand public, des toiles impressionnistes dans son appartement. Se dÈveloppent alors les galeries privÈes marquant une nouvelle Ètape dans lintÈgration de lart dans la sphËre du capitalisme. Cette Èvolution permet une diversitÈ de crÈation rÈpondant la multiplicitÈ des publics, le marchÈ de lart influence les structures mÍmes de lart : aprËs 1880, le marchÈ a besoin dentretenir linnovation artistique, il institue loriginalitÈ, la nouveautÈ comme une valeur8. Se cÙtoient les deux sphËres : artistes du marchÈ et artistes acadÈmiques produisant deux expressions diffÈrentes. Mais la galerie reprend le rÙle "dÈducateur culturel" du musÈe en organisant les premiËres rÈtrospectives (Van Gogh en 1901 la galerie Bernheim-Jeune, CÈzanne en 1905) puis de grandes expositions thÈmatiques. Vollard puis Kahnweiler rÈvolutionnent les pratiques marchandes. Ce dernier rÈfute les pratiques commerciales habituelles (exposition en galeries, envois aux salons, publicitÈ) pour mettre en place un systËme (exclusivitÈ, Èditions, internationalisation) qui assurera la diffusion du cubisme. Un milieu damateurs et de critiques ÈclairÈs se substitue au jugement des jurys et du grand public des Salons. Apparaissent aussi les "grands collectionneurs", riches industriels, se spÈcialisant dans lachat dúuvres dartistes nouveaux (Braque, Picasso, Derain, Vlaminck, Matisse, Modigliani, Gontcharova, De Chirico Ö). La sphËre privÈe joue un rÙle de soutien et dencouragement une production artistique radicalement nouvelle.
A partir du 19Ëme siËcle, la ville devient aussi un espace de monstration par le biais des commandes publiques. La glorification de la nation et de ses hÈros est un thËme de commande courant pour les sculpteurs du 19Ëme (Rude, David dAngers, Fremier, Carpeaux...). Ce mouvement atteint son apogÈe au cours du Second Empire, alors que les citÈs sont complËtement remodelÈes et que le pouvoir cherche renforcer la lÈgitimitÈ de la bourgeoisie triomphante.
Le musÈe reste lopÈrateur symbolique de lEtat-Nation mais rate la rÈvolution esthÈtique de la fin du 19Ëme siËcle qui est plutÙt portÈe par le systËme marchand. Il dit la "Culture" politiquement dominante mais pas la modernitÈ artistique. La rupture entre Institution et Avant-garde est consommÈe. Cest pourtant dans le musÈe que les artistes ont dÈcouvert lart oriental, lart primitif, des objets hÈtÈroclites provenant dautres cultures. Le musÈe du 18Ëme est aussi, malgrÈ ses limites, le creuset de la modernitÈ artistique.
II - LINSTITUTIONNALISATION DU MUSEE [rs] [rss]
MalgrÈ cette rupture, lourde en consÈquence pour limage venir du musÈe, celui-ci se dÈveloppe en crÈant une discipline scientifique et une architecture propre. Ces attributs consacrent la dimension institutionnelle du musÈe.
A - LA NAISSANCE D'UNE DISCIPLINE : MUSEOLOGIE ET MUSEOGRAPHIE [rss]
Le musÈe se voit attribuer trois fonctions essentielles : collecter, conserver et montrer. Ces fonctions font lobjet de disciplines propres au musÈe : la musÈologie dÈdiÈe lÈtude de linstitution et de sa fonction sociale et la musÈographie plus prÈcisÈment chargÈe des aspects opÈratoires tels que larchitecture, les installations, lorganisation des musÈes.
1 - PrÈlever : sÈlectionner [rss]
Dans Le musÈe imaginaire, Malraux sattache en 1947 analyser le phÈnomËne musÈologique.
Le rÙle des musÈes dans notre relation avec les úuvres dart est si grand, que nous avons peine penser quil nen existe pas [Ö] et quil en existe chez nous depuis moins de deux siËcles. Le XIXËme siËcle a vÈcu deux, nous en vivons encore et oublions quils ont imposÈ aux spectateurs une relation toute nouvelle avec lúuvre dart. Ils ont contribuÈ dÈlivrer de leur fonction les úuvres dart quils rÈunissaient.
Malraux a dÈveloppÈ lidÈe dun dÈplacement du sens et de lusage de lobjet opÈrÈ par le musÈe. Cette opÈration participe la constitution dun patrimoine universel symbole de lidentitÈ humaine. C'est en quelque sorte laboutissement de lidÈal humaniste de lesprit des LumiËres. Au 20Ëme siËcle, tous les pans de lactivitÈ humaine sont consignÈs sous forme musÈale.
En effectuant cette sÈlection, les conservateurs procËdent par consÈquent une extraction des objets du flux du vivant. Faire entrer un tableau ou tout autre chose au musÈe, cest le soustraire la vie commune, aux changements de mains, au vieillissement, la mortÖ pour le placer dans la perspective dune histoire universelle de lhumanitÈ. Cependant, en matiËre dart contemporain, on assiste un renversement du processus dÈcrit par Malraux dans la mesure o˜ les úuvres montrÈes sont destinÈes au musÈe dËs leur crÈation. Le musÈe nest plus une suspension mais devient la destination de lart.
Lesprit de Malraux et la "musÈification" du monde ont eut un effet de rÈvÈler le patrimoine tous. Les musÈes, "maison de pays", ont fleuri, linitiative des habitants dun village ou dune vallÈe, conscients dune culture et dÈsireux de la faire reconnaÓtre et de la protÈger.
A la mÍme Èpoque, l'apparition du terme dÈcomusÈe, crÈÈ en 1971 par lICOM (International Council of Museum nÈ en 1947 sous lÈgide de lUNESCO) consacre cette appropriation collective dune culture et dune nature locales.
2 - Conserver : protÈger [rss]
Pour constituer un patrimoine, il faut protÈger les objets dÈsignÈs afin de permettre leur passage vers les gÈnÈrations futures. Cette fonction de conservation est tellement essentielle quelle a donnÈ son nom lactivitÈ musÈologique et, par extension, aux responsables des musÈes, les "conservateurs". En France, les biens acquis par les musÈes sont inaliÈnables, ils deviennent le bien intouchable du pays. On voit dans cette caractÈristique juridique la matÈrialisation de la volontÈ de constituer un patrimoine, tÈmoignage de la vie de cette entitÈ abstraite sÈdimentÈe par lHistoire qu'est la Nation.
Le souci de la conservation a pris un tournant radical aprËs la deuxiËme guerre mondiale cause des dÈgts provoquÈs par le conflit. Les progrËs scientifiques danalyse et de restauration des úuvres ont accentuÈ le mouvement qui prend une dimension internationale grce des structures comme lUNESCO. Des laboratoires sont crÈÈs partout en Europe.
Avec la notion dÈcomusÈe, se pose la question de la propriÈtÈ et du statut des biens. Surgit lidÈe d'un musÈe qui pourrait devenir de plus en plus un instrument de coordination de collections qui ne lui appartiennent pas en propre, mais dont il possËde la rÈfÈrence grce la numÈrisation des donnÈes (H. de Varine directeur de lICOM en 1971 citÈ par AndrÈ DesvallÈes dans larticle de lUniversalis). Cette idÈe dune numÈrisation des donnÈes en vue de lÈdification dune sorte de musÈe virtuel, dÈfendue dans les annÈes 70 par un courant de thÈoriciens des musÈes, est restÈe jusquici lettre morte. Elle retrouve sa pertinence aujourdhui alors que les nouvelles capacitÈs des machines posent la question de la maÓtrise du temps et de la politique de la mÈmoire9.
Conserver des objets est un acte qui relËve en partie de la notion dhistoire dÈveloppÈe au 19Ëme siËcle mais les úuvres dart contemporain posent aussi de faÁon cruciale la question de la conservation. Ny a-t-il pas paradoxe vouloir matÈriellement conserver des úuvres qui procËdent de lÈphÈmËre et de la transformation ? Cette question devient centrale avec les arts Èlectroniques.
3 - Montrer : nommer [rss]
Choisissant les objets quil montre, le musÈe dÈsigne ce qui est digne dintÈrÍt. Il existe cependant une marge entre ce que le musÈe conserve dans ses rÈserves et ce quil montre dans ses salles. La monstration procËde donc dune seconde sÈlection, conjoncturelle, non dÈfinitive, tÈmoignant dun go°t ou de tendances au sein dune collection.
Montrer cest rÈinscrire dans un temps des objets venus dune autre Èpoque ou dun autre lieu. Cest rendre possible cette rencontre contre nature de deux temporalitÈs diffÈrentes.
Montrer lart daujourdhui, en revanche, cest soumettre au regard du spectateur une production immÈdiate pour laquelle il na pas toujours les codes dinterprÈtation. LÈducation culturelle na pas pu encore jouer son rÙle dapprentissage du regard, de filtrage cognitif, comme cest le cas pour lart ancien. Le manque de distance entre lobservateur et lobjet observÈ peut rendre aveugle un art totalement contemporain.
Pour Jean-Louis DÈotte10, le musÈe dart contemporain nest plus un lieu de jugement esthÈtique mais une nouvelle forme de jugement de connaissance.
Cette collusion ou cette fusion sont sources de sens, ouverts, multiples que linstitution va semployer maÓtriser, en balisant la rencontre. C'est l'objet de la musÈographie : mise en espace, accrochages, accompagnement Ècrit, dispositif pÈdagogique, visites guidÈes Ö
Il a cependant fallu attendre la seconde guerre mondiale pour que soient posÈs le vocabulaire et les bases de la musÈologie par Henri Georges RiviËre, la tÍte du MusÈe national des arts et traditions populaires, J. Cabus du musÈe dEthnologie de Neuchtel et D.F. Cameron de lArt Gallery dOntario. La rËgle de la "distanciation" par exemple, tendant neutraliser larchitecture qui naurait pas ÈtÈ crÈÈe spÈcialement, lachromatisme, lasymÈtrie des accrochages deviennent des lois dorganisation des musÈes. Un nouveau regard sur les musÈes apparaÓt dans les annÈes soixante la faveur du mouvement de contestation sociale. Cette rÈflexion sur le musÈe et la musÈologie donne lieu une Ècole ou un courant de pensÈe : "la nouvelle musÈologie" qui sintÈresse notamment de nouvelles formes de prÈsentation des collections et dÈveloppe le concept dÈcomusÈe qui concerne moins la production artistique proprement dite que le patrimoine culturel et social d'une entitÈ gÈographique.
L'art contemporain contribue aussi un renouveau de la conception musÈale. Il interroge sa fonction sociale et transforme sa nature architecturale.
B - ARCHITECTURE, MUSEES ET SOCIETE [rss]
Le musÈe, lieu officiel de lexposition de lart, occupe une place centrale dans la vie de la citÈ. Au sens propre, il est construit au coeur de la ville ; au niveau politique, il a ÈtÈ lobjet de la contestation gÈnÈrale de la fin des annÈes soixante ; dun point de vue social, il reste un opÈrateur symbolique puissant.
1 - Architecture et musÈes [rss]
Les musÈes de la RÈpublique se sont installÈs dans les palais de la monarchie, mais du tableau au ready made, le lieu musÈal a ÈvoluÈ. Chaque Èpoque a suscitÈ une architecture propre.
Plusieurs conceptions du musÈe se sont succÈdÈes, proposant des styles de construction, des Èclairages, des circulations, des volumes diffÈrentsÖ
Les premiers musÈes abritant des sculptures antiques se sont construits sur un modËle que lon pourrait qualifier de nÈo-romain, imitant les thermes et les palais. Au dÈbut du 19Ëme siËcle, le style nÈo-grec imitant, cette fois, les temples lui succËde11. Cette tendance perdure jusquau 20Ëme siËcle, notamment aux Etats-Unis. Par ailleurs, la prÈdominance de la peinture introduit un style "palais", dinspiration Renaissance ou Baroque. Le musÈe du Louvre12 en est une des meilleures illustrations. Par la suite, on adopte larchitecture de fer et de verre revÍtue de stuc ou de pierre, comme par exemple le Victoria and Albert Museum Londres. Larchitecture moderne apparaÓt progressivement avec des signatures prestigieuses comme celle de Frank Lloyd Wright pour le Guggenheim Museum New York. On assiste aussi la crÈation densemble architecturaux spÈcifiques comme le MusÈe de lHomme et le MusÈe dArt Moderne Paris dans les annÈes trente.
Aujourdhui avec Norman Foster, Renzo Piano, Arata Isozaki ou Frank GehryÖ on veut des musÈes qui sadaptent un art aux formes multiples et diverses (Arte Povera, Minimal Art, vidÈo, performancesÖ). PrÈdomine la conception de musÈes de dimensions moyennes, privilÈgiant des articulations de salles aux volumes simples ÈclairÈes par un Èclairage zÈnithal, recherchant pour lintÈrieur du musÈe la plus grande neutralitÈ afin de ne pas interfÈrer sur la perception des úuvres exposÈes. La faÁade identifie le musÈe, alors qu lintÈrieur, rien ne doit altÈrer la contemplation. Cest le musÈe "cube blanc". Les úuvres sont "coupÈes" de la rÈalitÈ extÈrieure, elles sont protÈgÈes dans le lieu, lui-mÍme signifiant. Face la transformation des formes de lart, le musÈe renforce sa mission dÈnonciation duchampienne "ceci est de lart, puisque cest au musÈe".
ParallËlement, on assiste en France la restauration de nombreux vieux musÈes ou la rÈhabilitation de btiments anciens : Lille, Grenoble, Nantes, Lyon, Orsay ou le Grand Louvre...
2 - Les contradictions de la modernitÈ [rss]
Alors que lEtat sintÈresse depuis peu lexpression artistique dune Èpoque, celle-ci se rebelle contre lInstitution et le contrÙle social quelle reprÈsente. On entre dans une phase contradictoire o˜ lart devient Èconomiquement dÈpendant de lEtat et artistiquement incompatible tant dun point de vue idÈologique que matÈriel (Land Art, Body Art, performanceÖ). Et, paradoxalement, alors que la critique du musÈe devient lun des objets de lart, la pÈriode qui s'Ètend des annÈes 60 aux annÈes 80 va, en France, considÈrablement renforcer les liens entre Institutions et art.
La critique du musÈe nest pourtant pas nouvelle. DËs le dÈbut du 19Ëme, des ÈlËves de latelier de David veulent br°ler lInstitution, intention qui sera reprise par les Fauves l'aube du 20Ëme. A la mÍme Èpoque, Maurice BarrËs et Salomon Reich (conservateur) traitent les musÈes de "morgues" et de "cimetiËres". Les Futuristes Italiens montrent, dans leurs manifestes, une violence sans pareille lÈgard du musÈe, symbole dun passÈisme bourgeois et bien pensant. Ces invectives sadressent alors un musÈe totalement fermÈ lart novateur.
La naissance officielle de lart moderne est datÈe de 1905. Il faudra un peu plus dune gÈnÈration pour qu'il entre au musÈe. En 1930, 66 musÈes (dont 30 allemands) possËdent des galeries dart moderne. Cest la mÍme pÈriode quapparaÓt la volontÈ de construire des btiments sÈparÈs. Le Museum of Modern Art est ouvert en 1929 New York, comme le musÈe de Lodz en Pologne. En 1939, le Guggenheim Museum est dÈvolu la peinture "non objective". Le musÈe du Jeu de Paume et le MusÈe dArt Moderne ouvrent Paris en 1947.
LaprËs-guerre voit la rÈorganisation des structures publiques soutenant un projet culturel fort qui affirme le droit dun Ègal accËs la culture (inscrit dans le prÈambule de la constitution de 1946). A la demande de Georges Salles, Jean Cassou et Robert Rey, le Conseil artistique des musÈes, semploie combler les lacunes des collections publiques en achetant des tableaux de Matisse, Bonnard, Braque, Picasso, Rouault. LInstitution retrouve une place importante dans le systËme de lart en France au moment mÍme o˜ une nouvelle gÈnÈration propose des crÈations hors normes, physiquement et conceptuellement, incompatibles avec lidÈe classique du musÈe. La critique politique et esthÈtique de 1968 soppose au systËme en place et dÈfend lidÈe dun art hors du musÈe, "la Joconde au mÈtro", inscrit dans la vie, la science, la technique ou la publicitÈÖ
Les difficultÈs du musÈe face lart des annÈes soixante et soixante-dix sont aussi matÈrielles : Land art, Body art, Minimal art, Process art recouvrent des formes parfois difficiles montrer dans un musÈe. Catherine David, dans les Cahiers du MusÈe dart moderne (hors sÈrie 1989), rapporte les propos de William Rubin, directeur du MOMA en 1974 :
...les travaux conceptuels et autres expÈriences qui exigent un autre environnement (ou devraient lexiger) et peut-Ítre un autre public.
Le dÈfi est relevÈ par de grandes collections privÈes et des galeries, mais aussi par le musÈe lui-mÍme.
La Ville de Paris crÈe, en 1967, au sein du MusÈe dArt Moderne, le projet Animation, Recherche, CrÈation (ARC) qui accueille et organise des expositions novatrices. Elles attirent un public important (84 000 personnes en 1970). Le lieu se veut aussi un espace de rencontre, de confrontation de nouvelles propositions, on y mËne un travail de recherche dun nouveau public. Pierre Gaudibert en charge de ce lieu de 1967 1972 dÈclarÈ au cours dun entretien avec Yann Pavie pour Opus international, nƒ 28, 1971 :
La contradiction vient de ce que cet espace, dans la mesure o˜ il est le lieu dexpression de lactualitÈ, peut Ítre un lieu de contestation du systËme, mais en mÍme temps, du fait que cette contestation reste bloquÈe lintÈrieur de lenceinte, elle est institutionnalisÈe et relativement dÈsamorcÈe.
Limite dune institution culturelle qui accueille une crÈation de contre culture. Cest aussi la volontÈ de crÈer une proximitÈ entre les úuvres et les futurs spectateurs qui conduit DaniËle Giraudy mettre en place le musÈe des Enfants Marseille en 1968 puis latelier des Enfants au Centre Georges Pompidou.
A partir des annÈes soixante-dix, linstitution musÈale en rÈaction aux critiques de conservatisme et dÈlitisme, renforce et renouvelle son rÙle dÈducation permanente et son statut de rÈservoir culturel ouvert tous. Lobjectif est de rÈduire les distances entre le musÈe et les gens, de permettre aux spectateurs de voir, de toucher et de faire. Cest aussi le temps des premiËres expÈriences des musÈes ÈclatÈs. Selon ce principe, les collections se dÈplacent la rencontre du public, hors du musÈe, dans les Ècoles, via les valises pÈdagogiques ou les musÈobus (J. FaviËre, conservateur du musÈe de Bourges, fait circuler les premiËres valises pÈdagogiques en 1968, le musÈe de Savoie de ChambÈry organise, en 1971, des circuits de musÈobus dans les vallÈes reculÈes de Savoie.)
Les musÈes des sciences, techniques et industrie sinscrivent dans la tradition du cabinet des curiositÈs de la fin de la Renaissance, puis des musÈes de sciences naturelles du 19Ëme siËcle. Ce sont des centres didactiques mettant en scËne un Ètat du savoir et un discours sur ce savoir. PrÈsentant des objets tÈmoins sans grande valeur marchande, ils sont dotÈs dun dispositif technique de haut niveau, sollicitant la participation et la manipulation des visiteurs. Ils se veulent des lieux de cohÈsion culturelle et sociale (La CitÈ des Sciences et de lIndustrie de La Villette).
3 - MusÈe et sociÈtÈ : de la "distinction" [rss]
NÈ avec la formation dun espace public, le musÈe est devenu le lieu de diffusion de la culture savante. Sa frÈquentation est dÈsormais un signe de distinction sociale. Ce que peut cacher Lamour de lart13 a ÈtÈ lobjet dÈtude des sociologues sous la conduite de Pierre Bourdieu en 1969. BriËvement rÈsumÈe, cette enquÍte sur les visiteurs des musÈes dÈnonÁait lillusion dun musÈe ouvert tous alors quil est en fait rÈservÈ un petit nombre. Il sert avant tout la transmission dun capital culturel au sein d'une classe sociale dominante. Il impose une attitude de respect, intimide ceux qui ne lui sont pas familiers.
Conscients de la fonction sociale du musÈe, la suite de Malraux, les gouvernements de gauche investissent massivement le champ de la culture et des arts plastiques tant pour soutenir la production que pour encourager la diffusion.
La frÈquentation des musÈes fait lobjet dÈtudes diverses : Observatoire des publics, pratiques culturelles des franÁais Ö Globalement les chiffres fournis par le service des Etudes du ministËre de la culture font Ètat dune progression constante du poids social des musÈes, mesurÈ en terme dentrÈes14.
Une rÈcente Ètude sur les pratiques culturelles des franÁais15 rÈvËle lambiguÔtÈ de limage du musÈe. La reprÈsentation que les FranÁais se font du musÈe est assez contrastÈe : le musÈe est associÈ lidÈe dadmiration, dÈmotion, de plaisir mais aussi de savant et dutile. Le premier motif de visite dÈclarÈ est la curiositÈ, avant le dÈsir de se cultiver. Le musÈe nest pas perÁu comme moyen daccËs la connaissance mais il nest pas non plus rÈduit une simple pratique de loisirs. On en attend une mise distance vis--vis de lunivers quotidien et du travail sans pourtant se situer dans le registre du divertissement. Cette mÍme Ètude nous apprend que 37% des visiteurs choisissent un musÈe de beaux-arts, 23% d'histoire et de prÈhistoire et 8% dart contemporain, 8% Ègalement les musÈes de sciences et techniques. La visite au musÈe est familiale et estivale. Pour les jeunes, la visite dun musÈe est une sortie typiquement scolaire : 48% aimeraient y aller davantage mais 33% naiment pas du tout, Èvoquant "lennui" et "lambiance guindÈe" qui rËgnent dans ces lieux.
Dans le mÍme temps 45% des FranÁais sont daccord pour considÈrer les musÈes comme Èlitistes, ou difficiles, et ennuyeux pour les enfants.
Si les visites de grandes expositions tendent rassembler un public toujours croissant, en revanche, la pratique des musÈes dart contemporain reste donc minoritaire.
III - EXPOSITIONS ET MUSEES : AUTO-REFERENCE OU ALTERNATIVE [rs] [rss]
Le musÈe, ÈlÈment important de la diffusion culturelle, est peut-Ítre la seule parmi les institutions (Ècole, asile, hÙpital, organisation politique ...) se prendre comme objet dÈtude. Une auto-rÈfÈrence qui limite laction (physique et sociale) lobjet musÈe mais qui permet un regard critique, circonscrit au champ Ètroit de lart mais dont le processus symbolique peut sÈtendre progressivement au social.
Reprenant lanalyse de Michel Foucault, Tony Bennet16 dÈveloppe lidÈe que le musÈe serait lautre face de la prison, un Janus de la sociÈtÈ moderne, en quelque sorte. Le musÈe est linstitution qui a le pouvoir de montrer ce qui est bien et beau. Il agit avant la prison dont le rÙle est de "surveiller et punir". Les deux se sont dÈveloppÈs parallËlement dans la sociÈtÈ contemporaine. Les artistes ont travaillÈ massivement sur la dimension coercitive du musÈe la fin des annÈes soixante. Ils ont tentÈ de trouver une alternative lexposition en musÈes. ParallËlement, des commissaires dexposition indÈpendants proposaient un regard diffÈrent sur la crÈation contemporaine. Et pourtant, art et musÈe demeurent inextricablement liÈs, le musÈe (la galerie) est le corps mystique de lart dÈclarait Buren en 197017. Cette phrase pourrait toujours illustrer la relation conflictuelle entre art, musÈe, exposition.
A - LE MUSEE COMME OBJET DART [rss]
1 - Auto-rÈfÈrence [rss]
Pour faire face la contradiction intrinsËque entre la libertÈ de lartiste et l'aliÈnation musÈale, lauto-rÈfÈrence permet de critiquer le musÈe tout en restant dans la sphËre artistique. Dans la seconde partie du 20Ëme siËcle de nombreux artistes ont pris conscience du rÙle du musÈe dans le systËme de lart ; dans le mÍme temps, on constate limpossible altÈritÈ de lacte artistique.
Le musÈe devient un objet, "une úuvre et un artefact", daprËs AndrÈa Miller Keller18. Christo emballe le MusÈe dArt Moderne de Chicago en janvier 1969. Buren, en 1977, investit les espaces dexposition mais aussi bureaux, toilettes dans le Wadsworth Athenum pour faire prendre conscience de lespace et du contexte musÈaux. Marcel Broodthaers avec le dÈpartement des Aigles, en 1972 Kassel, poursuit son interrogation sur le musÈe, le rapport lúuvre, sa propriÈtÈ. Sol Lewitt en peignant directement les murs rompt avec lidÈe de collection. Hans Haake dÈnonce lutilisation marchande et politique de lart. Chris Burden, Barbara Kruger, Sherrie Levine, Braco DimitrijvicÖ travaillent, ou ont travaillÈ, sur le musÈe comme objet social et politique.
Lart de la seconde partie du 20Ëme sest emparÈ de lidÈe du musÈe du 19Ëme siËcle pour en faire un objet de crÈation.
2 - Les lieux alternatifs ou lauto-promotion de lart [rss]
A partir des annÈes 70 apparaissent aussi des formes alternatives la monstration conventionnelle de lart travers des associations dartistes rÈcupÈrant des lieux abandonnÈs pour en faire des lieux dexposition mais aussi de production et daccueil dartistes. Fonctionnant sur un systËme de "squat" plus ou moins tolÈrÈs et plus ou moins aidÈs par les pouvoirs publics, ces lieux dune durÈe de vie limitÈe, proposent en gÈnÈral une programmation pluridisciplinaire avant-gardiste. DirigÈs par les artistes eux-mÍmes, ils Èchappent la normalisation et au contrÙle des cadres habituels du systËme de lart. Mais le futur artistique et financier des artistes dÈpend toujours du marchÈ et donc des institutions. Ces lieux peuvent jouer un rÙle de tremplin pour de jeunes artistes lorsquils sont suivis et visitÈs par les reprÈsentants des institutions publiques ou privÈes. Cette forme indÈpendante dexposition et de production est nÈe New York en 1970 avec le "112 Greene Street", la Factory dAndy Warhol. Elle sest davantage dÈveloppÈe dans les pays anglo-saxons que dans les pays latins. Ces lieux sont la fois des remises en question des formes existantes de la reprÈsentation et du contrÙle culturel, ils assurent une auto-promotion de leur membres mais ils restent fragiles.
Ce sont des lieux souvent ouverts lart Èlectronique mais le peu de moyens dont ils disposent leur interdit toute production technologique trop co°teuse.
3 - Lexposition comme intention : les commissaires indÈpendants [rss]
A la marge du musÈe, parfois dedans, parfois en dehors, sest dÈveloppÈ un type dorganisateur indÈpendant. Harald Szeemann en est une figure emblÈmatique. On lui doit des expositions thÈmatiques historiques comme "Quand les attitudes deviennent formes", en 1969 Berne, ou "Le musÈe des obsessions" la Documenta en 1972. Cest le genre de commissaire qui lon a pu reprocher de faire de lexposition elle mÍme une úuvre dart. Il dÈclare19 : Ma vie est au service dun mÈdium, et ce mÈdium nest pas limage qui est elle mÍme rÈalitÈ, mais lexposition qui prÈsente la rÈalitÈ. Daniel Buren, loccasion de la Documenta de 1972, dÈclare20 : De plus en plus le sujet dune exposition tend ne plus Ítre lexposition dúuvres dart, mais lexposition de lexposition comme úuvre dart. [...] Ainsi, les limites crÈÈes par lart lui mÍme pour lui servir dasile, se retournent contre lui en limitant, et le refuge de lart [...] se rÈvËle en Ítre la justification, la rÈalitÈ, le tombeau.î
Szeemann21 admet que le reproche que Buren adresse lorganisateur qui compose son exposition comme un tableau est parfois justifiÈ...
Mais, s'il contribue au dÈveloppement de lexposition comme prise de position et intention artistique, Szeeman dÈfend aussi lidÈe du musÈe. Il affirme par exemple que lart contestataire des annÈes 60 puis lart conceptuel et le land art nexistent que par rapport au musÈe. Car cest le seul lieu o˜ le fragile, parce que crÈÈ par un individu unique, pourra Ítre conservÈ et communiquÈ et o˜ de nouveaux rapports peuvent Ítre mis lÈpreuve22. De la mÍme faÁon il explique que lart dans la rue na jamais vraiment fonctionnÈ parce quun homme seul et son úuvre sont extrÍmement fragiles23.
Szeeman24 cite Walter Grasskamp : Lart ne pouvait manifestement Ítre sauvegardÈ que par labandon de lúuvre remplacÈe par lexposition, le contexte visualisÈ en tant que forme de travail artistique.
La revendication dintention de ces nouveaux commissaires a permis aux úuvres dÍtre montrÈes dans des endroits inattendus. Elle ouvre un espace de libertÈ dans lorganisation de la monstration de lart. Elle est contemporaine des úuvres concept, processus, information, situationÖ
Le mouvement de dÈmatÈrialisation de lúuvre saccompagne de manifestations thÈmatiques avec par exemple lexposition "Les ImmatÈriaux" organisÈe par Jean-FranÁois Lyotard en 1987 Paris, "Passage de limage", en 1990.
La monstration dart dans des lieux ÈphÈmËres et inattendus na cessÈ de se dÈvelopper ces derniËres annÈes : citÈ ouvriËre, citÈ daccueil, appartements, chambres dhÙtelÖ Ce phÈnomËne rÈpond aujourdhui un renouveau des prÈoccupations dimmersion dans le social de toute une gÈnÈration de jeunes artistes.
Le dÈveloppement de nouvelles formes de monstration nentraÓne pas pour autant la disparition du musÈe, il est toujours instance de validation et cette fonction se renforce. Moins lart ressemble ce quil est convenu dattendre de lart, plus la fonction de validation du musÈe est importante. Le renouveau architectural des annÈes 80 renforce lautoritÈ naturelle du musÈe qui devient lui-mÍme úuvre dart, une sorte de "mÈta-objet dart".
B - LA RECONCILIATION ENTRE LART, LINSTITUTION ET LE MARCHE [rss]
Dans le mÍme temps, lInstitution devient un lieu de production dúuvres. Raymonde Moulin25, dans son analyse du systËme de lart contemporain, a montrÈ que, pour des projets dinstallations de trËs grands formats, le musÈe soutient une production irrecevable par le marchÈ et que quelques conservateurs internationaux contribuent une hiÈrarchisation des valeurs artistiques, de concert avec quelques grandes galeries. MusÈes, galeries et "grands commissaires" participent ensemble lhomologation de valeurs artistiques sur une scËne internationale.
1 - Les galeries [rss]
La politique dacquisition des musÈes franÁais est marquÈe par labsence dachat dúuvres "modernes" jusqu la deuxiËme moitiÈ du 20Ëme siËcle et par de lourdes erreurs (comme le fameux refus du legs Caillebotte). Lart alternatif lacadÈmisme trouve trËs vite des dÈfenseurs dans la sphËre privÈe et sÈchange sur un marchÈ nÈ la fin du 19Ëme siËcle. Le marchÈ va prendre le pas sur les institutions. AprËs la seconde guerre mondiale, il est en pleine effervescence, essentiellement autour de labstraction. A partir de 1962, larrivÈe du Pop Art amÈricain modifie le systËme de lart en France, des galeries s'ouvrent et de nouveaux collectionneurs apparaissent.
Les grands galeristes rÈvÈlÈs dans les annÈes 60 et 70 ont dÈveloppÈ de nouvelles formes dexposition. Leurs galeries fonctionnent moins comme un magasin que comme un thÈtre. LÈo Castelli compare le travail du galeriste celui du conservateur de musÈe qui tente davoir des artistes majeurs de chaque pÈriode. On ne peut plus parler dautonomie par rapport aux institutions classiques mais de complÈmentaritÈ et parfois de concurrence.
2 - Les "nouveaux musÈes", les centres dart, et les FRAC : nouvelles formes de lintervention publique. [rss]
Le renouveau des musÈes, au cours des annÈes 80, a particuliËrement touchÈ les musÈes dart contemporain mais aussi les musÈes archÈologiques et les musÈes de site. Ce mouvement gÈnÈral, impulsÈ et soutenu par lEtat, a ÈtÈ repris par les collectivitÈs territoriales qui ont perÁu la valeur symbolique de ce type dÈquipement culturel. Ces musÈes crÈÈs (Lille, Grenoble, Bordeaux, Lyon, Saint-Etienne, NÓmes...) ou restaurÈs (Nantes, Grenoble, Rouen, Lyon, Douai, Nancy, Lille ...) provoquent une forte hausse de la frÈquentation (260 000 visiteurs Grenoble huit mois aprËs son ouverture). Il est pourtant trop tÙt pour savoir si ce public sera fidÈlisÈ et si les collectivitÈs maintiendront leur engagement financier dans ces entreprises. Par ailleurs, aprËs lengouement des annÈes 80 pour lart contemporain, on assiste aujourdhui un mouvement de critique reprochant cette forme dart dÍtre la fois Èlitiste et hermÈtique. Pour stimuler la frÈquentation, le musÈe devient un lieu dexpositions temporaires, plus facilement mÈdiatisables, un centre de culture mais aussi de consommation avec boutiques et cafÈtaria.
Lart contestataire des annÈes 60 et 70, devenu historique, Support-Surface, lArte Povera, FluxusÖ, est dÈsormais intÈgrÈ dans les collections permanentes des musÈes.
Les FRAC, nÈs en 1982, sont la fois ÈlÈment de la politique damÈnagement culturel du territoire et instrument de soutien la crÈation. Echelon intermÈdiaire entre latelier et le musÈe, ils correspondent au souhait d'offrir au plus grand nombre un accËs une culture vivante en train de se faire. Ils proposent une alternative lintervention publique musÈale et contribuent effacer limage poussiÈreuse dun musÈe fermÈ lart daujourdhui. Par ailleurs, ils scellent lalliance entre le marchÈ de lart et lInstitution. Une enquÍte du Monde en 1993 analyse les politiques dacquisition des FRAC et constate une concentration des achats sur des valeurs s°res. Elle dÈnonce un risque de conformisme esthÈtique26.
Les nouveaux centres dart (Le Magasin de Grenoble ou le CAPC de BordeauxÖ) sont des espaces immenses, parfaitement adaptÈs l'accueil temporaire des úuvres dun grande diversitÈ formelle. Chaque nouvelle exposition est un dialogue entre les úuvres et le lieu qui, la fois, offre une grande libertÈ spatiale et oppose aux úuvres une rÈelle force architecturale et symbolique (tÈmoignage de la naissance de la sociÈtÈ industrielle).
ParallËlement la mise en place de ces nouveaux outils dintervention, lEtat et les collectivitÈs territoriales renouent avec la tradition de la commande pour le traitement des espaces publics.
3 - Manifestations internationales : vitrines dun systËme [rss]
Face la Biennale de Venise et la Documenta de Kassel, les pouvoirs publics franÁais lancent lidÈe de dÈfendre la jeune crÈation dËs 1959. Ils organisent la Biennale de Paris dans les murs du MusÈe dArt Moderne de la Ville de Paris. Il sagit de montrer une production artistique travers un rendez-vous rÈgulier, hors musÈe et hors marchÈ, commanditÈ par la puissance publique et Èventuellement soutenu par des fonds privÈs. Ce genre dÈvÈnement artistique sest ancrÈ dans quelques villes (Venise, Kassel, mais aussi Saž Paolo, LyonÖ) et rythme la scËne artistique internationale. A Kassel, la Documenta a tenu un rÙle politique fort, la limite occidentale de la R.F.A. Elle agissait comme Ètendard de la libertÈ de louest. Lors de la premiËre exposition, en 1955, les organisateurs proclamaient leur volontÈ de dÈfendre la peinture abstraite "langage du monde" face au rÈalisme socialiste, dominant de lautre cÙtÈ de la frontiËre. Elle est ensuite devenue un lieu prestigieux o˜ se dÈmontre le savoir faire dun commissaire dexposition.
Les foires internationales dart contemporain sont devenues des lieux dexpositions proprement parler, permettant de sonder lart circulant dans le marchÈ et dans les institutions nationales. Chacune a sa tonalitÈ et elles apparaissent comme des temps forts dans la vie artistique. Plus quun lieu dinnovation, elles sont un point dobservation des tendances dun marchÈ.
CONCLUSION [rs] [rss]
Lexposition de lart objectal, peinture ou sculpture, sest Èpanouie au 20Ëme siËcle dans un systËme mÍlant lintervention publique et linitiative privÈe. La contestation des annÈes soixante na pas rÈellement modifiÈ lorganisation de la monstration de lart, mÍme si les formes de lart ont radicalement ÈtÈ bouleversÈes. Le musÈe contestÈ sest finalement adaptÈ et imposÈ. Affirmant la nature nominaliste de lart, le geste de Marcel Duchamp a vÈrifiÈ puis finalement renforcÈ la puissance dÈnonciation du musÈe. Art et musÈe sont dÈsormais les deux faces dune mÍme rÈalitÈ. Ainsi, le musÈe a pu absorber les transformations de lart et dÈpasser les critiques dont il Ètait la cible. Par ailleurs, lappropriation de lobjet par de nombreux artistes de la seconde moitiÈ du siËcle a libÈrÈ lart du format classique du tableau tout en conservant une forme relativement bien adaptÈe au musÈe et au marchÈ. Lart rÈellement ìimmatÈrielî, comme lart de la communication ou les performances, a eu beaucoup de mal trouver sa place dans ce fonctionnement. Lart moderne et contemporain sest dÈveloppÈ autour de lidÈe de lobjet, objet tableau ou sculpture puis objet indice. Une organisation complexe la fois marchande et symbolique en assure la circulation et la monstration. Nombre dartistes daujourdhui posent nouveau la question dune alternative cette forme de diffusion. Comment se place lart Èlectronique par rapport ce schÈma ?
Peut-il sy adapter ?
Doit-il sy adapter ?
Porte-t-il une autre logique, et par l lamorce dun nouveau systËme de lart ?
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SECTION II - LES åUVRES [RS]
i - Nature des åuvres
A - De l'objet l'information
B - La trinitÈ de l'úuvre
C - EvolutivitÈ et autonomie de l'úuvre
D - L'interactivitÈ
E - PolysensorialitÈ
F - La temporalitÈ dans les arts
G - MultimodalitÈ de l'úuvre
H - ReprÈsentation, mÈtaphore et acte
ii - Les formes de l'art electronique
A - åuvre-objet
1 - åuvres inanimÈes
2 - "NÈo-objets"
B - åuvre sur Ècran
1 - Les úuvres sur Ècran non-interactives
2 - Les úuvres sur Ècran interactives
C - Installations et environnements
1 - Les installations non-interactives
2 - Les installations interactives
3 - Les installations-systËmes de prÈsentation
D - Art vivant : spectacles / performances / actions
E - In situ et de laboratoire
1 - In situ
2 - De laboratoire
iii - La place du public
iv - Les conditions intrinseques de la monstration
* * * * *
Le fondement de cette Ètude repose sur le principe que l'art Èlectronique prÈsente des conditions nÈcessaires sa monstration, diffÈrentes de l'art traditionnel27. Dans un premier temps, il est donc indispensable d'en cerner ses caractÈristiques et de proposer des descriptions et dÈfinitions opÈratoires des úuvres.
Nous examinerons la nature de ces úuvres, puis leurs formes et enfin la place du spectateur afin de dÈterminer les conditions intrinsËques de monstration.
I - NATURE DES åUVRES [RS] [RSS]
Par "nature" des úuvres, nous entendons les caractÈristiques profondes de l'art Èlectronique (certains diraient ses spÈcificitÈs) indÈpendamment de leurs supports de prÈsentation (la forme "physique" ou "plastique" des úuvres et de leurs supports de crÈation (outils ou media utilisÈs) et indÈpendamment de leurs qualitÈs esthÈtiques ou artistiques.
Nous avons retenu huit ÈlÈments. Chacun existe des degrÈs divers, ou pas du tout, selon les úuvres mais toute úuvre en prÈsente au moins un.
A - DE L'OBJET A L'INFORMATION [RSS]
Dans l'art classique, le medium et l'úuvre ne font qu'un. L'úuvre est indissociable du matÈriau physique qui est son medium (peinture, sculpture par exemple). Il est extrÍment difficile, sinon impossible, de transposer une úuvre d'un medium dans un autre (une peinture en une sculpture). L'úuvre est donc l'objet dans lequel elle s'inscrit, f°t-il un urinoir ou un tas de charbon.
Si, dans les annÈes soixante, de nombreux artistes contestent l'idÈe de l'úuvre en tant qu'objet et explorent cette direction de travail et de recherche (notamment au travers de l'art conceptuel), l'art Èlectronique incorpore cette notion de maniËre intrinsËque.
Avec l'art Èlectronique, l'úuvre acquiert une certaine indÈpendance par rapport son support. Elle devient une information codÈe, invisible et illisible avant qu'un dispositif de transcription dans un medium accessible un ou plusieurs des cinq sens des Ítres humains ne s'opËre.
L'úuvre-information va s'incarner provisoirement (ou quelquefois durablement) dans un support qui est le medium pour nos sens.
Cette "information" peut en outre, dans certains cas, se dÈcliner dans diffÈrents supports tout en restant cohÈrente dans son propos (voir infra : MultimodalitÈ de l'úuvre). Elle peut Ègalement Ítre transcrite dans des supports et des formes hÈtÈrogËnes (cf. le travail d'un certain nombre d'artistes sur la relation son/image, dont celui de Mesias Maiguashca).
Si l'úuvre est information, celle-ci doit pouvoir Ítre stockÈe et lue. Ceci, contrairement l'art classique, constitue deux opÈrations diffÈrentes avec des problËmes nouveaux. Le support de stockage de l'úuvre peut Ítre variÈ : disque dur d'ordinateur, bande vidÈo, disquette, CD-ROM, etc. On peut, sans dommage, passer d'un support de stockage un autre. Cependant pour Ítre lue, l'information doit Ítre dÈcryptÈe dans un lecteur. A partir d'une mÍme úuvre-information, d'un mÍme programme, diffÈrents lecteurs peuvent engendrer une modification dans la perception de l'úuvre (cf. ordinateur plus rapide, meilleure dÈfinition des machines, navigateurs diffÈrents pour les úuvres en ligne, etc.). Cependant, l'úuvre initiale est la mÍme. A contrario, on peut adapter le programme selon les machines en maintenant une perception de l'úuvre identique alors que l'information, dans son code mais non dans son intention, aura changÈ. Par ailleurs, le lecteur peut devenir obsolËte et l'úuvre devient de fait illisible, sauf la "mettre jour", ce qui n'est pas forcÈment toujours possible.
Le glissement de l'úuvre-objet l'úuvre-information engendre ainsi de nouveaux problËmes de conservation mais aussi un autre statut pour l'úuvre d'art qui n'est plus un objet immuable, unique mais au contraire fluctuant, fluide, mobile, transformable et Èventuellement invisible.
ConsÈquences pour la monstration :
- Plus l'úuvre-information est "floue" et "visqueuse"28 quant ses modalitÈs potentielles d'incarnation et plus sa "mise en forme" devient un ÈlÈment central de la monstration (tant de la part de l'artiste que de celle du commissaire et dans de nombreux cas de leur action conjointe).
- Il peut Ítre utile d'examiner les concepts et outils dÈveloppÈs par les bibliothËques et les archives habituÈes "traiter de l'information" tant dans les aspects relevant de la "mise disposition" au public que dans ceux de la conservation des úuvres.
B - LA TRINITE DE L'åUVRE [RSS]
La collusion entre l'úuvre et son support se dissolvant, l'úuvre d'art Èlectronique perd deux ÈlÈments caractÈristiques de l'úuvre d'art traditionnelle : son unicitÈ (elle ne se rÈsume plus un objet cernable et unique) et sa "finitude" (elle n'est plus figÈe dans une sorte de "mort" du geste crÈateur).
L'úuvre devient ternaire et ce sont ces trois "morceaux" qui la (re)constituent au final.
Les trois niveaux de l'úuvre sont : l'úuvre conÁue, l'úuvre perceptible et l'úuvre agie ou perÁue.
L'úuvre conÁue : c'est l'idÈe, le concept, le dispositif, le systËme, dÈfini, structurÈ et organisÈ par l'artiste. C'est "l'information".
L'úuvre perceptible : c'est le dispositif particulier dans lequel l'úuvre "s'incarne", la mise en place physique dans un lieu donnÈ. Notons que celui-ci peut Ítre dÈfinitif et unique, fluide (cas de certaines úuvres sur le rÈseau) ou, au contraire, reconstituer chaque exposition (ce qui est le cas de beaucoup d'installations ou encore des CD-ROM). Les ordinateurs, Ècrans, constructions diverses qui serviront montrer l'úuvre ne sont pas fournis par l'artiste mais par ceux qui veulent exposer l'úuvre conÁue (y compris les particuliers qui achËtent un CD-ROM et qui doivent disposer d'un ordinateur chez eux et d'un lecteur pour y avoir accËs).
L'úuvre agie ou perÁue : c'est la mise en úuvre par le public/actant du dispositif/systËme, de l'úuvre perceptible (ou simplement sa vision ou son audition dans le cas d'úuvres non-interactives). De cette action va naÓtre l'úuvre perÁue, la "lecture" d'une úuvre donnÈe par une personne donnÈe. A partir de son action sur l'úuvre perceptible, cette derniËre, va percevoir, comprendre, apprÈhender l'úuvre conÁue, selon le contenu et la complexitÈ de celle-ci, selon son degrÈ de connaissance et son environnement culturel de dÈpart, selon sa propre sensibilitÈ et enfin selon le lieu et le contexte de monstration.
Cette notion de la trinitÈ de l'úuvre peut Ítre rapprochÈe de la distinction entre l'IdÈe, l'Objet et l'Effet telle que l'opËre Nicolas Schffer. Dans La ville cybernÈtique29 il Ècrit : La genËse de la crÈation artistique passe indiscutablement par l'imagination crÈatrice qui, excitÈe par le processus informationnel environnant, incite le crÈateur proposer des informations inÈdites contenu esthÈtique. [...]
Pour que l'idÈe puisse se rÈpercuter et jouer son rÙle social, il faut qu'elle produise un effet. L'idÈe est la phase la plus importante de la crÈation artistique, sans elle l'objet n'aurait aucune signification. Mais l'effet vient immÈdiatement aprËs. L'objet n'est qu'un intermÈdiaire. Le crÈateur aussi n'est qu'un intermÈdiaire. Peu peu tous les mystËres anecdotiques, s'attachant la crÈation par le biais du personnage intermÈdiaire qui crÈe, seront dÈmystifiÈs. [...]
La premiËre phase de l'histoire de l'art a ÈtÈ dominÈe par l'objet. L'idÈe restait toujours plus ou moins dans l'ombre. Le problËme de l'effet Ètait peine effleurÈ.
ConsÈquences pour la monstration :
Dans l'art traditionnel, la monstration mettait essentiellement l'accent sur l'objet. A partir du moment o˜ l'on reconnaÓt que l'úuvre est ternaire, la monstration de celle-ci doit prendre en compte, part Ègale, les trois composantes.
C - EVOLUTIVITE ET AUTONOMIE DE L'åUVRE [RSS]
L'úuvre comme information et la perte d'unicitÈ engendrent un troisiËme ÈlÈment pouvant caractÈriser la nature de l'úuvre d'art Èlectronique : la notion d'ÈvolutivitÈ.
Il s'agit d'úuvres dont la forme et/ou le contenu peuvent Èvoluer. Entrent dans cette catÈgorie certaines úuvres de vie artificielle (interactives ou non) et plus encore une partie de l'art sur le rÈseau comme par exemple Ping de Steffen Meschkat30. Ping est un datascape (paysage de donnÈes) composÈ "d'objets" numÈriques (textes, images, sons, hypertextes, sites Web au complet, etc. existant au sein du World Wide Web) envoyÈs/liÈs par ceux qui le souhaitent. L'interface de Ping est une carte mÈtaphorique qui permet chacun de sÈlectionner un objet et de l'examiner (le voir, le lire, etc.). Le paysage de Ping se compose et se recompose au fur et mesure que de nouveaux "objets" s'y agglutinent. Par ailleurs, le "passage de la carte au territoire" dans Ping se fait par l'intermÈdiaire d'une camÈra virtuelle "intelligente" (appelÈe eye agent) qui permet de visualiser en 3D le datascape sur la base de la derniËre information reÁue. Ainsi Ping, non seulement ne montre jamais la mÍme carte, mais offre aussi diffÈrents territoires.
L'ÈvolutivitÈ est intrinsËque l'úuvre, au systËme conÁu et proposÈ par l'artiste. L'autonomie est "l'indÈpendance", le "degrÈ de libertÈ" de l'úuvre par rapport son crÈateur.
Une úuvre autonome et totalement Èvolutive serait une úuvre dont la structure mÍme (donc l'úuvre conÁue) serait susceptible de se transformer et d'Èvoluer . A notre connaissance, il n'en existe pas (ou pas encore).
ConsÈquences pour la monstration :
Une úuvre Èvolutive est par dÈfinition instable ; elle n'est jamais vraiment la mÍme. Ceci pose d'intÈressantes questions de monstration dans des espaces publics (par opposition des espaces domestiques) puisque, pour l'apprÈhender pleinement, il est nÈcessaire de la "voir" plusieurs fois (au moins deux !).
D - L'INTERACTIVITE [RSS]
Toutes les úuvres d'art Èlectronique ne sont Èvidemment pas interactives, cependant c'est une tendance lourde dans la crÈation.
Rappelons que l'interactivitÈ dÈsigne la relation particuliËre entre les humains et les machines, et plus particuliËrement les ordinateurs, ou encore une relation humain/humain mÈdiatisÈe par des machines Èlectroniques.
L'interactivitÈ est gÈnÈralement dÈcrite, dÈfinie et analysÈe par le degrÈ de libertÈ du spectateur par rapport l'úuvre, son niveau d'autonomie ou sa capacitÈ de contrÙle de celle-ci. Cette approche a le dÈfaut de conduire des discussions sans fin sur les thËmes : est-ce vraiment interactif, quelle est la diffÈrence avec la participation des annÈes 60, quels sont les degrÈs ou niveaux d'interactivitÈ (une úuvre interactive serait d'autant plus intÈressante que son degrÈ d'interactivitÈ c'est--dire la quantitÈ des choix offerts serait plus grand, sans qu'une Èchelle ait pu vraiment Ítre ÈlaborÈe jusqu' prÈsent).
Dans son livre Computers as Theatre,31 Brenda Laurel Ècrit :
[In the past] I posited that interactivity exists on a continuum that could be characterized by three variables : frequency (how often you could interact) ; range (how many choices were available) ; significance (how much the choices really affected matters).
Now I believe that these variables provide only part of the picture. There is another, more rudimentary measure of interactivity : you either feel yourself to be participating in the ongoing action of the representation or you don't. Successful orchestration of the variables of frequency, range, and significance can help to create this feeling, but it can also arise from other sources for instance, sensory immersion and the tight coupling of kinesthetic input and visual response.32 [...]
It (interactivity) enables you to act within a representation.33
La dÈfinition de l'interactivitÈ (en fait de la relation humain/ordinateur) que propose Brenda Laurel nous paraÓt particuliËrement pertinente et opÈratoire. L'interactivitÈ est la reprÈsentation d'une action, elle nous permet d'agir au sein d'une reprÈsentation.
Cette dÈfinition a une consÈquence immÈdiate : qui dit reprÈsentation d'une action, dit mise en scËne de cette action. Ceci renvoie aux principes les plus anciens de la reprÈsentation d'une action et de sa mise en scËne : le thÈtre.
ApprÈhender les úuvres interactives avec cette perspective offre des outils pour les caractÈriser, les prÈsenter et les analyser.
Le thÈtre associe le corps, les sens mais aussi les Èmotions et l'intellect (aspects cognitifs). L'úuvre interactive n'est donc plus une úuvre " voir" mais "performer"34, une "expÈrience conduire".
Deux diffÈrences existent entre le thÈtre et les úuvres interactives :
- public et acteurs sont les mÍmes personnes, il n'y a plus de diffÈrence entre scËne et salle ;
- les acteurs d'une piËce ont un temps de prÈparation, de rÈpÈtition, d'apprentissage avant de se produire sur scËne alors que le public de l'úuvre interactive dÈcouvre le scÈnario, ou la piËce, en la "jouant" pour la premiËre fois "devant tout le monde".
Les questions de libertÈ ou de choix du public par rapport l'úuvre prennent une autre dimension quand elles ne disparaissent pas. Elles sont exactement similaires ou comparables celles des acteurs par rapport au texte et la mise en scËne (et il y a des piËces "meilleures" que d'autres dans leur sujet et leur dramaturgie et des acteurs plus "brillants" que d'autres dans le jeu).
D'un point de vue artistique et esthÈtique, l'analyse peut alors porter sur la "conception de l'action" (l'úuvre dans son concept et son contenu) Ètroitement couplÈe la conception de l'interface (qui fait aussi partie de l'úuvre puisque, moyen d'agir l'úuvre, elle appartient aux conditions de l'action, donc au contenu et au concept de l'úuvre).
ConsÈquences pour la monstration :
PrÈsenter une úuvre interactive, c'est construire les conditions d'un "mini-thÈtre" o˜ le spectateur est sur scËne.
E - POLYSENSORIALITE [RSS]
L'art Èlectronique intËgre la polysensorialitÈ dans les arts. La vue n'est plus le seul sens sollicitÈ. DÈsormais l'ouie, le toucher, l'effet cinesthÈtique, le mouvement du corps interviennent aussi. Les sens ne sont plus pris isolÈment mais dans leur globalitÈ et leur influence rÈciproque. A cet Ègard la relation son/image est particuliËrement intÈressante : un son de haute qualitÈ compense une image pauvre et de faible dÈfinition (alors que l'inverse n'est pas vrai) et renforce le sentiment d'adhÈsion l'univers proposÈ, "d'Ítre" dans l'action de l'environnement numÈrique.
Soulignons par ailleurs que cliquer avec son index sur une souris appartient au toucher et plus largement un mouvement du corps (le mouvement de l'index part de la moËlle ÈpiniËre et comme personne n'a encore communiquÈ tÈlÈpathiquement avec un ordinateur, nous sommes loin de la disparition du corps tant annoncÈe).
Avec l'art Èlectronique le statut de l'image est remis en cause. L'image n'est plus une fin en soi mais elle devient une lettre de l'alphabet d'un nouveau langage polysensoriel. L'image s'intËgre ainsi d'autres dispositifs, visuels ou non. Le toucher devient un sens prÈpondÈrant, mÍme s'il peut s'agir quelquefois d'un "toucher par procuration", indirect. Cette notion va de pair avec la redÈfinition de la place du corps, la remise en cause de ses limites, la redÈfinition de l'identitÈ, etc.
ConsÈquences pour la monstration :
Avec l'art Èlectronique, le sens sollicitÈ n'est plus la seule vue et il ne s'agit plus stricto sensu d'images.
F - LA TEMPORALITE DANS LES ARTS [RSS]
Les anglophones utilisent frÈquemment le terme de time-based arts (ou "arts fondÈs sur le temps") pour dÈsigner les arts Èlectroniques. Cette expression, qui n'a pas de rÈel Èquivalent en franÁais, est pourtant riche de sens et de consÈquences. Il s'agit bien en effet de la prise en compte du temps au sein de l'úuvre, jusque-l absent de l'art classique. Un tableau, une sculpture, un objet d'art n'incorporent aucun temps intrinsËque, au contraire ils consacrent la mort du temps, le temps figÈ du geste crÈateur. Le temps n'est plus que celui que le spectateur accorde l'úuvre (de 30 secondes l'ÈternitÈ).
On peut faire remonter l'introduction du temps dans l'úuvre au courant cinÈtique et surtout cybernÈtique, notamment avec les úuvres de Nicolas Schffer qui Ècrit35 : Mais le temps est aussi une matiËre que l'on peut modeler. Le modelage du temps s'appelle programmation36.
Le temps est toujours programmÈ, consciemment ou inconsciemment, naturellement ou artificiellement, biologiquement ou psychologiquement, organiquement ou physiquement.
Les buts de ces programmations sont trËs variÈs, mais quand le temps est programmÈ dans un but esthÈtique, il peut devenir objet esthÈtique, dans la musique par exemple.
Dans les pratiques crÈatrices, le temps existait dans trois disciplines : la musique, les arts de la scËne (thÈtre et danse) et le cinÈma. Les arts Èlectroniques introduisent le temps deux niveaux : temps de l'úuvre et temps du spectateur (ce dernier n'existant ni en musique, ni dans les arts de la scËne, ni au cinÈma).
Le temps de l'úuvre
Le temps de l'úuvre est double : concret et abstrait. Le temps "concret" est le nombre de minutes (ou d'heures) dans lequel l'úuvre s'incrit : durÈe d'une bande vidÈo par exemple. Le spectateur n'a aucune libertÈ par rapport ce temps (si ce n'est celle de "partir avant la fin"). Le temps "abstrait", ou non-linÈaire, concerne plutÙt les úuvres interactives, c'est le temps qu'il faudrait pour explorer la totalitÈ de l'úuvre dans toutes ses directions, liens, etc. Temps hypothÈtique car non seulement personne ne fait tous ces parcours, mais, plus encore, il n'est souvent pas nÈcessaire de les faire, et pourtant rÈel puisque, potentiellement, l'úuvre comporte intrinsËquement cette temporalitÈ-l.
Un troisiËme ÈlÈment temporel s'ajoute depuis peu : le temps de la "relecture". Nous avons choisi ce terme car cette notion a ÈtÈ introduite par la littÈrature informatique. Il s'agit du temps de "l'Èvolution" de l'úuvre : selon la pÈriode laquelle on va voir l'úuvre, si on l'a dÈj vue auparavant ou si c'est la premiËre fois, etc., l'úuvre ne sera pas la mÍme. C'est le cas, par exemple, d'une partie de la poÈsie et de la littÈrature par ordinateur, de crÈations en vie artificielle et surtout de certaines úuvres d'art sur le rÈseau, en constant changement.
Le temps du spectateur
Dans une pratique o˜ les úuvres n'incorporent pas d'ÈlÈments temporels intrinsËques, le temps du spectateur, c'est--dire le temps passÈ devant l'úuvre, n'a qu'une pertinence marginale (sociale et intellectuelle). Une fois ce temps ÈcoulÈ, le spectateur pense qu'il a "vu l'úuvre". Avec l'introduction du temps dans les arts plastiques, le spectateur se trouve dans deux positions possibles : temps subi et temps choisi. Le temps subi est celui d'une úuvre linÈaire (comme une bande vidÈo) o˜ le spectateur n'a d'autres choix, s'il veut "voir" l'úuvre, que de rester le temps dÈcidÈ par l'artiste (c'est le mÍme principe de temporalitÈ qu'au cinÈma ou dans les arts de la scËne ou encore en musique). En revanche, dans le cas de l'art interactif et plus encore dans le temps de la "relecture", le public choisit le temps qu'il va consacrer l'úuvre mÍme si un temps minimum (mais indÈterminÈ) est indispensable pour avoir "vu" l'úuvre. A un temps objectif se superpose ici un temps subjectif, de comprÈhension, d'intÈrÍt, etc.
Cet ÈlÈment est essentiel, l'artiste donne une partie du contrÙle de la perception, de la lecture de l'úuvre au spectateur qui doit "ajuster" pour lui-mÍme le temps "abstrait" de l'úuvre.
ConsÈquences pour la monstration :
- L'apparition du toucher dans la perception des úuvres entraÓne des diffÈrences de monstration entre l'art classique et l'art Èlectronique parmi les plus importantes.
- La temporalitÈ exige que l'on permette au public de "s'installer".
- La quantitÈ d'úuvres prÈsentÈes devient cruciale.
- MÈlanger des úuvres qui incorporent le temps d'autres qui ne possËdent pas cet ÈlÈment, mÈlanger des úuvres qui reposent sur des temps diffÈrents (concret et abstrait) ne peut se faire inconsidÈrÈment et doit Ítre sÈrieusement intÈgrÈ dans la scÈnographie et le concept de toute manifestation.
Ne pas prendre en compte ces ÈlÈments aboutit simplement une "non-vue" ou non-perception correcte des úuvres. La Biennale de Lyon en a ÈtÈ un exemple rÈcent.
G - MULTIMODALITE DE L'åUVRE [RSS]
Des úuvres aux formes dÈclinables
Jusqu'en 1994 environ, y compris dans les arts Èlectroniques, la forme d'une úuvre ("l'úuvre perceptible") Ètait dÈterminÈe une fois pour toutes avec seulement une marge d'adaptation selon les lieux de montration. Depuis, une tendance est en train de voir le jour : celle des úuvres aux formes dÈclinables et variables. Cette tendance est due en grande partie l'accËs plus facile des artistes la technologie du CD-ROM et au World Wide Web. Des artistes conÁoivent ainsi de plus en plus leurs úuvres comme pouvant Ítre une installation dans un espace public avec une "mise en scËne" (rajout de dispositifs lumineux, sonores, de diapositives, etc.) et, avec le mÍme concept, un CD-ROM. L'Èquipe montrÈalaise de Michael Mackenzie a crÈÈ une úuvre qui existe sur CD-ROM et sur scËne, dans le cadre d'un spectacle. Certains artistes envisagent le World Wide Web comme une autre forme combiner pour la dÈclinaison d'un mÍme travail. Par exemple, un CD-ROM peut Ítre la structure de base qui s'incorporera dans l'installation exposÈe dans certaines circonstances et lieux publics et/ou qui trouvera son prolongement sur le Web pour une "mise jour" des informations, l'Èvolution de l'úuvre ou a contrario son "rÈsumÈ", une version "abrÈgÈe" de l'úuvre qui donnera alors envie d'acquÈrir le CD-ROM.
Cette Èvolution est trËs importante. Les arts visuels rejoignent ainsi la musique avec ses trois ÈlÈments d'Ècoute : la radio ou la tÈlÈvision, le disque ou la cassette et enfin le concert.
ConsÈquences pour la monstration :
DiffÈrentes versions d'une mÍme úuvre peuvent Ítre accessibles au public dans divers lieux ou circonstances, ou dans un mÍme lieu.
H - REPRESENTATION, METAPHORE ET ACTE [RSS]
L'art Èlectronique reste pour une grande part un art de la reprÈsentation : celle d'un monde technologique, de notre nouvel "Ítre au monde" plutÙt que de notre point de vue sur le monde.
Cependant, l'art Èlectronique, contrairement l'art classique, ne reprÈsente plus une rÈalitÈ prÈ-existante mais une construction d'une rÈalitÈ ou d'un morceau de rÈalitÈ. PlutÙt que de reprÈsentation, il faudrait parler de mÈtaphore du rÈel.
La reprÈsentation classique s'inscrit dans un monde visuel et stable, dans une conception d'un rÈel, comme donnÈ permanent, que nous pouvons donc reprÈsenter. La science nous a appris que la vision (sens que nous avions posÈ une place prÈpondÈrante dans les arts plastiques) ne nous permet d'apprÈhender qu'une portion extrÍment limitÈe du rÈel et que celui-ci est non seulement construit mais instable.
Dans son article From Appearance to Apparition : Communications and Consciousness in the Cybersphere37, Roy Ascott dÈveloppe cette idÈe de maniËre remarquable. Pour lui, la reprÈsentation est l'art de l'apparence alors que l'art Èlectronique est celui de l'apparition. Il Ècrit : si l'apparence est le visage de la rÈalitÈ, des choses comme elles sont, l'apparition est l'Èmergence des choses comme elles pourraient Ítre [...].
Une culture dÈfinie par les apparences se fonde sur des certitudes, une description dÈfinitive de la rÈalitÈ. Par opposition, une culture de l'apparition se fonde sur la construction de la rÈalitÈ, par le biais de perceptions, rÍves et dÈsirs partagÈs, de communication et sur l'hybridation des media et la cÈlÈbration d'une instabilitÈ sÈmiotique.[...]
Dans notre comprÈhension actuelle du monde, rien n'est suffisamment stable pour avoir le dÈsir de lui donner une forme permanente de reprÈsentation. Nous voulons maintenant un art qui construise de nouvelles rÈalitÈs, non un art qui reprÈsente un monde prÈordonnÈ, fini et dÈj construit. Nous voulons maintenant un art qui soit instrumental plutÙt qu'illustratif, explicatif ou expressif.
En outre, tout un pan de l'art Èlectronique ne relËve ni de la reprÈsentation ni mÍme de la mÈtaphore mais de l'acte. L'art de la communication, une partie de l'art sur le rÈseau, l'art gÈnÈtique ou biologique ne reprÈsentent rien pas plus qu'ils ne sont la mÈtaphore de quelque chose (un nouvel ordre technologique par exemple). Ils sont des actes dans le rÈel, actes artistiques, esthÈtiques certes, mais avec autant d'effets et de consÈquences que d'autres types d'actes quotidiens plus ou moins immatÈriels. Contribuer Ping ou HyGrid 38 c'est faire partie d'une communautÈ et y agir, au mÍme titre que d'aller dÓner entre amis, de collaborer une association ou de faire une transaction par tÈlÈphone ; crÈer et manipuler une crÈature numÈrique dans GENMA de Laurent Mignonneau et Christa Sommerer n'est en rien diffÈrent des expÈriences des scientifiques en vie artificielle. Cet art de l'acte est fondamentalement diffÈrent de l'art classique, il ne reprÈsente plus un Ètat du rÈel prÈ-existant mais il est une prise de responsabilitÈ partagÈe, une construction du rÈel.
ConsÈquences pour la monstration :
Un nouveau discours sur l'art, et donc une nouvelle pÈdagogie, une nouvelle information destination du public, doivent Ítre mis en place et dÈveloppÈs.
Les conditions de l'action doivent Ítre amÈnagÈes dans les espaces publics.
Art Èlectronique : art plastique ?
Cet ensemble d'ÈlÈments suscite des interrogations sur la notion mÍme d'art plastique. Une úuvre incluant de l'image, du son, de la communication et des appareillages divers permettant sa perception est-elle encore plastique ? Et, corollaire, qu'est ce qui est plastique dans ce genre d'úuvres : les instruments physiques (l'úuvre perceptible) ou le contenu (l'information) ou les deux ou encore d'autres choses ?
Dans le dÈcoupage actuel (du ministËre de la culture par exemple), on distingue encore entre arts plastiques, musique & danse, thÈtre, littÈrature, etc. Cette typologie n'est plus pertinente en ce qui concerne les arts Èlectroniques. La terminologie d'arts visuels, par opposition aux arts phoniques et aux arts de la scËne, est une tentative de pallier ce problËme mais elle ne rÈsoud pas la question de fond.
II - LES FORMES DE L'ART ELECTRONIQUE [RS] [RSS]
L'art Èlectronique est gÈnÈralement dÈcoupÈ en disciplines plus ou moins structurÈes (holographie, musique, vidÈo), aux contours plus ou moins flous (image de synthËse), reposant principalement sur la technique utilisÈe et non sur une catÈgorisation opÈratoire en termes d'analyse des úuvres.
Nous proposons ici une nouvelle typologie de l'art Èlectronique, fondÈe sur la forme des úuvres, indÈpendamment des moyens utilisÈs. Elle repose sur l'inscription physique de l'úuvre, son "incarnation" ou incorporation, sur l'úuvre perceptible.
Nous avons dÈfini cinq catÈgories : les formes classiques ou l'úuvre-objet, les úuvres sur Ècran, les installations, les úuvres in situ et de laboratoire et l'art vivant.
A - åUVRE-OBJET [RSS]
La diffÈrence entre ces úuvres et les úuvres classiques (peinture, dessin, sculpture) rÈside plus dans leur nature que dans leur forme. Ici, les technologies, et notamment les technologies numÈriques, ne modifient pas la forme qui reste hÈritiËre du support "plat", deux dimensions, que l'on accroche au mur ou dans un espace, ou du volume, en trois dimensions, que l'on met sur un socle et autour duquel on peut tourner. Ce qui fait dire Louise Poissant certaines de ces formes d'art [Èlectronique] font encore une large place l'objet ou l'image et, en ce sens, elles prolongent la tradition artistique.39
Nous distinguerons deux types d'úuvre-objet, les úuvres inanimÈes et les "nÈo-objets".
1 - Oeuvres inanimÈes [RSS]
Entrent dans cette catÈgorie l'infographie, le copy-art, l'holographie, la photographie numÈrique, certaines sculptures lumineuses et/ou sonores, une partie de l'art spatial.
Certaines de ces úuvres n'ont aucun support de prÈsentation technologique (infographie, copy-art par exemple) et ne prÈsentent aucune diffÈrence avec la peinture, l'estampe ou la photographie ; d'autres intËgrent des ÈlÈments technologiques (holographie, sculptures sonores et/ou lumineuses).
ConsÈquences pour la monstration :
D'une maniËre gÈnÈrale, les conditions de monstration de ces úuvres sont trËs proches de celles des úuvres classiques. Elles devraient pouvoir Ítre facilement intÈgrÈes dans les lieux traditionnels de l'art dont le musÈe.
- Dans le cas des úuvres sans support technologique, leur monstration est identique celle du reste de l'art contemporain avec les mÍmes contraintes, les mÍmes questionnements et interrogations.
- Les úuvres avec support technologique nÈcessitent simplement une isolation visuelle et/ou sonore, du courant Èlectrique et un minimum de maintenance. Elles s'inscrivent dans des traditions de l'art contemporain (comme l'art cinÈtique) et prÈsentent des conditions de monstration similaires (mais au fait, combien d'úuvres d'art cinÈtique sont montrÈes de maniËre permanente dans nos musÈes ?).
2 - "NÈo-objets" [RSS]
Nous avons choisi ce terme pour caractÈriser des úuvres qui restent des objets, mais des objets singuliers quant leur monstration.
Entrent dans cette catÈgorie certaines sculptures sonores et/ou lumineuses, les sculptures interactives40, les robots et objets en mouvement41 dans l'espace.
ConsÈquences pour la monstration :
La monstration de ces "nÈo-objets" se rapproche de celle de la sculpture ou de certaines úuvres "mÈcaniques" comme la Rotozaza de Tinguely. Elle s'en distingue par plusieurs points :
- ces úuvres engendrent souvent des comportements bruyants de la part du public ;
- elles doivent quelquefois Ítre "touchÈes", attitude en totale rupture avec la sculpture classique ;
- elles crÈent leur propre espace et donc ne permettent pas de mettre plusieurs úuvres dans le mÍme espace gÈnÈral ;
- elles nÈcessitent une isolation phonique et donc soulËvent des problËmes d'intÈgration spatiale dans les collections (pour les musÈes), ou de scÈnographie lors d'expositions temporaires.
B - åUVRE SUR ECRAN [RSS]
L'Ècran est un ÈlÈment essentiel dans l'art Èlectronique, qu'il soit celui d'un moniteur (et donc de petite taille) ou un Ècran de projection (et donc de format plus grand).
L'Ècran42, notamment celui de l'ordinateur, s'inscrit dans un continuum quant l'existence (ou la reprÈsentation) "d'autres mondes" au sein de notre rÈalitÈ physique. L'Ècran prÈsente les mÍmes caractÈristiques que la peinture, la photographie ou le cinÈma : un cadre qui dÈlimite deux espaces et le rapport frontal du spectateur "immobilisÈ" par rapport l'úuvre.
Lev Manovich souligne qu'une des diffÈrences entre l'Ècran-tableau/photographie/cinÈma et l'Ècran de l'ordinateur est que le premier reprÈsente des ÈvÈnements du passÈ alors que le second peut incorporer le temps prÈsent, le temps rÈel43.
Une autre des diffÈrences avec l'art classique la diffÈrenciation entre l'úuvre et le support fait que nous avons faire une autre forme d'úuvre. La peinture, qu'elle soit figurative ou abstraite, l'huile ou acrylique, sur bois ou sur toile, est indissociable de son support. L'úuvre Èlectronique sur Ècran, en revanche, est totalement indÈpendante du support sur lequel elle est vue (similaire en cela au cinÈma). Le mÍme Ècran peut montrer diffÈrentes úuvres (ou autre chose : programme de tÈlÈvision ou feuille de calculs), la mÍme toile ne peut montrer qu'une úuvre et une seule. L'úuvre est l'information codÈe, stockÈe sur un support quelconque (bande vidÈo, disquette, CD-ROM, film, disque externe, etc.) et montrÈe sur un autre medium selon les besoins, les conditions, etc. (moniteur vidÈo, Ècran d'ordinateur, vidÈo projecteur, projecteur de cinÈma).
L'úuvre n'Ètant plus associÈe un support unique n'a plus la mÍme relation l'espace : elle occupe un espace modulable, Èlastique selon les circonstances et non plus dÈfini par une taille et un encombrement.
L'Ècran est un objet qui, en tant que tel, ne peut Ítre nÈgligÈ dans la monstration car il reste le premier contact avec l'úuvre. En outre, cet objet relËve aussi bien de la sphËre publique que domestique et soulËve des questions diffÈrentes selon que la monstration se dÈroule dans l'une ou dans l'autre. Notons Ègalement qu' l'objet-Ècran doit Ítre associÈ un objet-lecteur (ordinateur, magnÈtoscope, vidÈodisque, etc.) qui peut occuper des espaces diffÈrents au sein de l'espace de monstration.
Nous distinguons deux types d'úuvres sur Ècran : les úuvres non-interactives et les úuvres interactives.
1 - Les úuvres sur Ècran non-interactives [RSS]
Appartiennent cette catÈgorie les bandes vidÈo et les animations en image de synthËse.
Quelques caractÈristiques :
- elles reposent sur un temps linÈaire o˜ le spectateur, passif, n'a d'autre choix que de rester ou de partir.
- ni objet, ni installation, elles s'apparentent plus au cinÈma : ce ne sont pas des úuvres que l'on expose mais que l'on prÈsente, ou programme. L'anglais utilise le mot "screenings" tout fait rÈvÈlateur.
ConsÈquences pour la monstration :
- Les conditions d'Èquipements matÈriels sont assez simples et pas forcÈment trËs co°teuses : magnÈtoscopes et moniteurs ou vidÈoprojecteur + Ècran et des siËges pour le confort des spectateurs.
- Deux grands types de prÈsentation sont possibles : en programmes collectifs, rÈguliers ou non (cf. l'action du CarrÈ Seita ou les "films shows" des manifestations comme SIGGRAPH ou Imagina ou les festivals vidÈo) ; la carte, selon un modËle bibliothËque/mÈdiathËque (avec Èventuellement la possibilitÈ d'emprunts).
2 - Les úuvres sur Ècran interactives [RSS]
Appartiennent cette catÈgorie les úuvres sur CD-ROM (ou sur disques durs), certaines úuvres sur Internet, une partie de la poÈsie et de la littÈrature informatiques.
Leur mode de "consommation" s'apparente celui du livre et de la lecture : contrairement aux installations interactives (voir infra : Installations et environnements), leur contenu est gÈnÈralement plus important en termes de quantitÈ d'informations explorables ; elles mettent en úuvre un temps non-linÈaire et par consÈquent "Èlastique". Le temps nÈcessaire pour les "voir" dÈpend de chaque personne et non d'un temps prÈ-dÈterminÈ, intrinsËque l'úuvre ; elles ne s'Èpuisent pas en une seule consultation, leur structure mÍme favorise ou appelle des lectures multiples et successives ; une seule personne peut agir la fois (comme une seule personne peut lire un mÍme livre la fois) et, sauf exception, seulement une ou deux personnes peuvent "regarder la lecture" la fois.
De ce fait, ces úuvres appartiennent plus une consommation de type domestique, dans la sphËre privÈe, que dans l'espace public. La monstration dans l'espace privÈ soulËve un certain nombre de questions : qui est ÈquipÈ du matÈriel nÈcessaire, comment est-on informÈ de ce qui existe, o˜ peut-on se procurer ces úuvres, o˜ est l'ordinateur la maison, y a t-il un marchÈ ? (voir infra : Les lieux, Espace domestique ).
De par leur nature, ces úuvres ne peuvent donc Ítre ni exposÈes, ni mÍme montrÈes, au sens strict des termes. Les verbes clÈs ici sont : sensibiliser, informer, consulter.
La sensibilisation passe par des manifestations thÈmatiques permettant des confrontations organisÈes des úuvres. L'information sur ce qui existe peut se faire par des kiosques qui peuvent Ítre situÈs peu prËs n'importe o˜ : dans des galeries privÈes, dans des musÈes, dans des grands magasins, des endroits dÈdiÈs (cf. l'expÈrience de l'ÈtÈ 1996 au Carrousel du Louvre), dans des lieux de passage. La consultation, c'est--dire la possibilitÈ d'une "lecture" rÈelle des úuvres, ouvre nouveau sur le modËle mÈdiathËque/bibliothËque avec des collections variÈes disponibles pour le public.
ConsÈquences pour la monstration :
- les conditions d'Èquipement matÈriel restent peu problÈmatiques (quelques ordinateurs) achetables ou louables l'annÈe ou ponctuellement.
- l'isolation phonique est facile avec des casques tout en permettant une Ècoute et une lecture deux.
- d'une maniËre gÈnÈrale, il est indispensable d'avoir quelqu'un de compÈtent en informatique pour la maintenance (relativement simple) et un personnel d'accueil et d'accompagnement (qui peuvent Ítre les mÍmes personnes).
- la sÈcurisation du matÈriel pour Èviter les vols, dÈtÈrioration ou les mauvaises manipulations peut se faire en isolant du public une partie du matÈriel, par des solutions de type "juke box" et surtout par une Èducation du public.
- les conditions de consultation des úuvres doivent Ítre confortables et agrÈables pour le public mais une distanciation reste nÈcessaire, ce n'est ni la maison ni une salle des pas perdus. L'Ècran reste la premiËre chose que le public voit, avant l'úuvre, sa prise en compte est indispensable tant comme objet physique que comme objet psychologique44. Lev Manovich45 Ècrit : The problem with media art (especially with video art which accepted the TV monitor as a form of exhibition) is that it most of the time does not creatively engages with the exhibition form. To put a CD-ROM in a computer and to put this computer in a room is not enough. The form of exhibition should be given as much attention as the content of the work. A computer screen is always already an object, a physical presence within a physical space of a viewer. Media artists [et nous ajoutons les organisateurs et commissaires] should be as much concerned with what happens in the physical space (viewer's body, exhibition space, screen) as with what happens in the virtual space inside the screen46.
C - INSTALLATIONS ET ENVIRONNEMENTS [RSS]
Trois ÈlÈments caractÈrisent les installations : elles prÈsentent une occupation spatiale volumÈtrique minimum dÈterminÈe ; dans la plupart des installations d'art Èlectronique, et c'est une tendance lourde notamment avec les installations interactives ou de rÈalitÈ virtuelle, le public est immergÈ dans l'installation, il est entourÈ par celle-ci, mÍme quand l'action se passe sur un Ècran ; les installations agissent comme de mini "thÈtres", constructions, mondes part au sein de l'architecture dans laquelle elles se trouvent.
Nous distinguons trois types d'installations : non-interactives, interactives et les systËmes de prÈsentation.
1 - Les installations non-interactives [RSS]
Elles incluent les installations vidÈo, holographiques, les úuvres sur Ècran non-interactives en vidÈo projection, certaines úuvres sonores et/ou lumineuses, une partie de l'art spatial.
Ces úuvres crÈent un espace propre au sein de l'espace physique de monstration. GÈnÈralement, plusieurs personnes du public peuvent les voir en mÍme temps.
TrËs proches des installations classiques, ce sont des úuvres "objectales" : elles ressemblent ou peuvent Ítre assimilÈes des objets mais elles en diffËrent par l'Èquipement technique, gÈnÈralement simple.
ConsÈquences pour la monstration :
Comme les installations traditionnelles, ces úuvres exigent un espace physique assez grand, avec souvent une hauteur sous plafond importante.
Elles nÈcessitent dans la plupart des cas une isolation phonique (tout comme l'ont ou devraient l'avoir certaines úuvres classiques) et quelquefois lumineuse (pour la vidÈo, l'holographie par exemple).
2 - Les installations interactives [RSS]
Elles incluent les installations informatiques (dont les úuvres de rÈalitÈ virtuelle), certaines piËces holographiques, certaines úuvres sur le rÈseau Internet47.
Ces installations constituent des espaces scÈniques dans lesquels le visiteur est tour tour acteur/spectateur de l'úuvre (en position exhibitionniste) et spectateur de l'action d'un autre visiteur/spectateur de l'úuvre (en position voyeuriste).
La physicalitÈ de l'úuvre devient l'ensemble de conditions, le thÈtre, d'une action qui est actualisÈe par un visiteur. L'úuvre "perd corps" et c'est celui du visiteur/acteur qui en devient le rÈceptacle mais un rÈceptacle perceptif et rÈactif (c'est--dire incluant les Èmotions, les perceptions sensorielles et la cognition).
Dans ce contexte, la conception de l'interface et le degrÈ de difficultÈ (donc d'apprentissage) qu'elle engendre pour le public sont essentiels48.
La plupart de ces installations n'admettent qu'un spectateur/acteur la fois mais, contrairement aux úuvres sur Ècran, elles peuvent aussi Ítre conÁues pour une interactivitÈ plusieurs49.
ConsÈquences pour la monstration :
Ces úuvres reposent sur des systËmes techniques haut de gamme. Leur monstration est trËs co°teuse et exige, sauf exception, une maintenance technique spÈcialisÈe.
N'Ètant plus des úuvres " voir" ni mÍme consulter mais des espaces dans lequels se dÈroule une action, il est indispensable de prendre en compte cette dimension de "mise en scËne". A cet Ègard la prÈsentation d'Osmose de Char Davies au MusÈe d'Art Contemporain de MontrÈal dans le cadre d'ISEA 95 Ètait en tout point remarquable : l'acteur Ètait isolÈ dans une petite piËce mais visible en ombre chinoise derriËre une paroi translucide sans qu'on puisse l'identifier (ÈlÈment rassurant quand on est peu familier de l'appareillage de la rÈalitÈ virtuelle et moyen pour masquer et protÈger les machines). Le rÈsultat de son action Ètait montrÈ sur grand Ècran dans un espace contigu. La disposition des lieux faisait que l'on ne pouvait voir simultanÈment l'ombre de l'acteur et la projection.
3 - Les installations-systËmes de prÈsentation [RSS]
Deux existent : EVE (Extended Virtual Environment) dÈveloppÈe par Jeffrey Shaw et les Èquipes du ZKM Karlsruhe et The Cave l'Electronic Visualization Laboratory de l'UniversitÈ de l'Illinois Chicago. Une est un projet, AME (AprËs MusÈe Explorable) de Maurice Benayoun.
Ce ne sont pas des úuvres mais des systËmes de prÈsentation dans lesquels des úuvres diffÈrentes peuvent Ítre montrÈes. Ce ne sont pas non plus des espaces indÈpendants. MÍme s'ils pourraient s'apparenter aux salles qu'a inventÈes le cinÈma, ils sont nÈanmoins conÁus pour exister dans des btiments (AME, The Cave) que l'on imagine difficilement dÈdiÈs. EVE, qui est une structure gonflable, pourrait Ítre installÈe en extÈrieur mais les ordinateurs doivent Ítre l'abri dans du "dur" pour des raisons climatiques et de sÈcuritÈ Èvidentes.
Dans tous les cas, ils reposent sur des Èquipements techniques haut de gamme, ils sont encombrants et chers. DestinÈs Ítre dupliquÈs et installÈs plusieurs exemplaires, ils restent pour l'instant l'Ètat de prototype. Il va Ítre tout fait intÈressant de suivre l'expÈrience de l'Ars Electronica Center qui se dote de The Cave (seul systËme notre connaissance exister plus d'un exemplaire)50. En effet, pour l'AEC, The Cave s'inscrit dans une dualitÈ crÈation/monstration qui devrait susciter l'apparition d'un corpus d'úuvres plus important (et donc rÈsoudre en partie le dilemme de la poule et de l'úuf ou pourquoi se doter d'un systËme aussi co°teux s'il n'existe pas de travaux en quantitÈ suffisante montrer).
D - ART VIVANT : SPECTACLES, PERFORMANCES, ACTIONS [RSS]
Les deux caractÈristiques essentielles de ces formes d'art Èlectronique sont les suivantes :
- ces úuvres s'inscrivent dans un temps dÈfini et limitÈ. Elles sont par dÈfinition ÈphÈmËres ;
- elles ne laissent aucune trace, exceptÈe la documentation qui leur est consacrÈe.
On peut distinguer deux types d'art vivant :
Spectacle/Performance
Il s'agit des spectacles technologiques, de danse ou des performances d'artistes sans participation du public. Ces úuvres relËvent du spectacle, en d'autres termes de personnes vivantes couplÈes d'une maniËre ou d'une autre avec la technologie, agissant sur une scËne et "reprÈsentant", mÈtaphoriquement, le spectateur, cantonnÈ un rÙle plus ou moins passif.
Performance/Action
Il s'agit des spectacles participatifs (comme Kinoetic Evolution de Rachel et Loren Carpenter), de certaines pratiques de l'art de la communication o˜ le public est plus actif et qui ne comportent pas de "scËne" proprement dite. Une version plus actuelle est une partie de l'art des rÈseaux.
MÍme quand le systËme d'information de dÈpart existe de maniËre numÈrique, il ne faut pas croire pour autant que l'úuvre a une trace intrinsËque car, moins de conserver tous les Ètats informatiques de l'action, l'úuvre est, et a ÈtÈ, l'action (et non ses diffÈrents Ètats).
ConsÈquences pour la monstration :
Dans leur forme classique (spectacle), ces úuvres peuvent s'incorporer aux programmes des salles de spectacles ou de concerts (comme Brain Opera de Tod Machover crÈÈe avec l'Èquipe du MIT Media Lab et montrÈe pour la premiËre fois au Lincoln Center New York). D'autres, en revanche, qui s'apparentent plus la performance ou qui incluent la participation du public (comme les performances de Stelarc ou les actions de Fred Forest), trouveraient mieux leur place dans des lieux de monstration de l'art plastique mais, comme elles n'appartiennent pas stricto sensu aux arts visuels, elles rencontrent des difficultÈs pour s'y faire admettre.
E - IN SITU ET DE LABORATOIRE [RSS]
Nous distinguerons les úuvres in situ, crÈÈes pour un espace donnÈ, pour lesquelles crÈation et monstration sont intimement liÈes, des úuvres de laboratoire qui peuvent dissocier les deux.
1 - In situ [RSS]
Ce sont des cas particuliers chaque fois. Dans leur forme (úuvre perceptible) elles peuvent appartenir Ègalement l'une des catÈgories prÈalablement dÈfinies. Elles s'intËgrent dans des espaces intÈrieurs ou extÈrieurs, en zone urbaine ou dans la nature (notons ce sujet que la nature s'Ètend dÈsormais hors de la Terre avec une partie de l'art spatial) mais aussi dans le cyberespace du rÈseau Internet (voir infra : Les lieux "technologiques", le cyberespace).
Quelquefois pÈrennes mais le plus souvent ÈphÈmËres, elles sont par dÈfinition non reproductibles. Contrairement au Land Art ou certains exemples d'art spatial51, la trace documentaire ne fait pas partie de l'úuvre ce qui pose le problËme de la mÈmoire et de l'archivage, de leur inscription dans l'histoire de l'art. En ce sens, nombre d'entre elles s'apparentent au spectacle vivant.
ConsÈquences pour la monstration :
CrÈation et monstration sont Ètroitement associÈes ce qui suppose la prÈsence d'une institution productrice pour que l'úuvre existe.
L'information et la pÈdagogie sont encore plus indispensables pour les úuvres Èlectroniques que pour les úuvres classiques, quand elles sont en extÈrieur52.
2 - De laboratoire [RSS]
Nous qualifions de "laboratoire" des úuvres d'ordre expÈrimental. Dans des pÈriodes de restriction ou de formalisation plus grande de l'art, elles ont tendance Ítre oubliÈes ou peu soutenues alors qu'elles reprÈsentent une part essentielle de la dynamique de la crÈation.
Elles se divisent en deux types. D'une part les úuvres crÈÈes sur des systËmes techniques trËs haut de gamme, ou sur du matÈriel scientifique. Leur monstration nÈcessite souvent du matÈriel Èquivalent ce qui restreint leur diffusion. D'autre part les úuvres prototypes (quelquefois jamais totalement "achevÈes").
De l'une ou l'autre catÈgorie, ces úuvres sont rarement "indÈpendantes" : l'artiste doit toujours Ítre prÈsent lors de la monstration.
ConsÈquences pour la monstration :
Elles ne peuvent vraiment Ítre montrÈes qu'avec le soutien d'institutions puissantes, gÈnÈralement spÈcialisÈes.
L'analyse que nous avons conduite au cours de ces deux parties, sur la nature et les formes de l'art Èlectronique, ne comporte aucun ÈlÈment et aucun jugement de caractËre esthÈtique des úuvres. Si les critËres et les typologies que nous proposons nous paraissent opÈratoires, Èvaluer les qualitÈs et critËres artistiques des úuvres ou dÈfinir les courants et tendances qui peuvent exister ou se faire jour, est un autre sujet. Il nÈcessite de prendre en compte de maniËre synthÈtique (et non plus analytique) la forme des úuvres, leur nature, les contenus ainsi que la cohÈrence interne et externe de ces diffÈrents ÈlÈments.
III - LA PLACE DU PUBLIC [RS] [RSS]
La place du public est Èvidemment prendre en compte pour la monstration. Elle dÈpend de la nature et de la forme de l'úuvre.
De la participation
DËs que l'on aborde la place du public dans l'art Èlectronique, la notion de participation resurgit inÈluctablement. Rappelons briËvement les principes de base de ce concept afin de prÈciser les diffÈrences.
La notion de participation du public s'est dÈveloppÈe dans l'art des annÈes soixante53, un moment, soulignons-le, o˜ naissent les premiËres expÈriences d'art Èlectronique. Elle repose plus sur des principes thÈoriques et idÈologiques que techniques.
Il s'agit avant tout d'une remise en cause de la sociÈtÈ et du systËme de l'art selon deux axes : d'une part, un refus et une lutte contre la consommation en gÈnÈral et celle de l'art en particulier et, d'autre part, l'idÈe de l'Èducation des masses. L'artiste agit donc un peu comme une "avant-garde du prolÈtariat" qui Èduque le peuple et lui propose d'autres modËles. Certains artistes notent d'ailleurs que "les gens refusent de participer" et abandonnent progressivement les expÈriences.
Ce n'est pas tant la forme et la nature intrinsËques de l'úuvre qui induisent la place du public mais plutÙt des úuvres qui sont conÁues a priori pour rÈpondre des objectifs politiques et sociaux.
La participation est Ègalement largement fondÈe sur des happenings ou actions diverses qui visent avant tout dÈstabiliser le public pour le mettre dans un Ètat "psychologique" propre effectuer une rÈvolution mentale. Pour certains, la participation est d'ailleurs essentiellement psychologique. Elle se confond avec la prise de conscience de la transformation de l'art.
Il s'agit Ègalement de faire sentir l'acte crÈateur au public, afin qu'il retrouve, qu'il "revive" l'expÈrience de l'artiste. La perception du geste crÈateur est plus importante que la participation ce geste. La perception apparaÓt comme un mot clÈ.
Si, cette pÈriode, des úuvres et des expÈriences entrent dans ce que nous appelons l'art interactif, et si certains concepts ÈlaborÈs cette Èpoque ont encore cours aujourd'hui, le contexte et les idÈes qui entourent la notion de participation restent ÈloignÈs de ce qui est dÈbattu et mis en úuvre depuis les annÈes 80 jusqu' aujourd'hui. En fin de compte, le public est quand mÍme considÈrÈ comme passif et surtout consommateur.
L'interactivitÈ se distingue de la notion de participation plus d'un titre .
Elle ne repose plus sur une idÈologie politique et sociale ni mÍme artistique et ne vise plus particuliËrement transformer le public, en lui faisant atteindre un niveau supÈrieur de conscience. MÍme dans une certaine idÈologie naÔve du rÈseau aujourd'hui, ce ne sont plus ces idÈes qui sont au cúur des dÈbats. Si, dans les annÈes soixante, il s'agissait d'essayer de rÈpondre un "malaise dans la civilisation" (cf. article de Vostell dans le catalogue d'Electra), aujourd'hui il s'agit plutÙt de la prise de conscience des changements profonds engendrÈs par les techno-sciences dans la sociÈtÈ, de la volontÈ d'accompagner ce changement, de l'influer, un peu selon le mot d'ordre du laboratoire de recherches de Xerox, "Si vous voulez savoir quoi ressemblera le futur, concevez-le".
Par ailleurs, la place du public ne se rÈsume pas la seule notion d'interactivitÈ.
La place du public dans l'art Èlectronique
Avant d'en prÈsenter une synthËse sous forme d'un tableau synoptique, examinons quelques ÈlÈments fondamentaux.
Dans l'art classique, le public est dans une position de dÈambulation-arrÍt devant l'úuvre. La vue est le principal organe sensoriel sollicitÈ et le corps sert de moyen de transport : le spectateur va d'úuvre en úuvre mais celles-ci sont fixes et inertes.
Dans l'art Èlectronique, hormis pour une partie des úuvres-objets et des installations non-interactives, o˜ l'on retrouve des modËles existants que l'on sait prendre en compte, nous sommes face de nouveaux schÈmas pour lesquels il faut inventer de nouveaux modËles.
On peut dÈfinir quatre positions du public :
- le spectateur : passif et voyeur, se retrouve essentiellement quand l'art Èlectronique rejoint l'art traditionnel ou d'autres formes de pratiques artistiques comme le cinÈma ou le spectacle.
- l'actant : le public agit mais n'est pas ou peu "mis en scËne", par exemple dans les úuvres interactives sur Ècran.
- le participant : cas des performances/actions.
- le spectActeur54: le public est spectateur et acteur, en position d'exhibitionnisme et de voyeurisme.
Hormis pour le spectateur, le corps du public ne sert plus uniquement au transport mais l'apprÈhension de l'úuvre.
IV - LES CONDITIONS INTRINSEQUES DE LA MONSTRATION [RS] [RSS]
La nature et la forme des úuvres induisent des conditions de monstration, que nous qualifions d'intrinsËques, avant mÍme de penser un quelconque lieu ou un type d'institutions.
Les conditions intrinsËques de la monstration reposent sur des aspects conceptuels et matÈriels.
Les ÈlÈments conceptuels les plus importans nous semblent Ítre la fin de l'objet, l'introduction de la temporalitÈ dans les arts et le renversement du paradigme du "Ne pas toucher".
Les moyens matÈriels utilisÈs (du trËs haut de gamme l'Èquipement commun) et leur maintenance obligatoire vont avoir une rÈpercussion sur les lieux potentiels de la monstration.
Un autre ÈlÈment, ce stade, nous paraÓt particuliËrement important : qui dit monstration dit d'abord crÈation (dans certains cas les deux se confondent).
Face aux difficultÈs qu'ils rencontrent tant dans la production que dans la diffusion, les artistes se tournent de maniËre significative vers des productions qu'ils peuvent entiËrement maÓtriser seuls : CD-ROM, úuvres sur Internet55. Plus faciles prÈsenter, ces úuvres rencontrent les faveurs des commissaires et organisateurs.
Monstration et crÈation doivent Ítre prises en compte de concert si l'on ne veut pas affronter un certain nombre de risques :
- orientation et appauvrissement des formes de crÈation et notamment pour tout ce qui concerne l'expÈrimentation. Martine Moinot soulignait : Il faut faire attention que le CD-ROM ne donne pas une rÈponse facile. Il exclut tout un type d'installations. [...] On peut faire facilement entrer le CD-ROM dans les collections parce que c'est un support facile, conservable, etc. mais que fait-on des installations ? [...] Les artistes aussi disent on va faire un CD-ROM parce qu'on n'arrive pas faire autre chose. Et c'est un danger. [...] Je pense qu'il y a tout un secteur, dont les installations, qui relËve de l'institution du musÈe56.
- domination des quelques grands centres de crÈation avec : une sÈlection inÈvitable, et mÍme souhaitable, mais limitative des artistes ; risque d'aggravation de la tendance aux "technology-driven choices" ou choix des projets opÈrÈs sur des critËres techniques les plus " la pointe".
- assujettissement aux fabricants de matÈriels et de logiciels.
- "Èvaporation" des jeunes artistes vers le secteur professionnel commercial et ludique. Stephen Wilson faisait rÈcemment remarquer57 que, faute d'autres possibilitÈs, ses meilleurs Ètudiants entraient dans des entreprises (liÈes au multi mÈdia, Internet ou aux jeux) pour gagner leur vie. Ils ne reviendront probablement jamais l'art.
[RS] [RSS]
SECTION III - LES ESPACES DE LA MONSTRATION [RS]
i - Les lieux de l'art
A - MusÈes et centres d'art
1 - Le paysage franÁais : analyse de l'enquÍte
2 - Exemples
3 - Les limites des musÈes et centres d'art :
consÈquences pour la monstration
B - Galeries, festivals et foires d'art contemporain
C - Espace public
1 - Exemples
2 - Les consÈquences pour la monstration
ii - Les lieux scientifiques et techniques
A - MusÈes des sciences et des techniques
1 - Exemple : l'Exploratorium de San Francisco
2 - Les limites et les consÈquences pour la monstration
B - Laboratoires privÈs et publics
1 - Exemple : le programme PAIR du Xerox PARC
2 - Les limites et les consÈquences pour la monstration
iii - Lieux commerciaux et techniques
A - Foires, salons et confÈrences professionnels
1 - Exemple : SIGGRAPH
2 - Les manifestations professionnelles : "un espace naturel" pour
l'art Èlectronique ?
3 - Les limites et les consÈquences pour la monstration
B - Entreprises
C - CybercafÈs
iv - Lieux decales
A - Exemples
1 - Realidad Virtual, Madrid, 1995
2 - ISEA, MontrÈal, 1995
B - Le lieu dÈcalÈ comme espace privilÈgiÈ
v - Les lieux specifiques de l'art electroniques
A - Festivals et manifestations rÈguliËres
1 - Exemples
2 - Les consÈquences pour la monstration
B - Lieux de crÈation et/ou de monstration
1 - Exemples
2 - Les consÈquences pour la monstration
vi - Les lieux "technologiques"
A - Espace domestique
B - Cyberespace
1 - L'espace du cyberespace
2 - La crÈation dans l'espace du cyberespace
3 - Le cyberespace est un media
4 - Le cyberespace est un langage
5 - ConsÈquences pour la monstration
* * * * *
AprËs l'analyse des úuvres et des conditions intrinsËques de monstration, nous abordons les diffÈrentes expÈriences de monstration. Nous avons distinguÈ six types d'espace : les lieux "habituels" de l'art, les lieux scientifiques et techniques, les lieux "dÈcalÈs", les lieux spÈcialisÈs dans l'art Èlectronique et enfin ce que nous qualifions de lieux "technologiques". Pour chacun, nous prÈsenterons des exemples avant d'Èvaluer les consÈquences sur la monstration de l'art Èlectronique.
I - LES LIEUX DE L'ART [RS] [RSS]
Nous avons identifiÈ trois lieux classiques de monstration de l'art : le musÈe et centre d'art, la galerie et la foire d'art, l'espace public.
A - MUSEES ET CENTRES D'ART [RSS]
1 - Le paysage franÁais : analyse de l'enquÍte [RSS]
Nous avons adressÈ un questionnaire une sÈlection de musÈes, les centres d'art et les FRAC mÈtropolitains. Ce questionnaire, trËs large, comportait des questions fermÈes et ouvertes. Il portait sur des aspects matÈriels et de politique artistique, sur les rÈalisations et les projets des institutions en gÈnÈral. Nous y avions dÈfini l'art Èlectronique de maniËre souple pour ne pas donner d'orientations trop fortes a priori afin de faire remonter le maximum d'informations.
Nous avons obtenu un faible taux de rÈponses (24 sur 86 envois). Deux institutions ont renvoyÈ le questionnaire en indiquant qu'elles ne pouvaient y rÈpondre : Le Quartier de Quimper, car un nouveau directeur venait d'arriver et le CIRVA car il ne propose pas dúuvres dart Èlectronique. Nous avons aussi enregistrÈ un refus de rÈponse (par tÈlÈphone) de la part de la Galerie nationale du Jeu de Paume. Par ailleurs, un certain nombre d'institutions (comme le Centre Pompidou) ont fait l'objet d'interviews.
Une partie de notre Èchantillon ne s'est sans doute pas sentie concernÈe car n'ayant jamais eu d'expÈrience de monstration de l'art Èlectronique ou pensant ne pouvoir en organiser cause de moyens humains, techniques et financiers limitÈs (c'est sans doute le cas des centres d'art, 6 seulement ont rÈpondu mais ils s'avËrent Ítre parmi les plus ouverts et les plus dynamiques en la matiËre). Ce faible taux de rÈponse peut aussi reflÈter le simple manque d'intÈrÍt d'un certain nombre d'institutions l'Ègard de ces formes d'art. Par ailleurs, notre questionnaire pouvait paraÓtre trop long remplir des institutions composÈes de petites Èquipes.
Bien qu'il soit difficile de conduire une analyse poussÈe partir de ce taux de retour, les rÈsultats nous semblent cependant intÈressants et riches d'enseignement. Ils confirment ce que nous pressentions : les lieux de l'art en France sont largement inadaptÈs la monstration de l'art Èlectronique mais certains manifestent un degrÈ d'ouverture et d'intÈrÍt que nous ne soupÁonnions pas aussi important.
Moyens matÈriels et humains :
* MatÈriels
Hormis dans les musÈes, les espaces disponibles sont relativement rÈduits (de l'ordre de 100 600 m2 pour les centres d'art) ce qui limite d'autant les possibilitÈs de monstration donc les choix de politique artistique.
Les budgets moyens par exposition s'ÈlËvent 100 000 F pour les centres d'art et de 140 000 F pour les FRAC, ce qui reste des sommes assez faibles pour toute une catÈgorie d'art Èlectronique. La fourchette budgÈtaire des musÈes est trop large pour qu'une moyenne soit pertinente. D'une maniËre gÈnÈrale, leurs budgets sont plus importants. Les financements des expositions reposent majoritairement ( 85%) sur des fonds classiques (donc publics) et le mÈcÈnat reste exceptionnel.
On constate un sous-Èquipement en matiËre de matÈriel audiovisuel (magnÈtoscopes, moniteurs, vidÈo-projecteurs). Ceci est surtout vrai pour les musÈes ; les centres d'art ont l'air mieux lotis (mais c'est sans doute d° au fait que les rÈponses proviennent de centres qui se sont intÈressÈs ces formes d'art).
L'Èquipement informatique, trËs faible, est rÈservÈ aux tches administratives. En 1995, au moment de l'enquÍte, aucune institution n'Ètait connectÈe Internet et une seule envisageait une connection future.
* Moyens humains
On constate une grande disparitÈ entre les diffÈrents types de lieux mais d'une maniËre gÈnÈrale le fonctionnement de ces institutions repose sur de petites Èquipes.
Les Èquipes techniques permanentes sont en moyenne de 2 personnes, une seule pour les FRAC, soit presque autant que le personnel administratif.
Si les musÈes sont plus organisÈs en matiËre d'accueil, le statut de ces personnels est trËs variÈ (vacataires, CES, enseignants, ...) et, au fond, peu professionnalisÈ. Un responsable de centre d'art soulignait d'ailleurs qu'un animateur spÈcifique serait souhaitable pour les manifestations d'art Èlectronique.
La plupart des structures disposent d'un poste de documentaliste.
L'information et la formation des responsables restent limitÈes : 14 indiquent lire parfois des revues et catalogues relatifs l'art Èlectronique, 3 jamais, et un seul centre d'art rÈguliËrement. On observe la mÍme ventilation pour les contacts avec les artistes (2 musÈes n'ont aucun contact). L'information sur l'art Èlectronique se fait Ègalement par les expositions Èquivalence avec la lecture (ce qui laisse rÍveur compte-tenu du nombre d'expositions en France et de la trËs faible reprÈsentation franÁaise dans les manifestations l'Ètranger).
A la question "Estimez-vous Ítre suffisamment informÈ", les rÈponses s'Èquilibrent entre les oui et les non. En revanche, pour ce qui concerne "la rÈflexion thÈorique propos de l'art Èlectronique", les rÈponses nÈgatives sont le double des rÈponses positives (13 non pour 6 oui). Globalement, si la moitiÈ de l'Èchantillon estime avoir une information factuelle satisfaisante (production artistique, manifestations nationales et internationales), les deux tiers sont insatisfaits de l'information de rÈflexion dont ils disposent. Notons quand mÍme que 3 musÈes s'estiment bien informÈs sur cet aspect.
Les souhaits de "meilleure information" portent majoritairement sur les artistes et les manifestations. Les centres d'art sont les plus demandeurs (y compris d'ailleurs d'informations sur les publications existantes, donc sur un apport plus thÈorique).
A la question sur l'intÈrÍt qu'ils auraient pour une formation par la participation des colloques et sÈminaires ou des voyages d'Ètudes, on constate que les centres d'art sont les plus ouverts, que ce sont les mÍmes structures/personnes qui veulent plus d'information et plus de formation et, il semble que ce sont ceux qui ont dÈj eu le plus de contacts avec et d'actions propos de l'art Èlectronique.
Politique artistique, rÈalisations et projets :
Aucune structure, sauf exception (CREDAC, Le Creux de l'Enfer), n'a de politique artistique en matiËre d'art Èlectronique et n'a jamais rÈellement envisagÈ la question en ces termes. Les musÈes sont plus rÈservÈs, les centres d'art voudraient bien dÈvelopper une politique mais relËvent le manque de moyens techniques et financiers.
On constate une programmation plutÙt timide o˜ la vidÈo est largement dominante. Les musÈes ne prennent aucun risque et montrent surtout des artistes connus. S'ils accueillent des úuvres, aucun n'en a produit ou co-produit contrairement aux centres d'art qui s'impliquent plus (15 productions et 7 co-productions).
Les manifestations incluent des úuvres d'art Èlectronique et des úuvres d'art classique. Elles sont plutÙt longues et durent en moyenne 7 semaines. La mise en úuvre est majoritairement rÈalisÈe par des Èquipes internes : 4 (dont 2 centres d'art) ont fait appel des scÈnographes extÈrieurs contre 18 des Èquipes internes ; 10 ont fait appel des techniciens extÈrieurs contre 33 un travail avec les Èquipes internes et les artistes.
Les musÈes qui ont eu des expÈriences en matiËre d'art Èlectronique ne les ont pas renouvelÈes. Peu ont des projets (mÍme moyen ou long terme). Les centres d'art et les FRAC font preuve d'une certaine opinitretÈ : ils ont tentÈ plusieurs expÈriences et espËrent continuer. Beaucoup ont des projets mais de faÁon ponctuelle et non sur une base rÈguliËre et aucun en production propre (ce qui leur serait probablement impossible) mais plutÙt en co-production.
Les questions soulevÈes :
Tous soulignent les problËmes budgÈtaires. Les aspects matÈriels sont aussi largement mentionnÈs : suivi des Ètudes et montages plus compliquÈs ; modification de l'espace : obturation des ouvertures, adaptation des lieux ; il a fallu veiller aux interfÈrences entre les úuvres ; problËmes de branchements Èlectriques dans un lieu ancien ; nÈcessitÈ de faire appel des sous-traitants, problËme de maintenance ; besoin de gardiennage supplÈmentaire, d'animateur spÈcifique. Les centres d'art soulignent que si cela suscite de nouvelles formes de prÈsentation des úuvres, ils doivent se contenter de leurs espaces.
Personne ne pense acquÈrir du matÈriel spÈcifique (ce qui peut paraÓtre logique dans un fonctionnement au coup par coup). Les solutions techniques passent par le recours du personnel spÈcialisÈ sous-traitant. Il serait en effet absurde d'embaucher dans le cadre d'une politique d'actions ponctuelles d'autant plus que les budgets et les Èquipes permanentes sont limitÈs.
Les rÈactions du public mentionnÈes sont plutÙt positives : venue d'un public spÈcifique lors d'une exposition qui se tenait en mÍme temps que le festival vidÈo de Clermont-Ferrand ; public amusÈ ; exposition plutÙt mieux acceptÈe ; vif intÈrÍt pour l'interactivitÈ ; surcroÓt de curiositÈ de la part du public ; le public consacre plus de temps la visite ; il est plus enclin exprimer ses rÈactions face aux úuvres.
Les limites et les consÈquences pour la monstration :
- Faible intÈrÍt de ces structures pour l'art Èlectronique (si l'on en juge par le taux de rÈponses et les rÈponses elles-mÍmes) et, sauf exception, politique timide ou frileuse dans un cadre balisÈ (artistes connus) ou classique (prÈsentation d'úuvres objectales ou dÈj acceptÈes comme la vidÈo).
- Absence quasi totale de moyens matÈriels (Èquipements) et conditions d'espace difficiles (lieux petits, pas adaptÈs).
- Manque de compÈtences techniques et de personnels spÈcialisÈs.
- Les financements des expositions restant d'ordre classique, cela soulËve la question de la place de l'Etat et des collectivitÈs publiques. S'il est souhaitable que le mÈcÈnat et le partenariat privÈ se dÈveloppent, ils ne peuvent atteindre un niveau suffisant et demeurent Ètrangers aux pratiques habituelles de financement de la culture en France.
- Information et formation (tant thÈoriques, que factuelles ou techniques) des responsables restent limitÈes.
On constate donc une inadaptation des structures et un contexte peu favorable. On dÈcouvre cependant une ouverture de la part de quelques centres, certes en nombre restreint, mais qui font preuve d'un vrai intÈrÍt et de dynamisme et qu'il pourrait Ítre bon de soutenir.
2 - Exemples [RSS]
Nous avons choisi quatre exemples reprÈsentatifs de la monstration de l'art Èlectronique dans les musÈes et centres d'art : le MOMA (Museum of Modern Art, New York) et le SFMOMA (San Francisco Museum of Modern Art) ont tous deux une politique ancienne et permanente en la matiËre et des dÈpartements et des conservateurs spÈcialisÈs. La Biennale de Lyon est l'exemple d'une manifestation ponctuelle, organisÈe dans deux lieux trËs diffÈrents, sous la direction de commissaires venant du milieu de l'art traditionnel. L'exposition d'ISEA Helsinki prÈsente la particularitÈ d'avoir ÈtÈ organisÈe dans un musÈe, sous l'Ègide d'une institution spÈcifique de l'art Èlectronique mais en forte collaboration avec des conservateurs du milieu de l'art classique.
Museum Of Modern Art (MOMA), New York
Le MOMA est parmi les premiers musÈes, sinon le premier, avoir intÈgrÈ de maniËre suivie l'art technologique dans ses murs. En 1968, il accueillait l'exposition Art as Seen at the End of Mechanical Age et c'est en 1971 que dÈmarre la sÈrie "Projects". "Projects" est confiÈ un comitÈ de jeunes conservateurs. Les expositions (environ 6 par an pour une durÈe de 2 mois chacune) sont dÈcidÈes moins d'un an l'avance afin de conserver une souplesse. Elles se dÈroulent dans un espace dÈdiÈ, au rez-de-chaussÈe du musÈe. Chaque exposition est consacrÈe un artiste. "Projects" est consacrÈ l'art rÈcent, technologique ou non.
Le programme vidÈo du MOMA est nÈ de la sÈrie "Projects" avant d'Ítre rattachÈ au dÈpartement Film.
La prÈsentation et l'acquisition de l'art Èlectronique au MOMA se fait aussi en collaboration avec le dÈpartement Peintures et Sculptures.
Le MOMA est clairement centrÈ sur la vidÈo (bandes et installations) mÍme s'il s'ouvre progressivement un art reposant plus sur l'informatique. Barbara London est favorable une introduction de l'art Èlectronique de maniËre homÈopathique et une politique d'intÈgration sans rupture, ni conceptuelle, ni dans les espaces physiques. Selon elle, il faut Èviter la "ghettoÔsation" tout en soulignant les confrontations, ruptures et filiations de ces pratiques artistiques avec le reste de l'art contemporain.
Le MOMA dÈveloppe une double politique de conservation (surtout pour ce qui concerne la vidÈo) et d'expÈrimentation (notamment par le biais de la sÈrie "Projects" et surtout du programme de confÈrences).
San Francisco Museum Of Modern Art (SFMOMA)
L'histoire de la collaboration du musÈe avec des artistes travaillant avec de nouveaux mÈdias (notamment les installations sonores) remonte aux annÈes cinquante. Mais c'est en 1988 que le Media Arts Department fut crÈÈ sous la direction de Bob Riley.
Comme le MOMA, le SFMOMA est plutÙt tournÈ vers la vidÈo (avec davantage d'installations : 18 contre 4). Il commence s'ouvrir aux autres formes d'art Èlectronique avec beaucoup de prudence.
Dans les nouveaux locaux du musÈe, le Media Arts Department dispose d'un espace spÈcifique (de l'ordre de 200 m2) en forme de L qui permet d'isoler ou d'ouvrir la plus petite salle selon les besoins. DerriËre ces salles, se trouve un petit local technique. Pour Bob Riley, l'existence d'un espace dÈdiÈ est trËs positive, mÍme si ces "boÓtes cubiques" sont un peu rudes.
Biennale de Lyon - DÈcembre 1995
La troisiËme Èdition de la Biennale d'art contemporain de Lyon, rassemblant pendant 2 mois 70 artistes internationaux autour du thËme de limage mobile, a ÈtÈ un ÈvÈnement majeur en matiËre dart Èlectronique en France. La manifestation s'est dÈroulÈe dans deux lieux diffÈrents, sÈparÈs d'une centaine de mËtres : le musÈe dart contemporain, tout neuf, et le Palais des CongrËs, en passe dÍtre dÈtruit. Le premier, signÈ Renzo Piano, est une illustration rÈussie dune post modernitÈ rangÈe : faÁade nÈo classique du 19Ëme siËcle, corps du btiment en brique rouge et ossature mÈtallique. Le Palais des CongrËs est, lui, un tÈmoignage Èmouvant dune architecture moderniste et grandiloquente des annÈes 60.
Le premier a ÈtÈ conÁu pour conserver et montrer de lart contemporain alors que le deuxiËme a ÈtÈ complËtement rÈamÈnagÈ pour loccasion. LÈpreuve des úuvres, la plupart Èlectroniques, aboutit un douloureux paradoxe : le vieux palais offre au final de meilleures conditions dexposition que le musÈe. En effet, dans les espaces semi-clos du musÈe, les úuvres se parasitent les unes les autres ou sont simplement mal montrÈes. Les espaces blancs, ouverts les uns sur les autres, contribuent une impression de confusion dans un brouhaha permanent. Au contraire, le vieux Palais des CongrËs, promis la destruction, labyrinthique et disparate, permet une vÈritable confrontation entre lúuvre et le visiteur dans un climat la fois intime et Ètrange. Les organisateurs ont pu retravailler les espaces et isoler les úuvres si bien que chacune peut Ítre perÁue sans Ítre perturbÈe par une autre.
Comme on a dÈj pu le constater lors de Realidad Virtual Madrid en 1995 (voir infra : Lieux dÈcalÈs) ou lors de lexposition dISEA '95 lÈcole Cherrier MontrÈal (voir infra : Lieux dÈcalÈs), les úuvres Èlectroniques gagnent Ítre montrÈes dans des lieux "habitÈs" et hÈtÈrogËnes.
La maintenance a ÈtÈ un autre problËme important lors de la Biennale : nombre d'úuvres ne fonctionnaient pas pendant des temps assez longs, quand ce n'Ètait pas du tout, comme pour La RÈgion Centrale de Michael Snow.
Par ailleurs, il reste indispensable qu'une attention particuliËre soit portÈe l'information du public. Hormis le catalogue, les documents d'accompagnement de la Biennale donnaient des indications succintes et souvent peu explicites et le personnel sur place, bien que nombreux, Ètait plus l pour le gardiennage et n'avait pas de vraies rÈponses aux questions des visiteurs58.
Cette manifestation exceptionnelle en France par son ampleur, nous semble donc illustrer trËs clairement trois points essentiels la monstration dúuvres Èlectroniques dans un contexte dexposition grand public : une mise en espace permettant lisolation sonore et visuelle des úuvres ; la prise en compte des contraintes de temps liÈes la perception de certaines úuvres ; une bonne mÈdiatisation Ècrite mais aussi orale autour des úuvres.
ISEA 94, MusÈe d'art contemporain d'Helsinki
L'exposition d'ISEA Helsinki se dÈroulait au MusÈe d'Art Contemporain. Elle a ÈtÈ montÈe selon les critËres habituels d'ISEA, c'est--dire une sÈlection partir d'un appel participation. Contrairement aux autres Èditions d'ISEA, le choix final n'a pas incombÈ uniquement aux spÈcialistes de l'art Èlectronique partie prenante dans l'organisation de la manifestation, les conservateurs du musÈe d'Helsinki ont influÈ sur les dÈcisions et se sont impliquÈs dans sa rÈalisation matÈrielle.
Pour l'occasion, des espaces inhabituels du musÈe ont ÈtÈ utilisÈs, comme l'escalier principal, truffÈ de capteurs devenu le site d'une úuvre de Christian Mller.
Le reste de l'exposition Ètait de facture classique : de grandes salles ouvertes les unes sur les autres avec des cloisonnements pour les úuvres qui l'exigeaient (mais surtout pour assurer le noir et en aucune faÁon pour rÈpondre un problËme de pollution sonore entre les úuvres), le tout dans la pÈnombre habituelle des expositions d'art Èlectronique. D'une faÁon gÈnÈrale, il y avait trop d'úuvres pour la surface au sol (environ une trentaine). Certaines úuvres, surtout celles sur CD-ROM, Ètaient prÈsentÈes sur des ordinateurs posÈs sur un muret entre des colonnes, comme des sculptures sur un socle, trËs proches les unes des autres, le public Ètant debout en face des úuvres pour manipuler les souris.
3 - Les limites des musÈes et centres d'art, consÈquences pour la
monstration [RSS]
Les limites des musÈes et centres d'art quant la monstration de l'art Èlectronique sont de deux ordres, d'une part intellectuelles et de compÈtences et d'autre part architecturales et contextuelles.
Intellectuelles et de compÈtences
Le reproche le plus frÈquemment formulÈ l'encontre des lieux institutionnels de l'art est celui d'incompÈtence.
Les conservateurs sont globalement peu ouverts, ce que reconnaissent d'ailleurs ceux qui dÈfendent l'art Èlectronique au sein des musÈes. Leurs connaissances de ces pratiques artistiques sont pour le moins sommaires et reposent largement sur l'idÈe qu'ils s'en font plus que sur la rÈalitÈ. Ils font peu d'efforts pour combler leurs lacunes et ce n'est que depuis trËs rÈcemment (environ depuis 1994/1995) qu'on les rencontre plus frÈquemment et plus nombreux dans les manifestations, expositions et festivals.
Surtout, ils restent dans une logique et dans des modËles intellectuels antÈrieurs de l'art et ils appliquent leur propre systËme de valeurs l'art Èlectronique sans intÈgrer rÈellement la nouvelle nature de ces formes d'art. Ce modËle est celui du marchÈ de l'art, d'objets finis, uniques et signÈs. Herbert Franke Ècrit : The attitudes of many of these new experts are still rooted in conventional ways of thinking, and even when confronted with computer graphics and video sequences they are thinking in concepts of "originals" and unique works. The possibility of "unlimited reproductibility", as Walter Benjamin put it, is a thorn in their sides. But even worse : many of them are trying to introduce the criteria of the present-day official art style into computer graphics. This is reflected in the selection of pictures for exhibitions, in publications, at the awarding of prizes to artists ; it directs the distribution of support and assistance59 .
Il conclut (un peu fÈrocement) : But somewhere, in the rooms of museums, there will still be "dinosaur-experts" sitting in front of installations of piled-up monitors with flickering screens -after all, it is the hardware that characterizes these works as art. Only in the hardware will yesterday's elite be able to find the originals and the unique artworks60.
Les conservateurs, et encore plus les musÈes en tant qu'institutions, reposant culturellement et idÈologiquement sur cette prÈvalence de l'objet ne peuvent qu'Ítre rÈticents devant des úuvres processus, fondÈes sur l'information et difficilement conservables.
Ils intÈgrent donc essentiellement des úuvres objectales, dont les installations vidÈo. Plus encore, les jugements qu'ils Èmettent reposent sur les critËres esthÈtiques et artistiques de l'art contemporain traditionnel.
Le schËme de l'objet signÈ (si possible par quelqu'un de connu) fait tellement partie de notre culture que l'on constate cette dÈrive y compris dans des structures spÈcialisÈes dans l'art Èlectronique. La collection du futur musÈe d'art contemporain du ZKM en est l'exemple le plus flagrant (mais son directeur est issu de cette Èlite de l'art et de l'histoire de l'art).
D'une maniËre gÈnÈrale, les conservateurs manquent de connaissance et de savoir dans la "techno-culture". Ils peuvent se sentir menacÈs dans leur pouvoir (notamment dans celui de validation culturelle) face des sujets qu'ils ne maÓtrisent pas et qui leur paraissent souvent triviaux, ou Ètrangers l'essence de l'art, et face de nouveaux "acteurs culturels" qui ne sont pas issus du sÈrail.61
Pour certains, l'intÈrÍt des musÈes pour l'art Èlectronique est vue comme une "coquetterie", comme une "obligation", parce que le sujet est la mode. Selon la position des interlocuteurs, cette obligation est positive, "ce sont les mÈdias qui forcent les musÈes enfin s'intÈresser l'art Èlectronique", ou nÈgative car "dans ce cas on rencontre les pires difficultÈs matÈrielles"62.
Le manque de matÈriels et d'Èquipes techniques compÈtentes est le second leitmotiv propos des musÈes. La nÈcessitÈ de disposer d'au moins un petit atelier technique est soulignÈe par tous : artistes mais aussi conservateurs et responsables de programmation que nous avons interviewÈs.
Architecturales et contextuelles
Rappelons que la fonction premiËre du musÈe est de sÈlectionner, conserver et montrer des objets dont la destination, pour ce qui concerne l'art contemporain, est prÈcisÈment le musÈe lui-mÍme. Il est donc normal que l'architecture se soit adaptÈe en consÈquence et qu'elle se soit dÈveloppÈe au travers de la musÈographie contemporaine.
L'inadaptation de lespace musÈal lart Èlectronique est une consÈquence logique du changement de nature de ce type dúuvre. Cela modifie profondÈment les contraintes musÈographiques de lart contemporain : obscuritÈ et non plus salle lumineuse ; isolation phonique, crÈation d'espace pour les installations interactives, intimitÈ entre l'úuvre et son public contre les espaces ouverts des musÈes contemporains ; temporalitÈ des úuvres qui implique de prendre des dispositions matÈrielles (siËges, indications de la durÈe...) contre une organisation de la dÈambulation.
Lart de lobjet avait inventÈ des lieux les plus neutres possible (le "cube blanc"), opÈrant une coupure entre lúuvre montrÈe et lextÈrieur. Lobjet dart doit se dÈtacher des murs qui lentourent et qui ne doivent pas intervenir dans le processus de perception de l'úuvre. Le contexte de monstration incite la contemplation, le silence, la blancheur baignÈe dun Èclairage diffus participent la crÈation d'une ambiance de recueillement63.
En invitant linteraction ou en proposant des mondes ouverts et animÈs, les úuvres Èlectroniques ne fonctionnent plus dans ce dispositif. Limmersion du visiteur se fait soit par sa participation physique au travail artistique proposÈ, soit parce que la coupure du rÈel est intrinsËque lúuvre comme par exemple dans les environnements virtuels ou encore lorsque lúuvre englobe entiËrement un espace par la projection dimages, la diffusion de sons. Il n'est donc plus nÈcessaire que le lieu dÈsigne l'úuvre. Devenues elles-mÍmes des dispositifs, les úuvres doivent Ítre isolÈes, phoniquement et visuellement, les unes des autres, mais elles peuvent, en revanche, Ítre installÈes dans un environnement "vivant". La confrontation qui en rÈsulte participe de leur nature mÍme. Une mise en espace dans un lieu "habitÈ" permet de mettre en valeur la nature de "passage" de beaucoup dúuvres Èlectroniques, passage dune rÈalitÈ une autre, dun temps, dun espace et dun lieu dautres. Par ailleurs, la "froideur" des interfaces Èlectroniques (moniteurs, Ècrans, casques) lorquelles sont visibles, est absorbÈe par un lieu plus chaud. En isolant les úuvres de la vie, les espaces musÈaux contemporains ne prennent pas en compte la dimension de liaison et dÈchange contenue dans les úuvres Èlectroniques.
"Le contact d'une main, mÍme propre, endommage les sculptures" disait l'Ècriteau l'entrÈe de l'exposition Un siËcle de sculpture anglaise qui s'est tenue la Galerie nationale du Jeu de Paume en 199664.
"Le contact d'une main, mÍme sale, est indispensable aux úuvres interactives" pourrait Ítre le panneau l'entrÈe des manifestations d'art Èlectronique.
Comment montrer dans le mÍme endroit des úuvres qui relËvent d'une attitude aussi opposÈe par rapport l'art ? CrÈer des dÈpartements, sections ou salles spÈcialisÈes ne suffit pas : quand on entre dans un musÈe on sait qu'il ne faut pas toucher les úuvres.
De la mÍme faÁon quand on entre dans un musÈe ou dans une exposition d'art on sait que l'on va Ítre dans un processus de dÈambulation et non dans celui d'une lecture ou d'une consultation plus longue. Comment mÈlanger ces deux types de pratique de l'art ?
Le musÈe Èmet a priori un code culturel, un discours qui induisent des comportements physiques et intellectuels. Lieu de validation d'une certaine forme d'art, il biaise la perception de nouvelles formes par les rÈfÈrences implicites des modËles antÈrieurs inhÈrents sa nature.
Institution de pouvoir, appartenant une culture "savante", le musÈe d'art contemporain s'adresse un public particulier. Franchir la porte d'un musÈe est dÈj un acte culturel en soi. Y montrer l'art Èlectronique est donc cibler le public destinataire.
La discussion sur les limites des musÈes pour la monstration de l'art Èlectronique n'est pas nouvelle. En 1988, Patric Prince65 proposait un article sur ce sujet. Une grande partie de ses arguments sont exactement les mÍmes presque dix ans plus tard. L'Èvolution est pour le moins lente.
B - GALERIES, FESTIVALS ET FOIRES D'ART CONTEMPORAIN [RSS]
Les festivals et les foires d'art contemporain Ètant l'Èmanation du marchÈ et du systËme de l'art, nous n'Èvoquerons que les galeries.
L'art Èlectronique a peu d'objets vendre et le galeriste Ètant par dÈfinition un "marchand", la rencontre entre les deux est pour le moins improbable. Pourtant des galeries s'y intÈressent. Nous devons en distinguer deux sortes : la galerie alternative et la galerie classique. La premiËre, comme la galerie Donguy, s'inscrit dans un courant militant et fonctionne selon d'autres logiques financiËres. Elle attire un public de connaisseurs (amateurs ou professionnels). La seconde, comme l'Espace d'Art Yvonamor Palix effectue un travail plus habituel. Si elle montre des travaux expÈrimentaux, elle gomme, attÈnue, ces aspects par la prÈsentation et le contexte. D'une certaine faÁon, elle permet l'intÈgration en douceur, sans rupture, de l'art Èlectronique l'ensemble de l'art contemporain.
Les consÈquences pour la monstration
La galerie reste un lieu problÈmatique pour l'art Èlectronique. En effet, elle suscite des úuvres "conÁues pour elle"66 et tend renforcer le fÈtichisme de l'objet. Par exemple, la Randolph Street Gallery de Chicago, productrice de l'úuvre The File Room de Muntadas a vendu les casiers numÈrotÈs composant l'installation prÈsentÈe dans ses locaux. Si c'est parfaitement comprÈhensible d'un point de vue financier, cela, en revanche, n'a aucun sens d'un point de vue artistique.
On assiste aujourd'hui la naissance de galeries ayant un espace physique et une prÈsence en ligne comme la Dotcom Gallery de New York67. Il est beaucoup trop tÙt pour savoir si cela peut constituer une direction intÈressante, tant pour les galeries que pour les artistes. Dans tous les cas il est indispensable d'envisager d'autres formes de rÈmunÈration pour les deux. La monnaie Èlectronique et la sÈcurisation des paiements peut apporter terme des solutions nouvelles. La galerie retrouverait son rÙle de dÈcouverte, de promotion et d'intermÈdiaire pour les artistes en les dÈchargeant des tches administratives. Elle serait capable d'offrir des moyens de crÈation aux artistes (et notamment de l'espace disque ou de l'aide technique) tout en ayant un retour financier (voir infra, les lieux "technologiques", le cyberespace).
Pour ce qui concerne les produits multimÈdia, vendables par excellence, encore faudrait-il qu'il y ait un marchÈ pour que les galeries puissent rÈellement y trouver leur compte autrement que par des actions militantes (voir infra, Les lieux "technologiques", espace domestique).
C - ESPACE PUBLIC [RSS]
Depuis toujours l'espace public, en extÈrieur ou dans les circulations des btiments, a ÈtÈ le lieu de l'art. L'art contemporain, notamment en France, a largement poursuivi cette tradition et l'art Èlectronique ne fait pas exception la rËgle.
1 - Exemples [RSS]
Oeuvres en extÈrieur
Outre les installations sonores en plein air comme celles rÈalisÈes par Julius, l'holographie est le meilleur exemple parmi ces pratiques artistiques Ítre "sortie des murs", de maniËre temporaire ou durable. Citons les hologrammes d'Harriet Casdin-Silver dans le cadre du projet du CAVS Centerbeam sous la direction d'Otto Piene la Documenta en 1977, les Solar Markers de Margaret Benyon en 1979 dans le bush australien, ou encore Encounter de Setsuko Ishii au MusÈe de Plein Air Hakone au Japon ainsi que son installation dans les grottes de Retretti en Finlande en 199468.
AÈroport, gare, mÈtro, etc.
Toutes les úuvres que nous connaissons dans ce type de lieux ont toujours ÈtÈ des rÈalisations in situ ou pour un projet donnÈ, comme celui d'Alan Rath l'aÈroport international de San Francisco ou l'installation vidÈo d'Iwai dans une gare. Lieux de passage, bruyants, ils ne peuvent accueillir qu'un type d'úuvres bien particulier qui doivent s'adapter aux conditions de l'environnement. L'installation d'Iwai est l'exemple d'un succËs : le public qui n'aurait jamais ÈtÈ voir une exposition, s'arrÍtait surpris et ravi.
Grands magasins
Le grand magasin joue un rÙle dans la monstration de l'art seulement au Japon o˜ il fait partie des institutions culturelles. Dans tous les cas, y compris dans ce pays, il n'est pas un lieu adaptÈ l'art quel qu'il soit (bruit, annonces du magasin, architecture inadaptÈe) sauf crÈer, comme Seibu, un musÈe ou un espace d'exposition distinct des zones d'achats.
Centres commerciaux
Nous ne connaissons aucun exemple d'úuvres prÈsentÈes dans un centre commercial mais ces derniers sont souvent ÈvoquÈs comme lieux de socialisation et d'atteinte du public des classes moyennes. Cependant, l'examen, il apparaÓt que, comme les grands magasins, ils n'offrent pas les meilleures conditions de monstration de l'art sauf y recrÈer des galeries ou des centres d'art ce qui ne prÈsente aucun intÈrÍt aux yeux de ceux que nous avons interviewÈs.
Les cafÈs
Nous aborderons la question des cybercafÈs dans la troisiËme partie de cette section. Le cafÈ comme lieu de monstration peut sembler une idÈe saugrenue ; l'Ikon Cafe San Francisco prouve le contraire.
SituÈ dans un quartier o˜ l'on retrouve bon nombre des galeries alternatives, l'Ikon Cafe est un restaurant et un bar "cosy" et chaleureux avec des meubles en bois contrastant avec le dÈcor "high tech" d'une cyberculture californienne. On y trouve pÍle mÍle des images infographiques au mur, un moniteur qui diffuse des animations en image de synthËse, de petites installations-sculptures posÈes sur le bar ou sur des ÈlÈments du mobilier, une ou deux plus grandes installations dans des espaces libres dans un coin du restaurant, une table o˜ les couverts ont ÈtÈ remplacÈs par un ordinateur connectÈ Internet et un prÈsentoir avec des informations sur les programmes des diffÈrents groupes ou espaces alternatifs de la ville.
L'atmosphËre conviviale du lieu permet une intÈgration "naturelle" des úuvres l'environnement. Il faut cependant prÈciser que l'Ikon Cafe n'est pas un bar banal. Il a disposÈ dans le passÈ d'une galerie plus grande et a toujours ÈtÈ associÈ des actions artistiques. C'est un des premiers lieux avoir proposÈ des úuvres d'artistes sur des "billboards" (grand panneau d'affichage publicitaire) sur sa faÁade.
MÍme si son cas ne peut pas Ítre gÈnÈralisÈ ou systÈmatisÈ, il montre que l'art Èlectronique peut s'intÈgrer dans des contextes extrÍmement variÈs sans y perdre son me.
Les universitÈs
Comme pour les grands magasins, les universitÈs ne jouent un rÙle rÈel dans la monstration que dans certains pays (Etats-Unis, Canada, BrÈsil) o˜ elles disposent de galeries. Il est dommage qu'elles soient absentes des habitudes culturelles franÁaises car elles constituent une base particuliËrement intÈressante pour l'art sur le rÈseau.
2 - Les consÈquences pour la monstration [RSS]
Tous ceux que nous avons interviewÈs, et notamment les artistes, sont attirÈs par des espaces "autres", la rencontre du public, l o˜ il se trouve, dans un idÈal dÈmocratique d'un art pour tous, d'un art mÍlÈ au quotidien, sans mÈdiateur culturel ou le moins possible. Cependant personne n'envisage ces lieux comme vraiment praticables pour l'art Èlectronique ou au cas par cas, pour des crÈations in situ.
Tout en reconnaissant les limites de ces lieux et l'impossibilitÈ d'une systÈmatisation, il faut cependant en souligner certains avantages. Ce sont tous des lieux de passage, de dÈambulation, de mÈlange des publics dans une large mesure en Ètat de "disponibilitÈ mentale". Nous avons pu constater, lors de la manifestation Espaces Interactifs - Europe organisÈe par ART-EL en mai-juin 1996, que la localisation du btiment dans un parc Ètait un atout non nÈgligeable. Une partie du public, promenant son chien ou ses enfants, ou faisant son jogging, entrait dans le Pavillon de Bercy par curiositÈ et restait (ou revenait) par intÈrÍt. La gratuitÈ de la manifestation Ètait Èvidemment un facteur important. Sous certaines conditions et pour certains types d'úuvres, il nous semble que des espaces de monstration peuvent Ítre amÈnagÈs dans des lieux de passage et c'est pourquoi l'existence de "zones" dans des centres commerciaux n'est pas aussi absurde qu'il y paraÓt. Il peut Ítre intÈressant de rÈ-inventer une forme de "kiosque" artistique comme autrefois les kiosques musicaux dans les jardins publics. L'opposition que nous avons rencontrÈe, notamment auprËs de certains artistes ou opÈrateurs culturels, relËve plus d'une attitude Èpidermique face ce qui est une dÈsacralisation de l'art, ce qu'ils jugent Ítre mettre l'art au rang de jeu d'arcade, qu' une incompatibilitÈ fondamentale. Des projets de ce type ne peuvent Èvidemment pas Ítre mis en úuvre de maniËre systÈmatique et doivent Ítre rÈalisÈs avec une rigueur encore plus grande.
II - LES LIEUX SCIENTIFIQUES ET TECHNIQUES [RS] [RSS]
Tout art est un art du prÈsent, du maintenant, du "nunc". Tout art appartient une Èpoque donnÈe d'une sociÈtÈ donnÈe. Il s'inscrit donc dans les croyances, systËmes de valeurs, connaissances, mythes et techniques de son Èpoque. Il ne les reflËte pas plus qu'il ne les crÈe ou les conditionne, il en fait partie. Ceci est vrai pour l'art Èlectronique comme pour toutes les autres formes d'art du passÈ et le sera pour celles du futur69. Le 20Ëme siËcle a ÈtÈ marquÈ par de grandes rÈvolutions scientifiques, par un dÈveloppement technologique et par l'hybridation des deux. L'art fait donc partie de ce nouveau contexte. Par ailleurs, quand les techno-sciences modËlent le vivant, quand les ingÈnieurs re-conÁoivent les systËmes de communication entre les humains, quand les artistes ont aussi une formation scientifique, o˜ est la crÈation, qui sont les crÈateurs, o˜ doit se situer l'art ?
AprËs quelques siËcles de spÈcialisation, o˜ l'art avait trouvÈ sa place dans une activitÈ distincte, conduite par un groupe de gens "initiÈs" et montrÈe dans des lieux ad hoc, les catÈgories se troublent.
Pour certains, l'art Èlectronique trouverait le mieux sa place dans les lieux d'expression "naturels" des techno-sciences, savoir les musÈes des sciences et des techniques et les laboratoires de recherche qu'ils soient publics ou privÈs.
A - MUSEES DES SCIENCES ET DES TECHNIQUES [RSS]
1 - Exemple : l'Exploratorium de San Francisco70 [RSS]
CrÈÈ en 1969 par Frank Oppenheimer, l'Exploratorium a pour vocation l'apprentissage, par l'expÈrience, des phÈnomËnes naturels et des perceptions humaines. DËs le dÈbut, la relation science-art a ÈtÈ prise en compte. Ainsi l'annÈe de son ouverture, il accueillait l'exposition Cybernetic Serendipity que Jasia Reichardt avait initialement organisÈe Londres. Des collaborations furent Ègalement Ètablies avec des membres d'EAT (Experiment in Art and Technology) et avec le conservatoire de musique de San Francisco. Cette mÍme annÈe 1969, l'artiste Bob Miller y prÈsenta ses expÈriences avec la lumiËre et l'ombre ce qui dÈboucha sur la premiËre úuvre, Sun Painting, commandÈe par l'Exploratorium.
Depuis 1974, l'artiste Peter Richards est le directeur du Arts Programs dont l'instrument principal est le Program of Artists-In-Residence. AIR accueille chaque annÈe dans son atelier de 4 6 artistes qui crÈent, en Ètroite collaboration avec le personnel de l'Exploratorium, des installations qui seront ensuite prÈsentÈes de maniËre permanente dans le lieu. Par ailleurs, deux autres programmes existent : ARP (Artist Research Program) pour les performances et certaines installations et l'Exploratorium Film Program qui accueille des artistes travaillant de maniËre expÈrimentale avec le film, la vidÈo et les nouveaux media.
L'Exploratorium se prÈsente comme un immense hangar dans lequel les diffÈrentes manipulations71 sont installÈes dans une scÈnographie trËs ouverte avec peu de cloisonnements ou de salles distinctes. L'endroit est grand, d'aspect brut (sols en bÈton, poutrelles mÈtalliques grises, prÈfabriquÈs de chantier au milieu pour l'administration, etc.), sonore, bruyant (ce qui est renforcÈ par la zone cafÈtaria, simplement sÈparÈe des installations par des cordes symboliques). Il ressemble plus une usine qu' un musÈe, contrairement la CitÈ des Sciences et de l'Industrie de la Villette, d'apparence nettement plus aseptisÈe.
Les explications textuelles sont limitÈes au minimum, quand il y en a. Les úuvres des artistes, mÈlangÈes au reste des manipulations, ne sont pas identifiÈes en tant que telles, sauf exception.
La philosophie prÈsidant l'ensemble du lieu et aux úuvres artistiques est trËs prÈcise. Il s'agit avant tout de donner au grand public les moyens et les instruments d'un apprentissage scientifique non-didactique, par l'expÈrience personnelle, en suscitant des sentiments d'Èmerveillement, de plaisir, de curiositÈ et d'Ètonnement.
Les artistes sont choisis selon les prÈoccupations de l'Exploratorium et doivent se conformer son cahier des charges72. Notamment, les artists within the program assume a scientific attitude by adopting the methods and standards of science. They investigate their problems by developing hypotheses, building prototypes, and testing them 73.
2 - Les limites et les consÈquences pour la monstration [RSS]
Les limites de ce type de lieux sont Èvidentes : d'une part une tendance l'instrumentalisation de l'art au profit de la science s'y fait jour, d'autre part le lieu induit une lecture a priori de son contenu qui dÈfavorise la perception des úuvres. Ceci est vrai pour l'Exploratorium qui nous sert de base d'analyse mais aussi pour la CitÈ des Sciences et de l'Industrie de la Villette. Ces deux lieux constituent les seuls exemples que nous connaissons.
Dans A Curious Alliance, The Role of Art in a Science Museum on peut lire : The AIR has often seemed virtually invisible to some of the art world because its works have been "camouflaged" as science exhibits"74. C'est bien l tout le problËme. Faire appel des artistes pour concevoir des manipulations scientifiques dans un musÈe des sciences et des techniques est une chose tout fait dÈfendable et lÈgitime. En revanche prÈsenter des úuvres "comme des dÈmos" les rÈduit vÈritablement de simples "dÈmos". Et c'est bien cela que le point de vue de l'Exploratorium ramËne l'art. Dans la mÍme brochure prÈcÈdemment citÈe on peut lire : The artistic frames the scientific with delight, cultural commentary or metaphor75. Est-ce cela le rÙle de l'art ? Dans tous les cas ce ne sont pas des artistes, des groupes d'artistes ou des couples artistes-scientifiques qui s'expriment travers ces úuvres, qui donnent un point de vue diffÈrent mais l'institution Exploratorium elle-mÍme, ce que reconnaÓt Goery DelacÙte : Ce n'est pas eux [les artistes et scientifiques qui vont travailler sur le thËme de la gÈnÈtique] qui parlent, c'est nous [l'Èquipe de l'Exploratorium]. On en prend toute la responsabilitÈ.
Enfin, il nous semble qu'obliger les artistes travailler selon les mÈthodes et les protocoles scientifiques n'est pas forcÈment la meilleure dÈmarche.
Le public frÈquentant ce type de musÈes, vient voir des installations scientifiques. Le lieu crÈe un contexte de perception extrÍmement fort. Le problËme se pose donc pour un art qui est jeune, peu codifiÈ et repose sur les mÍmes moyens que ceux de la science. Nous avons des siËcles d'habitude de lecture de la peinture et de la sculpure classiques, une acculturation inconsciente qui nous conduit reconnaÓtre ces pratiques artistiques dans n'importe quel contexte. En revanche, l'art Èlectronique a peine 30 ans et il est difficilement perÁu en tant que tel dans ce genre d'endroit.
Mais faut-il nÈcessairement percevoir l'art en tant qu'art ? Ce prÈsupposÈ n'appartient-il pas une autre Èpoque, une autre faÁon de penser ? N'est-il pas une mauvaise comprÈhension de la nouvelle place que l'art est en train de prendre dans nos sociÈtÈs, de son nouveau rÙle ?
Il nous est impossible de rÈpondre pour le futur. Pour le prÈsent (et sans doute encore le moyen terme) sur des sujets aussi sensibles et dans la cacophonie ambiante, il est extrÍmement important de savoir "qui parle", d'o˜ (culture, pays, institution), la position que le locuteur occupe pour avoir un regard critique. A cet Ègard la position d'un scientifique dans un laboratoire donnÈ, celle d'une institution musÈale et celle d'un artiste reste un ÈlÈment dÈterminant.
Les musÈes des sciences et des techniques ne sont cependant pas Èviter tout prix pour l'art Èlectronique. Ils constituent des espaces de rencontre privilÈgiÈs entre les deux communautÈs, des lieux essentiels pour la crÈation (et c'est largement le cas de l'Exploratorium qui offre des artistes la possibilitÈ d'effectuer un travail d'expÈrimentation avec des moyens et des soutiens incomparables).
Y respecter l'art, non plus comme rÈdempteur ou au service de la science mais sur un pied d'ÈgalitÈ, signifie des conditions de monstration diffÈrentes, par exemple dans des lieux sÈparÈs ou en identifiant clairement les úuvres.
B - LABORATOIRES PRIVES ET PUBLICS [RSS]
De nombreux laboratoires accueillent des artistes de maniËre ponctuelle ou selon des programmes suivis. Citons le Bell Lab (lieu "historique") de la sociÈtÈ de tÈlÈphone Bell, IBM, le Lawrence Livermore Laboratory, MIT Media Lab, ATR (Advanced Telecommunications Research lab, prËs de Kyoto), Xerox PARC ou encore la NASA.
1 - Exemple : le programme PAIR du Xerox PARC [RSS]
Au dÈbut de 1994, la compagnie Xerox annonÁait76 le lancement d'un nouveau programme d'artistes en rÈsidence au Xerox PARC (Palo Alto Research Center) de la faÁon suivante :
"Le Xerox PARC est heureux d'annoncer la crÈation de PAIR, le programme d'artistes en rÈsidence du PARC et d'annoncer Ègalement la premiËre sÈlection d'artistes pour cette premiËre annÈe. Ces artistes viendront au PARC et travailleront directement avec les scientifiques et les chercheurs dans le laboratoire de recherche. Nous espÈrons que ce programme permettra la production de nouvelles crÈations, de nouvelles recherches et, plus important, d'un rÈel dialogue entre ces deux disciplines critiques que sont l'art et la science.
Le modËle pour PAIR est de sÈlectionner des artistes qui ont dÈj utilisÈ la science dans leurs travaux et de les mettre en "paire" avec des scientifiques et des chercheurs qui travaillent sur des technologies similaires, utilisant les moyens techniques comme langage commun. S'il est vrai que les arts et les sciences ont beaucoup en commun, il existe Ègalement beaucoup de diffÈrences qui ont rendu la communication entre les deux domaines difficile et rare. Cependant, la rÈcente explosion d'un art reposant sur la science, y inclus la musique Èlectronique, la sculpture interactive, la vidÈo en temps rÈel, le multimedia, l'infographie, la rÈalitÈ virtuelle et les hyper textes, fournit un pont solide que PAIR peut utiliser pour forger de nouvelles relations entre les arts et les sciences.
Nous pensons qu'il est important que les artistes et les chercheurs puissent travailler directement ensemble sur leurs propres idÈes et projets, reposant sur leurs propres centres d'intÈrÍts et leurs travaux actuels. L'art et la recherche doivent ainsi pouvoir bÈnÈficier des relations personnelles et directes qui s'Ètabliront et de la dÈcouverte par les participants de "nouvelles faÁons d'apprendre" qu'apporte une telle expÈrience. [...]
PARC est un centre de recherche reconnu internationalement avec plus de 250 scientifiques travaillant dans des domaines qui incluent l'anthropologie, la philosophie, la psychologie, la perception, la vidÈo, l'imagerie Èlectronique, la linguistique, le multimedia, les sciences de l'information, les rÈseaux, l'informatique, les nano-technologies, la cristallographie pour n'en citer que quelques uns. PARC est reconnu pour avoir posÈ les fondations de la rÈvolution de l'ordinateur personnel avec notamment la mÈtaphore du desktop, Ethernet, l'impression laser et la technologie du CD-ROM. [...]
Les artistes sÈlectionnÈs pour cette premiËre annÈe sont tous originaires de la rÈgion de San Francisco et ont ÈtÈ choisis par un collËge composÈ d'artistes, de commissaires d'expositions, d'Èditeurs d'art et d'administrateurs de diverses origines (des musÈes aux centres alternatifs, des magazines underground aux Ècoles d'art). Ces artistes ont tous visitÈ le PARC et rencontrÈ les chercheurs. De ces rÈunions nous avons essayÈ de dÈfinir les meilleures "paires" possibles. Avec beaucoup de difficultÈs nous avons rÈduit les 12 artistes de dÈpart 4. Ces quatre artistes vont venir au PARC pour une rÈsidence de 2 mois. Les 8 autres sont invitÈs au PARC pour des visites courtes d'environ 3 jours. [...]
2 - Les limites et les consÈquences pour la monstration [RSS]
En 1995, nous avons rencontrÈ deux des artistes du programme PAIR, Judy Malloy et Stephen Wilson77. Tous les deux ont travaillÈ avec deux chercheurs sur des projets diffÈrents et rapportent une expÈrience trËs positive tant de leur point de vue que de celui des chercheurs malgrÈ quelques difficultÈs d'adaptation pour l'une des quatre "paires" (encore une part de dÈsÈquilibre dans la relation artiste/chercheur, problËme de disponibilitÈ du chercheur). Les contacts ont ÈtÈ poursuivis au-del de la durÈe du programme initial.
Tous les deux, comme tous ceux que nous avons interviewÈs, ont montrÈ de l'Ètonnement quant aux laboratoires de recherche comme lieux de monstration. Personne ne l'a vraiment envisagÈ. Judy Malloy regrettait qu'on veuille "lui faire faire des installations" alors que son travail est par essence fluide et mieux sur le Web, sur CD-ROM ou sur disquette. Elle notait qu'en fait les meilleurs outils pour montrer ses úuvres Ètaient les nouveaux systËmes en expÈrimentation Xerox PARC mais elle n'avait jamais pensÈ prÈsenter son travail dans le cadre du laboratoire mÍme.
Stephen Wilson souligne que leurs travaux et ceux des chercheurs devraient Ítre prÈsentÈs ensemble (ce qui d'ailleurs est un des objectifs du programme).
Deux raisons essentielles font que les laboratoires ne peuvent Ítre stricto sensu des lieux de monstration :
- ce ne sont pas des lieux d'accueil du public et ils ne sont pas organisÈs pour cela. S'ils veulent le devenir cela implique que la monstration se passe dans un lieu annexe et cela devient une fondation d'entreprise, en tout cas quelque chose "d'autre".
- il faudrait mobiliser du temps et de l'Ènergie des chercheurs et cela ne fait pas partie des objectifs et des perspectives des laboratoires.
Ce sont cependant des lieux de crÈation essentiels comme en tÈmoignent les diverses expÈriences. La monstration des úuvres, qui demeure problËmatique quand les systËmes de production sont trop spÈcifiques, peut se faire dans d'autres types de lieux, plus "culturels" ou spÈcialisÈs dans l'art Èlectronique comme dans le cas de Brain Opera de Tod Machover.
Elle ne pourrait se dÈrouler dans les laboratoires (sous rÈserve que ceux-ci le veuillent) que comme "visite d'atelier" pour un public trËs prÈcis. Certains artistes soulignent que le public ne va pas voir la peinture dans l'atelier du peintre, alors pourquoi irait-il dans les laboratoires ?
III - LIEUX COMMERCIAUX ET TECHNIQUES [RS] [RSS]
Reposant souvent sur des Èquipements fabriquÈs par l'industrie et vendus dans le circuit commercial, l'art Èlectronique est Ègalement prÈsent dans les lieux du commerce et de l'industrie que ce soient les foires, salons et confÈrences professionnels, les entreprises ou, plus rÈcemment, les cybercafÈs.
A - FOIRES, SALONS ET CONFERENCES PROFESSIONNELS [RSS]
Les foires, salons et confÈrences professionnels constituent des lieux actuels de la monstration de l'art Èlectronique, essentiellement pour ce qui concerne l'image de synthËse, l'art interactif, les úuvres de rÈalitÈ virtuelle ou sur Internet ainsi que, mais dans une plus faible proportion, l'holographie. Parmi les grandes manifestations accueillant ce type d'art, on compte la C. Bit Hanovre en Allemagne, SIGGRAPH aux Etats-Unis et, dans une moindre mesure, Imagina et NICOGRAPH ainsi que nombre de salons plus modestes.
Jusqu' il y a environ deux ans et la remise en cause publique par certains artistes de SIGGRAPH, ces lieux avaient ÈtÈ considÈrÈs comme "espace naturel" pour l'art Èlectronique.
Nous prendrons appui sur l'exemple de SIGGRAPH pour examiner les raisons du choix de ces manifestations comme lieux d'exposition de l'art Èlectronique et tenter d'apprÈhender une Èvolution possible.
1 - Exemple : SIGGRAPH [RSS]
CrÈÈ en 1974, SIGGRAPH, Special Interest Group in computer GRAPHics, de l'ACM (Association for Computer Machinery, fondÈe en 1947) est la plus grande manifestation annuelle concernant l'imagerie informatique et les technologies interactives. Elle se tient tous les ans dans une ville diffÈrente des Etats-Unis et rÈunit entre 25 000 et 30 000 personnes en cinq jours. SIGGRAPH est aussi une nÈbuleuse de revues, publications, activitÈs diverses, sans oublier un site Web78.
a - Historique des expositions artistiques SIGGRAPH79
Avant mÍme l'introduction officielle de l'art dans le cadre de SIGGRAPH, des úuvres Ètaient montrÈes ponctuellement dans les confÈrences organisÈes par l'ACM.
C'est en 1981, l'initiative de l'artiste Darcy Gerbarg, que SIGGRAPH inclut de maniËre permanente une exposition artistique la confÈrence. La premiËre annÈe il s'agit uniquement d'úuvres en infographie 2D.
L'exposition de 1982, sous la direction de l'artiste Copper Giloth, fut la premiËre organisÈe exclusivement pour SIGGRAPH.
L'exposition artistique est organisÈe de maniËre identique aux autres sections de SIGGRAPH : un comitÈ, autour d'un ou d'une prÈsident(e), sÈlectionne les úuvres proposÈes.
Les expositions sont prÈsentÈes soit uniquement dans le Centre de CongrËs o˜ se dÈroule la confÈrence, soit en partenariat avec des musÈes dans les villes concernÈes. Il ne semble pas y avoir de politique bien dÈfinie en la matiËre. Les contenus Èvoluent selon le comitÈ de sÈlection, le (ou la) prÈsident(e) de l'exposition artistique et la personnalitÈ du prÈsident de la confÈrence. Il faut cependant noter que, dans l'exposition artistique proprement dite, l'accent est mis sur des úuvres en infographie qui peuvent "s'accrocher" un mur. Par ailleurs nombre d'installations se retrouvent dans d'autres sections de SIGGRAPH.
L'exposition artistique n'est pas composÈe par un commissaire qui choisit des úuvres selon un concept ou une thÈmatique -ou mÍme simplement la production rÈcente. Le choix des úuvres est effectuÈ par un comitÈ au sein des propositions faites par les artistes.
b - SIGGRAPH '95 Los Angeles
L'exposition artistique de SIGGRAPH en 95 Los Angeles semble assez reprÈsentative de la faÁon dont SIGGRAPH intËgre l'art.
Un espace du Centre des CongrËs, assez excentrÈ dans la circulation gÈnÈrale de la confÈrence a ÈtÈ dÈvolu l'exposition artistique qui se compose majoritairement d'úuvres infographiques, de 3 installations et de quelques CD-ROM. Les úuvres sont accrochÈes des cimaises sur les murs et sur des panneaux peints en gris.
L'ensemble reflËte une conception archaÔque de ce que doit Ítre une exposition et une position plutÙt conservatrice de l'art. En effet, l'art reste un objet que l'on accroche un mur, il est mis un peu l'Ècart des choses "sÈrieuses" de la confÈrence et constitue une sorte de "rÈcrÈation" pour les participants. Par ailleurs, les úuvres qui sont prÈsentÈes en quantitÈ assez importante, ne relËvent d'aucun parti pris esthÈtique, ni dans les choix, ni dans l'accrochage et les oppositions ou rapprochements qui pourraient Ítre faits. D'une maniËre gÈnÈrale, l'ensemble de l'exposition dÈgage un certain classicisme dans l'image infographique et ne prend pas en compte les Èvolutions de la crÈation la plus rÈcente. Enfin, aucun effort de scÈnographie n'est fait et la prÈsentation appartient un modËle musÈal abandonnÈ depuis longtemps.
Les CD-ROM et les installations prÈsentÈs, l'exception d'une installation, sont parmi les plus inintÈressants d'un point de vue artistique dans ce que nous avons pu voir ces derniËres annÈes.
ParallËlement, on trouve dans d'autres sections de SIGGRAPH des úuvres innovantes, expÈrimentales et d'un intÈrÍt artistique certain, notamment dans "Interactive Communities" et "Digital Atelier". Dans la premiËre se mÍlent installations interactives artistiques, techniques, scientifiques et ludiques. Dans la seconde, relativement difficile trouver, sont concentrÈes des expÈriences plus modestes mais particuliËrement inventives, prÈsentÈes comme sur un stand de matÈriel.
Dans ces sections, la monstration des úuvres soulËve un certain nombre de problËmes. Toutes les installations sont prÈsentÈes comme des "dÈmos" techniques, mÍlÈes les unes aux autres sans distinction de contenu. Aucune n'a d'isolation phonique ou visuelle, le tout baigne dans un brouhaha permanent. Comme aucun espace n'a ÈtÈ crÈÈ pour permettre de crÈer une intimitÈ, de prÈserver l'univers de l'úuvre, les diverses installations sont ainsi en compÈtition les unes avec les autres pour attirer l'attention des participants. Certaines installations requÈrant une surface au sol importante ont ÈtÈ "tronquÈes" (avec l'accord des artistes) dans leur dimension spatiale.
c - SIGGRAPH et l'art
Quinze ans aprËs sa premiËre entrÈe officielle SIGGRAPH, l'art Èlectronique y est toujours prÈsentÈ dans des conditions affligeantes.
A cet Ègard, "Machine Culture" organisÈe par l'artiste Simon Penny en 1993 fait figure d'exception et reste dans les mÈmoires comme l'exposition rÈussie SIGGRAPH. Les raisons de ce succËs sont simples. Pressenti comme prÈsident de l'exposition artistique, Simon Penny avait rÈpondu favorablement quatre conditions80 :
- l'exposition serait organisÈe selon un principe diffÈrent : il y aurait un commissaire (lui-mÍme) et non une sÈlection sur dossier par un comitÈ et un thËme ;
- les artistes verraient leur voyage et sÈjour payÈs et auraient une entrÈe gratuite l'ensemble de la confÈrence (ce qui n'est pas le cas dans le cadre de l'exposition artistique habituelle) ;
- l'exposition serait ouverte non seulement aux participants de SIGGRAPH mais au public en gÈnÈral ;
- le catalogue et la bande vidÈo seraient aussi accessibles internationalement pour le public de l'art qui ne participe pas SIGGRAPH.
MalgrÈ le fait que la vidÈo n'a jamais ÈtÈ ÈditÈe alors que tous les ÈlÈments en Ètaient prÍts et que le catalogue n'a ÈtÈ diffusÈ qu'aux gens participants ou en relation avec SIGGRAPH, "Machine Culture" a ÈtÈ une rÈussite parce qu'il y avait un concept, un commissaire d'exposition compÈtent, un respect des artistes et des úuvres et aussi (ou surtout ?) un rÈel budget.
En 1994, des artistes contestËrent la position de SIGGRAPH l'Ègard de l'art. Un dÈbat animÈ suivit, via Internet, et un groupe de discussion en ligne fut ouvert. Aujourd'hui SIGGRAPH inclut une section "ACM SIGGRAPH Artists Connection" sur son site Web avec des rubriques allÈchantes comme "Events Calendar", "Online Gallery" ou encore "Internet Art Guide". Simplement, aucune des rubriques n'a ÈtÈ mises jour depuis le 16 mai 199581. Cette partie du site ayant ÈtÈ montÈe par des Ètudiants de l'universitÈ de Syracuse on peut penser que le projet s'est arrÍtÈ faute de nouveaux Ètudiants motivÈs. SIGGRAPH reposant sur une armÈe de bÈnÈvoles, on peut aussi penser que personne n'a vraiment cherchÈ de nouveaux volontaires, ni mÍme de s'associer avec d'autres acteurs de l'art Èlectronique comme FineArt Forum, Leonardo, ISEA, YLEM ou d'autres.
D'une maniËre gÈnÈrale, SIGGRAPH pose de maniËre emblÈmatique la question de la monstration d'úuvres artistiques dans un Centre de CongrËs et dans un salon professionnel.
Un Centre de CongrËs est un espace ouvert, trËs haut de plafond, sans isolation phonique ou visuelle particuliËre, sans Èquipe technique et de montage. PrÈsenter des úuvres dans ce contexte nÈcessite d'abord une construction appropriÈe : cloisonnements, faux plafonds, isolation, en bref scÈnographie et mise en espace. Ceci est vrai de tout espace mais plus particuliËrement sensible dans ce type d'endroit.
Un salon professionnel ou une confÈrence comme SIGGRAPH accueillent des confÈrences dans des salles ad hoc ou des exposants qui arrivent avec des stands prÍts monter. Les organisateurs sont donc habituÈs des partenaires autonomes, connaissent mal les besoins des artistes et les contraintes des expositions artistiques. Les artistes sont donc traitÈs comme les autres exposants, sans qu'un budget spÈcifique soit dÈgagÈ pour l'organisation de l'exposition artistique, sans qu'aucune Èquipe soit mise disposition.
Par ailleurs, l'attitude gÈnÈrale (hÈlas non spÈcifique ce type de manifestation) considËre que la visibilitÈ offerte par le fait d'exposer dans une manifestation aussi prestigieuse suffit comme considÈration pour les artistes. Leur travail et la rÈmunÈration affÈrente n'est pas reconnu comme tel, ni l'Èvolution des úuvres qui fait qu'il y a de moins en moins d'objets "vendables" et donc de ressources financiËres potentielles pour les artistes.
2 - Les manifestations professionnelles : "un espace naturel" pour l'art Èlectronique ? [RSS]
Pour trois raisons principales, les manifestations professionnelles sont considÈrÈes comme un "espace naturel" de l'art Èlectronique, notamment pour l'art visuel : les conditions matÈrielles et d'environnement qu'elles fournissent, des raisons plus idÈologiques et enfin, des raisons historiques. a - Conditions matÈrielles et d'environnement
Les manifestations professionnelles rÈunissent plusieurs avantages non nÈgligeables dans la monstration de l'art Èlectronique.
Tous les constructeurs et fabricants participant ce genre d'ÈvÈnements, les moyens techniques (ordinateurs, logiciels, Èquipements spÈciaux) ainsi que les Èquipes techniques sont de fait plus facilement accessibles puisque sur place. Les constructeurs qui, de toute faÁon, apportent beaucoup de matÈriel, peuvent en prÍter plus aisÈment pour une exposition ou accueillir des úuvres sur leur stand.
Par ailleurs, tort ou raison, il a toujours ÈtÈ considÈrÈ que les aspects financiers pouvaient Ítre plus facilement rÈsolus puisque ce sont des manifestations commerciales au budget consÈquent.
Le public de ces manifestations, de par ses compÈtences techniques et sa familiaritÈ avec l'informatique, est vu par beaucoup comme le plus mÍme de comprendre et d'apprÈcier ce type d'art et de servir de relais d'opinion auprËs d'un public plus large.
Enfin, la prÈsence de la presse, tant spÈcialisÈe que gÈnÈrale, offre une possibilitÈ de visibilitÈ aux artistes sans effort spÈcifique.
b - Raisons idÈologiques
De mÍme que pour les musÈes des sciences et techniques, ce sont des raisons plus idÈologiques qui font que les foires et salons peuvent Ítre perÁus comme les lieux naturels de l'art Èlectronique.
Les notions de l'art comme activitÈ sÈparÈe du reste des activitÈs humaines, de l'artiste comme "Ítre part" sont battues en brËche. L'art fait nouveau partie de la vie, existe dans un contexte social et ne peut plus Ítre mis l'Ècart dans un temple spÈcialisÈ que l'on appelle musÈe.
L'identitÈ des moyens utilisÈs, notamment de l'informatique, ferait que l'endroit le plus appropriÈ pour montrer ces úuvres est celui o˜ l'on montre des ordinateurs, l'art n'Ètant qu'une sous-section parmi les diverses applications de l'informatique.
On est en droit de se demander si cette attitude n'est pas tout simplement la consÈquence des rÈticences du monde de l'art contemporain traditionnel l'Ègard de l'art Èlectronique. Elle a ÈtÈ renforcÈe par la position des artistes et thÈoriciens de l'art Èlectronique revendiquant ces pratiques comme une autre faÁon d'utiliser la technologie, comme un dÈtournement des instruments et outils poussÈs leurs limites, comme un regard essentiellement critique l'Ègard de cette technologie et de son impact sur la sociÈtÈ.
c - Raisons historiques
Des raisons historiques pratiques sont sans doute dÈterminantes dans la perception des foires et salons comme "lieux naturels" de l'art Èlectronique et expliquent pour une part les raisons idÈologiques.
Dans les annÈes 80 et 90, ils ont constituÈ une position de repli pour l'art Èlectronique un moment o˜ les lieux de monstration n'Ètaient pas si nombreux, hormis quelques grands festivals et manifestations spÈcialisÈes comme Ars Electronica.
Dans le mÍme temps, l'informatique a progressÈ de maniËre spectaculaire et les constructeurs en mal de "dÈmonstrations" brillantes des capacitÈs de leurs machines et logiciels ont montrÈ un intÈrÍt tout particulier pour les artistes considÈrÈs comme "fournisseurs de contenus" (content provider) et comme vecteurs de communication.
CrÈation et monstration, intÈrÍt des artistes et intÈrÍt des fabricants ont convergÈ au cours de ces annÈes.
3 - Les limites et les consÈquences pour la monstration [RSS]
Faut-il condamner SIGGRAPH et les manifestations similaires ? Tous ceux que nous avons interviewÈs, ou presque, sont trËs rÈservÈs. Ils pensent que les manifestations professionnelles techniques ne sont pas les meilleurs lieux pour l'art Èlectronique... mais pas forcÈment pour les mÍmes raisons.
Le premier problËme est celui de l'espace, du lieu d'accueil. Tout le monde s'accorde pour reconnaÓtre que les conditions matÈrielles de prÈsentation sont dÈplorables : bruit, nÈcessitÈ de constructions et de scÈnographie ÈlaborÈes dans un Centre de CongrËs qui n'est pas fait pour cela mais pour accueillir des stands tout prÍts, incompÈtence des Èquipes techniques, etc.
L'attitude des organisateurs est Ègalement en question : ils ne s'intÈressent pas vraiment l'art, d'o˜ l'absence de vrais commissaires. Ils ne comprennent pas la nature de l'art Èlectronique et ont des positions encore largement archaÔques sur l'art en gÈnÈral. Ils ne respectent pas les artistes et leur travail et considÈrent ces derniers comme des fournisseurs de contenus82 ou encore ils les exploitent83. Ces manifestations sont mÍme considÈrÈes par certains comme des endroits o˜ les artistes se font voler leurs idÈes qui deviennent un an plus tard des produits commerciaux84.
On peut noter que deux des ÈlÈments qui militaient en faveur de ce type de lieux, ne tiennent pas dans la pratique :
- le public, professionnel, serait plus rÈceptif que le grand public ou mÍme le public de l'art traditionnel. Dans les faits, ce public a certes des compÈtences techniques mais il lui manque des rÈfÈrences culturelles.
- rassembler des úuvres d'art et des installations techniques et commerciales sous prÈtexte qu'elles reposent sur la mÍme technique ne suffit pas. Les úuvres sont ainsi mises au rang de "dÈmos" ou "d'applications" informatiques. Or ce n'est pas la technique seule qui fonde l'úuvre.
Si l'on considËre que l'art Èlectronique appartient globalement un univers techno-scientifique en cours de constitution, et que l'on choisit l'option de la mixitÈ, de la confrontation, encore faut-il Èlaborer un discours autour, Ètablir une distanciation. Celle-ci est d'autant plus nÈcessaire si l'on pense que ceux qui crÈent l'art et la culture aujourd'hui ne sont pas les seuls artistes mais aussi certains chercheurs et ingÈnieurs ou scientifiques. Montrer ces pratiques dans un univers technologique Èquivaut montrer une peinture dans l'atelier de l'artiste, chose possible mais rÈservÈe un public de professionnels avertis qui possËde les ÈlÈments de distanciation et d'acculturation nÈcessaires.
On constate par ailleurs une ambiguÔtÈ dans la position des artistes85. Les jeunes artistes sont plus enclins trouver un intÈrÍt SIGGRAPH que les artistes plus confirmÈs (y compris ceux qui y ont exposÈ). Parmi ces derniers, certains considËrent, tout en Ètant trËs critiques, que SIGGRAPH reste un formidable tremplin pour des artistes peu connus mais qu'eux-mÍmes n'y ont plus leur place, qu'ils doivent Ítre dans des lieux plus "culturels". Les artistes issus du milieu de l'art sont beaucoup plus rÈservÈs et sceptiques que ceux ayant aussi (ou en premier) une formation technologique.
Ces manifestations, et SIGGRAPH tout particuliËrement, prÈsentent une situation paradoxale. Pendant prËs de quinze ans, elles ont ÈtÈ un des rares endroits de monstration de l'art Èlectronique. Bien ou mal, les artistes avaient peu le choix, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Mais si les espaces se multiplient, ils demeurent malgrÈ tout en nombre limitÈ (alors que la production artistique augmente). Par ailleurs, les professionnels de l'art (Èlectronique ou traditionnel) frÈquentent de plus en plus ces salons, foires et confÈrences qui restent de fait une plateforme internationale pour la dÈcouverte de jeunes artistes mais aussi pour des crÈations expÈrimentales, nouvelles, d'artistes plus reconnus.
SIGGRAPH est un des lieux o˜ se rencontrent ceux qui dÈfinissent et conÁoivent notre futur et il est sans doute souhaitable que la parole des artistes s'y exprime aussi. Et mÍme si le public principal de ces manifestations n'a pas une idÈe trËs claire de la signification des mots "contenu", "sens" et "art", il Ètait flagrant, Los Angeles en 95, qu'il est conscient de ses manques et de la nÈcessitÈ de prendre en compte d'autres dimensions pour l'avenir mÍme de sa discipline.
Cependant, l'art Èlectronique ne peut s'inscrire pleinement dans ce type de lieux qu' trois conditions : choix d'un commissaire compÈtent, mise disposition d'un budget, amÈnagement d'un espace ad hoc (que ce soit au sein du centre de congrËs ou dans un autre lieu). Sauf exception, cela nous semble relever actuellement du voeu pieux.
B - ENTREPRISES [RSS]
L'entreprise, tout comme les laboratoires de recherche et pour les mÍmes raisons, n'est pas un lieu de monstration, ou alors dans des conditions particuliËres, et pour certaines úuvres in situ comme par exemple les hologrammes que Setsuko Ishii a crÈÈ pour le siËge social d'une sociÈtÈ.
On constate plusieurs positions de l'entreprise par rapport l'art Èlectronique :
- aides financiËres et prÍts de matÈriels, qui relËvent du mÈcÈnat classique ;
- aides techniques la crÈation : toujours au cas par cas ;
- politique rÈelle et dans ce cas, les sociÈtÈs crÈent des structures indÈpendantes, centres de recherche, de crÈation et quelquefois de monstration comme ICC (InterCommunication Center fondÈ par l'opÈrateur de tÈlÈcom japonais NTT), Art Lab (financÈ par la sociÈtÈ Canon) qui deviennent des lieux spÈcifiques de l'art Èlectronique et que nous analyserons dans cette optique.
Il est noter que le rÙle des entreprises dÈpend largement de la culture des pays concernÈs, beaucoup plus prÈsent aux Etats-Unis et au Japon qu'en France par exemple.
C - CYBERCAFES [RSS]
Au cours du dernier trimestre 1995, nous avons systÈmatiquement "visitÈ" tous les cybercafÈs de Paris. Il pourrait Ítre simple de proposer une sÈlection d'úuvres en ligne, aucun ne le fait vraiment. Le Web Bar a une section "art" dans sa page d'accueil qui Ètait la moins mal faite, l'Orbital la Bourse proposait aussi une rubrique "art et culture" mais plutÙt tournÈe vers "les grands musÈes en ligne" ou "le porte folio en ligne" que vers la crÈation. En fait, aucun n'a de connaissance en ce qui concerne l'art sur le rÈseau (y compris Cyberia au Centre Pompidou). Le souci pÈdagogique, d'apprentissage n'est mÍme pas toujours au coeur de leurs prÈoccupations ce qui remet en cause l'idÈe selon laquelle ils pourraient constituer des lieux de familiarisation avec Internet. Nous n'avons pas d'indication sur le public qui utilise les ordinateurs dans ces cafÈs. Il semble que ce soient malgrÈ tout des gens avertis qui ne disposent pas de connection par ailleurs ou des "consommateurs ponctuels" (comme dans les cinÈmas).
La conclusion est claire : ce sont des lieux commerciaux qui "vendent de la connection".
Le cybercafÈ ne peut Ítre utile qu'au sein d'une institution qui dÈveloppe soit une politique de sensibilisation et de formation au rÈseau, soit une politique artistique (comme la CitÈ des Arts et des Nouvelles Technologies de MontrÈal).
IV - LIEUX DECALES [RS] [RSS]
Par lieux "dÈcalÈs" nous entendons des espaces qui ont eu, ou ont encore, une autre fonction, une autre destination que l'art : une station de mÈtro dÈsaffectÈe, une Ècole, une usine, etc.
L'art Èlectronique n'a pas ÈtÈ le premier occuper de tels locaux (voir supra, Art et monstration l'ge moderne). Cependant la place qu'ils occupent aujourd'hui par rapport l'art Èlectronique est suffisamment importante pour que nous les prÈsentions de maniËre distincte.
A - EXEMPLES [RSS]
1 - Realidad Virtual, Madrid, 1995 [RSS]
Sous la direction artistique de Rafael Lozano-Hemmer, Realidad Virtual s'est tenue dans une station du mÈtro de Madrid provisoirement fermÈe pour rÈnovation. Le lieu Ètait donc une vaste galerie en bÈton, un peu dÈgradÈe.
Les úuvres Ètaient disposÈes sur les rails dans des sortes de cages en fer grillagÈ suffisamment ÈloignÈes les unes des autres pour ne pas se polluer rÈciproquement. Elles formaient comme des wagons d'un train. Quelques úuvres (essentiellement pour des raisons techniques) Ètaient sur le quai. Le public descendait donc sur les rails pour accÈder aux úuvres. A un bout de la station, on pouvait voir le mÈtro circuler normalement. A l'autre bout, une piËce de Pedro Garhel crÈÈe pour la manifestation prolongeait symboliquement l'espace.
Le mobilier (console, chaises, commode mais aussi lustres pour les Èclairages) avait ÈtÈ pris dans les rÈserves du mobilier national espagnol.
D'une durÈe d'environ 4 semaines, l'exposition prÈsentait un choix cohÈrent entre des úuvres connues et des crÈations nouvelles. Elle offrait un bon Èquilibre entre les diffÈrents types d'úuvres (installations vidÈo, installations interactives, úuvres de rÈalitÈ virtuelle, animations, úuvres sonores), entre des úuvres plus "faciles" et ludiques et des úuvres plus "sÈrieuses", entre celles qui n'admettaient qu'une personne la fois et celles qui permettaient au public de participer plus nombreux.
Realidad Virtual est l'exemple d'une manifestation rÈussie malgrÈ les Ènormes difficultÈs techniques auxquelles les organisateurs eurent faire face (interfÈrence des champs magnÈtiques du mÈtro avec les ordinateurs et moniteurs notamment).
Deux explications cela : d'une part la compÈtence du commissaire et d'autre part le choix et l'utilisation du lieu.
Une station de mÈtro apparaÓt comme un lieu trËs dÈcalÈ pour ce type d'art. Par ailleurs si tout le monde a l'habitude, dans une grande ville, de prendre le mÈtro, personne ne va normalement sur les voies. Cela donnait par contrepoint, une valeur plus humaine aux úuvres, leur confÈrait une certaine familiaritÈ. Cela aidait Ègalement une dÈsinhibition du public : descendre "sous terre" pour "jouer l'avion" (Myron Krueger) ou "toucher des plantes" (Sommerer-Mignonneau) est suffisamment inhabituel pour diminuer la peur de "se donner en spectacle" en public tout en court-circuitant l'effet "jeu/foire" prÈsent dans certains lieux "au niveau du sol".
Le contraste esthÈtique entre le lieu brut, les úuvres avec leurs composantes technologiques et les ÈlÈments de dÈcor, ainsi que le tÈlescopage des Èpoques crÈaient un contexte particulier. Le lieu devenait une sorte d'espace atemporel au sein duquel chaque úuvre avait son espace sans Ítre isolÈe des autres puisqu'on pouvait toutes les "apercevoir" plus ou moins au travers des grilles. L'ensemble de l'exposition restait perceptible "d'un seul coup d'oeil" tout en prÈservant la respiration et l'isolation nÈcessaire de chaque piËce.
Il faut enfin noter que Realidad Virtual a connu une mÈdiatisation exceptionnelle dans la presse ce qui a largement contribuÈ son succËs en terme de frÈquentation du public86.
2 - ISEA MontrÈal, 1995 [RSS]
L'exposition de MontrÈal s'est tenue dans une Ècole (apparemment un lycÈe ou un collËge) provisoirement dÈsaffectÈe, qui devait redevenir un lieu d'enseignement. Chaque installation occupait une salle de classe (d'o˜ une isolation phonique et visuelle parfaite), la porte de chaque classe avait ÈtÈ remplacÈe par des bandes de caoutchouc noir ce qui permettait une isolation et une notion "d'entrÈe et sortie" de l'espace. A l'intÈrieur de chaque salle, la mise en scËne Ètait identique pour toutes les installations : hormis l'obturation des fenÍtres pour certaines et pas pour d'autres et l'utilisation des tableaux noirs par les artistes, selon les úuvres, les salles Ètaient en l'Ètat et toutes identiques.
Les úuvres en images fixes ou les sculptures se trouvaient dans les couloirs de circulation.
Une grande partie des CD-ROM Ètait prÈsentÈe dans une salle part, au rez-de-chaussÈe, sous la forme d'une batterie d'ordinateurs disposÈs sur deux rangÈes de tables.
ISEA MontrÈal prÈsentait plus de 60 úuvres dans l'Ecole Cherrier dont plus des deux tiers Ètaient des úuvres interactives.
Si l'on compare les deux Èditions d'ISEA qui s'y prÍtent, celle d'Helsinki et celle de MontrÈal, on constate que les deux rencontrent la mÍme difficultÈ inhÈrente la structure de la manifestation elle-mÍme : faute d'une vÈritable sÈlection des úuvres autour d'un thËme, d'un propos ou d'un concept, l'ensemble manque de cohÈrence. L'avantage de MontrÈal rÈside dans le choix de l'Ecole Cherrier, lieu neutre pour l'art, tout en n'Ètant pas un lieu neutre d'un point de vue culturel et de l'imaginaire collectif ou individuel. Avec une bonne utilisation de l'architecture, il a permis une prÈsentation des úuvres dans le respect du travail des artistes.
L'exemple de MontrÈal n'est cependant pas exempt de tous problËmes. S'il constituait un excellent espace pour un public averti (les dÈlÈguÈs de la confÈrence), il restait "perturbant" pour un public moins connaisseur qui, sans vision d'ensemble de l'exposition (rendue impossible par les locaux mÍmes) avait un peu le sentiment de "perdre le fil" contrairement Helsinki.
Pour tous les publics, le nombre d'úuvres Ètaient beaucoup trop ÈlevÈ et le cheminement dans les escaliers, d'un Ètage l'autre et d'un couloir l'autre, pas toujours trËs clair.
Enfin l'Ecole Cherrier Ètait assez loin du lieu de la confÈrence et dans un endroit un peu excentrÈ par rapport aux activitÈs culturelles habituelles de MontrÈal. Il ne nous a pas semblÈ que les montrÈalais soient venus nombreux au rendez-vous.
B - LE LIEU DECALE COMME ESPACE PRIVILEGIE [RSS]
Tous ceux que nous avons interviewÈs s'accordent pour dire que les lieux dÈcalÈs sont les meilleurs espaces pour montrer l'art Èlectronique, au moins court et moyen termes.
Pourquoi des espaces qui ne sont pas faits pour l'art (comme les musÈes ou les galeries) ou qui n'ont pas de fonction d'exposition ou de monstration (comme les musÈes des sciences et des techniques ou les foires et salons professionnels) semblent-ils actuellement plus adaptÈs pour l'art Èlectronique quel que soit le soin (ou l'absence de soin) apportÈ dans la prÈsentation intrinsËque des úuvres ?
Trois raisons se dÈgagent.
L'absence de connotation culturelle, sociale, politique et esthÈtique par rapport la manifestation est la premiËre caractÈristique de ces lieux. Ils ne rajoutent donc pas un discours a priori sur les úuvres, en les cataloguant l'avance.
Ils permettent un "libre choix" des úuvres par le (ou la) commissaire contrairement aux musÈes d'art contemporain qui ont des difficultÈs intÈgrer des úuvres non-objectales ou plus expÈrimentales, ou aux musÈes des sciences et techniques, comme l'Exploratorium, au cahier des charges contraignant.
Leur architecture, non conÁue pour l'art ou dans une approche musÈographique, offre une plus grande souplesse de "mise en espace", d'expÈrimentation dans la prÈsentation et n'influe pas a priori sur la lecture esthÈtique des úuvres. Ils permettent ainsi l'art Èlectronique d'exister en soi, mettent en valeur les propriÈtÈs particuliËres (nature, forme, esthÈtique) de ces pratiques artistiques et favorisent la perception des nouveaux critËres d'apprÈciation et d'Èvaluation en Èmergence. Celle-ci peut alors reposer sur la "valeur" intrinsËque des úuvres et leur valeur relative. La validation relËve en grande partie de la rÈputation du (ou de la) commissaire et de la structure organisatrice.
Ils peuvent permettre d'atteindre un public plus large, moins rÈticent aller dans un lieu "neutre" que dans un lieu dÈj culturellement connotÈ.
La mÈdiatisation importante et les budgets consÈquents qu'exige la monstration dans des lieux dÈcalÈs sont les seuls dÈfauts de ces espaces. Ils ne peuvent de surcroÓt accueillir que des manifestations temporaires (sinon, ils deviennent des lieux spÈcialisÈs comme le ZKM qui occupera les locaux d'une ancienne usine d'armement).
Notons cependant que les budgets pour des manifestations dans des lieux de ce type sont identiques ceux des ÈvÈnements qui se dÈroulent dans des structures classiques qui ne disposent ni de matÈriels ni de personnels.
Les exemples que nous avons dÈveloppÈs portaient sur des manifestations d'ampleur importante. D'autres formes d'expÈriences sont Ègalement intÈressantes comme celle d'ART-EL conduite en juillet 1996 avec le CCAS (Caisse Centrale d'ActivitÈs Sociales du personnel d'EDF et de GDF). Dans un centre de vacances de cette structure, un atelier d'images numÈriques animÈ par des artistes et une sÈlection de CD-ROM artistiques montrÈs sur moniteur (un par úuvre) ont ÈtÈ proposÈs aux vacanciers. L'accueil et les rÈactions ont ÈtÈ trËs positifs, plus cause de la nature contextuelle du lieu (centre de villÈgiature), que du btiment ou de l'espace lui-mÍme. Les gens en vacances, sans idÈe prÈconÁue, avec une totale ouverture d'esprit, les uns "apprenant" aux autres, venaient voir ce qui Ètait prÈsentÈ comme une "activitÈ parmi les activitÈs". Ce dispositif a permis la sensibilisation d'un public qui n'aurait jamais ÈtÈ voir une "exposition d'art Èlectronique" en tant que telle et a suscitÈ des attitudes de curiositÈ, puis d'intÈrÍt et enfin des discussions spontanÈes.
La rÈussite d'une manifestation n'est Èvidemment pas uniquement liÈe au lieu o˜ elle se dÈroule. Les compÈtences des organisateurs, le choix des úuvres, le soin apportÈ leur prÈsentation ainsi que la mise en espace sont essentiels.
V - LES LIEUX SPECIFIQUES DE L'ART ELECTRONIQUE [RS] [RSS]
Depuis 1979, l'art Èlectronique a Ègalement dÈveloppÈ ses propres lieux par l'intermÈdiaire d'ÈvÈnements ponctuels mais rÈcurrents comme les festivals et autres manifestations rÈguliËres ainsi que par la crÈation de centres permanents spÈcialisÈs.
A - FESTIVALS ET MANIFESTATIONS REGULIERES [RSS]
Les festivals et manifestations rÈguliËres sont les lieux spÈcifiques de l'art Èlectronique les plus nombreux et les plus anciens. Nous avons sÈlectionnÈ 5 exemples reprÈsentatifs des diverses formes qu'ils peuvent revÍtir.
1 - Exemples [RSS]
Ars Electronica, Linz, Autriche
Plus ancien festival dans le domaine des arts Èlectroniques, Ars Electronica a ÈtÈ crÈÈ en 1979 par Hannes Leopolseder (Directeur de l'ORF, tÈlÈvision rÈgionale de Haute-Autriche), Hubert Bognemeyer (musicien) et Herbert Franke (un des pionniers de l'art informatique et notamment de l'image numÈrique).
Biennal au dÈbut, il est rapidement devenu annuel.
Ars Electronica Ètait jusqu'en 1995 conjointement organisÈ par l'ORF ( l'origine de sa crÈation) et la LIVA (organisme public gÈrant les activitÈs culturelles de la ville de Linz). Il se dÈroulait dans les locaux de l'ORF et la Brucknerhaus, btiment dÈdiÈ la musique. Il y a quelques annÈes, le Landesmuseum (musÈe trËs traditionnel) est devenu un des lieux d'exposition du festival. Depuis 1994, le nouveau Design Center de Linz a lui aussi accueilli une partie de l'exposition. Par ailleurs, depuis le dÈbut, le festival a organisÈ des opÈrations et des actions en extÈrieur, dans la ville.
Au fil des ans, Ars Electronica est devenu le festival de rÈfÈrence pour les arts Èlectroniques. Hormis la pÈriode 93/95 o˜ il s'est dÈroulÈ en juin, il se tient normalement en septembre, pendant une semaine. A partir de 1996, le festival va connaÓtre de profondes transformations avec l'ouverture de l'Ars Electronica Center. Les changements concerneront les lieux accueillant les expositions et les Èquipes dirigeantes, avec notamment un nouveau directeur du Centre, Gerfried Stocker, qui est Ègalement la direction du festival.
Ars Electronica peut Ítre considÈrÈ comme un festival d'exploration et d'avant-garde, ce qui n'est pas sans entraÓner certaines contradictions : financÈ par les collectivitÈs locales (le Centre aura Ègalement un financement de l'Etat fÈdÈral) et le sponsoring privÈ, Ars Electronica est avant tout un festival de professionnels alors que les organisateurs souhaiteraient avoir une emprise plus grande sur les publics locaux.
Ars Electronica est structurÈ autour d'un thËme (La rÈalitÈ virtuelle en 1990, Out of Control en 1991, Les nanotechnologies en 1992, La vie artificielle en 1993, Memesis en 1996, etc.) avec quatre pÙles principaux :
- une confÈrence de deux jours, portant sur le thËme gÈnÈral, laquelle sont invitÈs des scientifiques, des chercheurs et des artistes travaillant dans le domaine.
- le Prix Ars Electronica, organisÈ par l'ORF et dÈcernÈ par un jury sÈlectionnÈ par les responsables de la chaÓne. Historiquement le prix concernait 3 catÈgories : images fixes (computer graphics), images animÈes (computer animation) et musique (computer music). En 1990, fut introduite la catÈgorie art interactif. En 1995, la catÈgorie images fixes est supprimÈe et celle de sites Web introduite.
Les úuvres laurÈates sont exposÈes pendant le festival. Les images fixes, les animations et la musique se trouvaient jusqu' prÈsent dans les locaux de l'ORF. Les installations d'art interactif ont trouvÈ leur place dans le Landesmuseum. En 1995, les sites Web furent prÈsentÈs dans les locaux de l'AEC (Ars Electronica Center) et la Brucknerhaus, le thËme gÈnÈral retenu Ètait celui des rÈseaux.
Une rencontre avec les artistes laurÈats (K¸nstler Forum) se dÈroule pendant deux jours (4 fois une demi-journÈe, correspondant aux 4 prix) dans les locaux de l'ORF.
Enfin, toutes les úuvres entrÈes en compÈtition sont accessibles la demande dans les locaux de l'ORF.
- Des úuvres (quelquefois en production ou co-production) se rapportant autant que possible au thËme gÈnÈral font l'objet d'une exposition qui se dÈroulait la Brucknerhaus et, l'annÈe de son ouverture, Ègalement au Design Center.
- Des spectacles et performances sont prÈsentÈs chaque soir dans diverses salles de la ville. Enfin, certaines actions se dÈroulent dans des lieux publics (Hautplatz, place centrale de la ville par exemple).
Comme tous les festivals, Ars Electronica n'a pas de lieu propre87 et doit s'installer dans divers endroits de la ville qui prÈsentent des contraintes irrÈductibles. A cet Ègard le Landesmuseum restera toujours un endroit poussiËreux et largement inadaptÈ contrairement la Brucknerhaus ou au Design Center qui permettent des amÈnagements de l'espace. Il est intÈressant de noter que la Brucknerhaus est un lieu de spectacles et de concerts, qu'elle dispose d'Èquipes rÙdÈes l'installation de matÈriel technique et de salles modulables. Pendant des annÈes, cela a constituÈ un atout non nÈgligeable pour le festival.
A Ars Electronica, la monstration revÍt donc un caractËre particulier. Ce ne sont plus les lieux o˜ l'on montre qui sont les Èmetteurs d'un discours mais le festival lui-mÍme.
Ars Electronica est un festival spÈcialisÈ et d'expÈrimentation. Il s'adresse avant tout un public de professionnels88 qui savent ce qu'ils viennent voir et peuvent plus facilement faire abstraction de certaines conditions de monstration mÈdiocres, comme au Landesmuseum. Ils sont aussi prÍts accueillir les expÈriences conduites par les organisateurs : festival ouvert 24h/24 en 1991 avec une partie des úuvres "in progress", ÈlaborÈes au cours de la semaine ; úuvres sur le rÈseau en 1995 avec des ordinateurs rÈpartis sur l'ensemble du premier Ètage de la Brucknerhaus autour de canapÈs et d'un "bar" ; utilisation des souterrains ou du parc du chteau, d'usine ; voyage en bateau sur le Danube, etc.
Ars Electronica a ÈtÈ et reste un festival essentiel pour l'art Èlectronique car il soutient activement la crÈation par la production ou la co-production d'úuvres et par les commandes qu'il passe aux artistes.
Multimediale, ZKM, Karlsruhe, Allemagne
CrÈÈe en 1989, Multimediale est une manifestation un peu "hybride" : sans thÈme gÈnÈral, elle constituait une prÈfiguration du ZKM et montrait le travail rÈalisÈ dans les laboratoires au cours des deux annÈes prÈcÈdentes. Elle se dÈroulait jusqu' prÈsent dans des lieux de type industriel, avec une prÈsentation "brute", sans fioriture ni mise en scËne particuliËre.
Multimediale prendra certainement une autre dimension avec l'ouverture du ZKM en 1997.
Notre analyse portera sur l'Èdition 1995.
Le choix du lieu ne sert ni ne dessert les úuvres prÈsentÈes. Il reste "Ètranger" aux úuvres qui semblent Ítre l comme dans une zone de transit, en attente de leur destination et prÈsentation finale. Ceci est sans doute d° au choix d'une scÈnographie "brute".
L'ensemble laisse une impression d'inachevÈ, d'oppression, de lourdeur qui n'aide pas "l'Èpanouissement" des úuvres. Cela renforce leur cÙtÈ technologique au dÈtriment de leurs aspects poÈtique, esthÈtique, de contenu, de discours. Si les úuvres fortes s'en sortent, car par leur puissance elles transcendent le lieu et la prÈsentation, en revanche les autres sont ÈtouffÈes.
La manifestation Ètant composÈe de plusieurs parties, il est nÈcessaire de souligner certains aspects valables uniquement pour certaines d'entre elles.
- Dans neuFundland II (prÈsentant les travaux de l'Institut des MÈdias), les úuvres Ètaient regroupÈes au centre de l'espace (grande salle rectangulaire) et la circulation du public se faisait sur le pourtour extÈrieur. Ce choix a ÈtÈ trËs dommageable pour certaines piËces que l'on traversait pour aller la suivante. Pour d'autres, c'Ètait seulement perturbant.
En rÈsumÈ, l'isolation des úuvres (leur espace "naturel") et la circulation du public n'ont pas ÈtÈ suffisamment pris en compte.
- Le Salon Digital, prÈsentÈ dans le cafÈ/restaurant, montrait une sÈrie de travaux sur Internet. La prÈsentation physique est un Èchec clair : ordinateurs en rang d'oignons, des chaises hautes et inconfortables, le tout dans un lieu bruyant.
En revanche du point de vue de l'accËs aux úuvres elles-mÍmes, un point trËs positif est noter : aprËs quelques temps de non utilisation (soit entre 2 personnes) le systËme se remettait automatiquement au dÈbut. En outre, une fonction "exit" permettait de revenir au sommaire tout moment.
Ce petit dÈveloppement informatique permettait au public de ne pas se perdre dans le cyberespace et de pouvoir reprendre une úuvre au dÈbut (donc avec une plus grande chance de comprendre ce dont il s'agissait).
Un effort dans la prÈsentation pourrait donner de meilleurs rÈsultats car le lieu est culturellement neutre et dÈcalÈ. En plus du commissaire, il est indispensable d'avoir un designer d'exposition compÈtent en art Èlectronique pour organiser ce type de manifestations. S'appuyer sur des Èquipes techniques, aussi qualifiÈes soient-elles, n'est pas suffisant.
Images du Futur, MontrÈal, Canada89
Images du Futur a ÈtÈ fondÈe en 1985 par HervÈ Fischer et Ginette Major. Annuelle, elle appartient plus la catÈgorie des manifestations rÈguliËres que des festivals. RÈsolument grand public, elle se dÈroule l'ÈtÈ, sur plus de deux mois et connaÓt un nombre de visiteurs ÈlevÈ. Elle associe úuvres artistiques et applications scientifiques ou commerciales.
Jusqu'en 1994, Images du Futur s'est tenue dans un ancien entrepÙt du vieux port de MontrÈal. Depuis 1995, la CitÈ des Arts et des Nouvelles Technologies dispose d'un btiment (autrefois industriel) dans le vieux MontrÈal. La manifestation s'y dÈroule dÈsormais.
Bien que dans un lieu "dÈcalÈ", la prÈsentation dans les anciens entrepÙts du port Ètait problÈmatique pour deux raisons : absence d'une scÈnographie forte et le mÈlange des genres entre úuvres artistiques et autres types d'applications qui donnait un peu l'impression d'une vaste foire. Il faut cependant noter que le public y venait trËs nombreux, en famille, et qu'il apprÈciait ce qu'il voyait90.
Les nouveaux btiments sont permanents et transforment de fait l'ensemble en un lieu spÈcialisÈ dans lequel on va, une fois par an, voir une "grande exposition". L'endroit, neutre, plus petit, plus intime, oblige sÈparer davantage les úuvres artistiques des autres installations ce qui permet une lecture plus facile des unes et des autres. Il offre chaque úuvre son espace, mÍme si le problËme de la pollution sonore entre les úuvres persiste. Il semblerait cependant qu'en se transformant en "lieu dÈdiÈ", il devienne plus intimidant et perde de ce fait une partie du trËs grand public des entrepÙts. En revanche, notamment avec le CybercafÈ, il offre une possibilitÈ plus grande de sensibilisation et de formation.
ARTEC, Nagoya, Japon
Soutenue par le grand quotidien Chunichi Shimbun, la direction artistique d'ARTEC est assurÈe par un directeur opÈrationnel membre du journal et un conseil de personnalitÈs japonaises et ÈtrangËres, spÈcialisÈes dans l'art Èletronique. La premiËre Èdition d'ARTEC, manifestation grand public biennale, a eu lieu en 1989. ARTEC se tient dans le musÈe d'art contemporain, dans le musÈe des sciences et techniques et dans le parc avoisinant. Elle attire des milliers de visiteurs.
Notre analyse portera sur la deuxiËme Èdition de 1991.
Le parti pris des organisateurs a ÈtÈ de donner un espace Èquivalent chaque úuvre (on ne comprend pas bien pourquoi).
Les úuvres rÈsistent assez bien l'architecture de type "cube blanc". L'ensemble donne cependant une impression clinique de propretÈ, de froideur. L'image qui reste est celle d'une dÈbauche de machines, alors que le cblage et les Èquipements sont masquÈs.
ISEA, International Symposium on Electronic Arts
ISEA a ÈtÈ crÈÈ en 1988 par une Èquipe nÈerlandaise. Biennale les premiËres annÈes, la manifestation est devenue annuelle partir de sa troisiËme Èdition Sydney en 92. Chaque Èdition d'ISEA se dÈroule dans une ville diffÈrente organisÈe par une Èquipe diffÈrente. A partir d'ISEA Minneapolis en 93, il fut dÈcidÈ qu'elle se tiendrait alternativement d'une annÈe sur l'autre en Europe et sur un autre continent. Les Èditions d'ISEA furent : Utrecht en 88, Groningue en 90, Sydney en 92, Minneapolis en 93, Helsinki en 94, MontrÈal en 95, Rotterdam en 96. Les prochaines sont prÈvues Chicago en 97, Manchester/Liverpool en 98.
ParallËlement ISEA-symposium, la mÍme Èquipe nÈerlandaise a fondÈe ISEA-association (Inter Society for Electronic Arts), qui sert de garant l'esprit de la rÈunion et choisit les Èquipes organisatrices (et donc les villes) des Èditions venir. En 1996, le secrÈtariat d'ISEA a ÈtÈ transfÈrÈ MontrÈal.
A l'origine ISEA a ÈtÈ conÁu pour Ítre, comme son nom l'indique, un symposium. Les arts Èlectroniques avaient leurs manifestations de monstration et d'exposition mais il n'existait pas de rencontre de haut niveau, pour la rÈflexion et l'Èchange. Il s'agissait donc d'organiser une confÈrence, de type universitaire, devant apporter une rÈflexion sur l'art Èlectronique. ISEA a pris comme modËles l'ICMC (International Computer Music Conference) et SIGGRAPH.
Les deux premiËres Èditions au Pays-Bas restËrent strictement dans le cadre. Des communications de fond, d'une durÈe assez longue (de 20 40 minutes), Ètaient prÈsentÈes en sÈances plÈniËres. En outre, et c'Ètait particuliËrement vrai Groningue, l'accent Ètait mis sur des prÈsentations courtes (de 10 15 minutes) et simultanÈes (parallel poster sessions) de la part des institutions et surtout des artistes avec des documents classiques d'accompagnement (vidÈo, diapositives, transparents, etc.). Ces sÈances parallËles avaient pour vocation d'informer les dÈlÈguÈs sur les diverses activitÈs et crÈations dans le monde. Ce systËme a particuliËrement bien fonctionnÈ. Des dÈbats, rencontres et Èchanges d'informations spontanÈs naissaient aprËs chacune des sessions.
Par ailleurs, une trËs petite exposition (essentiellement d'images fixes) et des spectacles peu nombreux ( Groningue il s'agissait d'une performance de Stelarc et du traditionnel "film show" montrant les rÈalisations en animation en images de synthËse) accompagnaient le symposium, plutÙt titre d'exemples. L'accent Ètant mis sur les rencontres, le programme des dÈlÈguÈs restait raisonnable pour permettre les Èchanges impromptus inter-individuels.
Le changement s'est opÈrÈ avec ISEA Sydney, quand la partie exposition s'est dÈveloppÈe. Pour les Australiens, isolÈs gÈographiquement, ISEA Ètait l'opportunitÈ d'une part, de montrer la crÈation nationale et, d'autre part, d'apporter au public local une ouverture sur la crÈation internationale, par del la discussion de fond sur l'art Èlectronique. A Sydney, l'exposition fut consÈquente et ÈclatÈe dans divers lieux dans la ville.
De ce fait, il est trËs difficile d'Èlaborer une vÈritable analyse de la monstration lors d'ISEA Sydney. On peut nÈanmoins retenir quelques ÈlÈments : toutes les expositions Ètaient intÈressantes et bien conÁues. La fragmentation avait permis de faire des sous-ensembles cohÈrents. Les úuvres ne se perturbaient pas les unes les autres et avaient largement assez d'espace pour exister. Les lieux Ètaient tous diffÈrent : ils crÈaient autant d'expositions, avec leur identitÈ propre et leur atmosphËre particuliËre. Cependant, cet Èclatement ne permettait pas une vision d'ensemble et de revenir voir les úuvres facilement. La relation entre les dÈbats et les travaux s'en trouvait amoindrie.
Avec Helsinki en 94 et plus encore avec MontrÈal en 95, la partie exposition d'ISEA occupe une place Ègale celle du symposium. A MontrÈal, un certain nombre de personnes se sont dÈplacÈes pour venir voir l'exposition sans pour autant assister la confÈrence, ou seulement de maniËre marginale. Il ne nous appartient pas de dire ici si cette Èvolution est positive par rapport aux objectifs initiaux d'ISEA qui se voulait plus un instrument de rÈflexion que d'exposition, mais dÈsormais ISEA devient une institution prendre en considÈration dans une Ètude de la monstration.
Notre analyse d'ISEA en tant que "lieu" de monstration, dÈj prÈsentÈe, a portÈ sur les deux derniËres Èditions d'Helsinki et de MontrÈal.
2 - Les consÈquences pour la monstration [RSS]
Le festival, ou la manifestation rÈguliËre, joue un rÙle diffÈrent dans la monstration de l'art Èlectronique selon la nature de l'ÈvÈnement. Nous en dÈgageons trois types. Chacun a des publics, des objectifs, et donc une fonction de monstration, diffÈrents.
- "dÈcouverte et expÈrimentation" : Ars Electronica en est le meilleur exemple. Il s'adresse un public de professionnels qui viennent y faire leur "marchÈ" et ne touche que marginalement le grand public. Il joue un rÙle important comme co-producteur d'úuvres et comme lieu de dÈcouverte de nombreux artistes. Dans certains cas, il peut s'apparenter, dans la monstration, "l'atelier" d'un artiste et prÈsente des úuvres encore inachevÈes ou prototypales91.
- "nouveautÈs" : comme Multimediale ou ISEA. Manifestations "intermÈdiaires" entre les deux autres catÈgories, elles montrent une production rÈcente mais reposent sur d'autres bases (une institution de crÈation pour l'un, une confÈrence pour l'autre). Elles s'adressent un public plus large, mais nÈanmoins un peu connaisseur.
- "tendances en cours" : dans ce cas il s'agit plus de ce que nous avons qualifiÈ de "manifestations rÈguliËres" que d'un festival proprement dit. Entrent dans cette catÈgorie Images du Futur, Artifices, Voyages Virtuels, Art Futura. Totalement grand public, ils jouent une fonction de validation l'extÈrieur du milieu de l'art Èlectronique.
Pour une grande partie des personnes que nous avons interviewÈes, le festival est un lieu pour dÈmarrer, pour se faire connaÓtre, il est largement considÈrÈ comme un lieu expÈrimental.
Il nous semble que sa fonction est plus importante. Le festival, ou la manifestation rÈguliËre, joue un rÙle essentiel de validation culturelle que ce soit auprËs du milieu de l'art Èlectronique ou vers l'extÈrieur selon sa nature et ses caractÈristiques. En outre, par leur frÈquence et leur rÈgularitÈ, les festivals restent jusqu' aujourd'hui les rares endroits o˜ la continuitÈ de la prÈsentation de l'art Èlectronique est assurÈe.
B - LIEUX DE CREATION ET/OU DE MONSTRATION [RSS]
Tous les types de lieux que nous avons analysÈs jusqu' prÈsent, y compris les festivals et manifestations rÈguliËres spÈcialisÈs, restent dans une logique d'ÈvÈnements ponctuels. Certains prennent mieux en compte que d'autres l'art Èlectronique, ou semblent plus adaptÈs sa monstration. Deux ÈlÈments essentiels leur font dÈfaut : une prÈsence permanente et la prise en compte de la relation crÈation/monstration inhÈrente beaucoup d'úuvres.
Les centres permanents dÈdiÈs peuvent apporter une rÈponse ces faiblesses.
Nous en excluons les laboratoires de recherche et les entreprises qui accueillent des artistes comme Xerox PARC, Interval Research Laboratory, ATR, Art + Com Berlin, le GMD ou le Media Lab du MIT pour deux raisons : l'activitÈ artistique n'est pas leur fonction premiËre et ce ne sont pas des lieux de monstration.
Ces centres sont actuellement peu nombreux. Il s'agit du ZKM (Zentrum f¸r Kunst und Medientechnologie), de l'ICC (InterCommunication Center), d'Art Lab, de l'AEC (Ars Electronica Center) et de V2.
Notons qu'hormis Art Lab et V2, aucun de ces centres n'a encore un fonctionnement normal. L'AEC a ouvert le 2 septembre 1996. Le ZKM et ICC ouvriront en 1997 mais ils ont dÈj conduit des actions de prÈfiguration.
1 - Exemples [RSS]
AEC, Ars Electronica Center, Linz, Autriche92
L'AEC se situe dans le prolongement du festival. Il reprÈsente pour ses initiateurs une forme de dÈmocratisation des activitÈs d'Ars Electronica pour aller la rencontre des besoins des gens de la rÈgion. En tant que musÈe en Èvolution (museum in progress), le Centre repose sur le concept d'un changement continu. Les locaux sont conÁus pour Ítre utilisÈs de maniËre conviviale. Le Centre se positionne comme une interface interdisciplinaire et intÈgratrice entre la science et la recherche, le commerce et l'industrie, les arts, les loisirs et les media Èlectroniques. Le Centre a une politique de formation et de sensibilisation des publics locaux, associÈe un programme d'artistes en rÈsidence, de crÈation et d'expÈrimentation. Il est fortement axÈ sur le rÈseau et la rÈalitÈ virtuelle. L'AEC n'a pas de vocation musÈale et n'aura pas a priori de collection permanente.
Il se compose de :
- une "Zone de rÈalitÈ virtuelle" avec The Cave ;
- la Cyber City o˜ sera prÈsentÈ un panorama des instruments de rÈalitÈ virtuelle au service des urbanistes et des architectes avec comme exemple la ville de Linz ;
- le Knowledge Net, projet multimedia pour de nouvelles structures d'apprentissage et de coopÈration ;
- Sky Media Loft qui prÈsente les derniers dÈveloppements en matiËre de technologies de communication.
L'AEC se positionne comme un lieu de connaissances et de savoirs, en constante Èvolution, dans une perspective de nouveaux modËles d'apprentissage, de relations humaines et de crÈation. Il vise des interventions au niveau local (au coeur de la ville de Linz) et global (sur le rÈseau Internet). Ars Electronica Center dÈfinit un nouveau type d'institution culturelle, non plus fondÈe sur le figÈ, la collection d'objets, mais sur le flux des informations. Il propose un nouveau rÙle l'architecture culturelle qui devient un point nodal du rÈseau et un "abri", un lieu de convivialitÈ dans l'espace physique de la ville.
L'Ars Electronica Center est dotÈ de moyens matÈriels haut de gamme et d'Èquipes spÈcialisÈes.
La construction du Centre aura co°tÈ 100 millions de Shillings autrichiens (soit environ 50 millions de francs) et l'Èquipement 80 millions de Shillings autrichiens (soit environ 40 millions de francs).
Laboratoire de crÈation, d'expÈrimentation et de formation, il fonctionne en Ètroite symbiose avec le festival aussi bien pour la monstration que pour l'archivage et la conservation des traces du passÈ dont le site Web est le principal instrument93.
ZKM, Zentrum f¸r Kunst und Medientechnologie, Karlsruhe, Allemagne
Le ZKM associe une politique de recherche et de crÈation dans diffÈrents domaines (images, son, interactivitÈ, rÈalitÈ virtuelle) une volontÈ de monstration par le biais de deux musÈes : le MusÈe d'Art Contemporain (MAC) sous la direction d'Heinrich Klotz et le MusÈe des Media (MM) sous celle de Hans-Peter Schwarz. Le MAC a une politique d'achat d'úuvres d'art, dont des piËces historiques. L'objectif du MM est la production de piËces ayant comme sujet l'influence des media sur l'art. Les grandes sections du MusÈe des Media incluent :
- le Salon Digital consacrÈ au rÈseau Internet ;
- la Galerie d'Art Interactif avec des úuvres exemplaires de l'utilisation des nouveaux media par les artistes ;
- l'Univers des Jeux o˜ des jeux commerciaux seront prÈsentÈs et analysÈs selon une grille thÈmatique (il ne s'agit pas de faire une salle de jeux supplÈmentaire) ;
- le MusÈe Virtuel de l'Architecture ;
- une section Film et Film Interactif.
Les budgets du ZKM sont consÈquents : 150 millions de DM (soit environ 525 millions de francs) pour la rÈnovation du btiment ; 10 millions de DM (soit environ 35 millions de francs) de budget annuel et 1 million de DM (soit environ 3,5 millions de francs) pour le budget de production du MusÈe des Media. Ces deux derniers budgets augmenteront l'ouverture. Nous n'avons pas pu connaÓtre le budget d'acquisition du MusÈe d'Art Contemporain.
En ce qui concerne l'Èquipement, le ZKM a une politique d'achat. Pour Bernhard Serexhe94, directeur adjoint du MusÈe des Media, comme nous produisons, nous avons besoin du parc technologique. L'Èquipement sera plus important l'ouverture car toutes les installations doivent Ítre indÈpendantes. Nous achetons l'Èquipement. Il n'y a pas d'autre solution, cela co°te plus cher de louer. Et comme le matÈriel est rapidement obsolËte, nous n'avons pas de solution miracle, il faudra toujours un budget d'investissements important. Mais il faut rester raisonnable et continuer montrer le plus possible les úuvres sur l'Èquipement d'origine.
En matiËre de personnel, le ZKM distingue les techniciens de maintenance de ceux pour le laboratoire de production. Il envisage une dizaine de spÈcialistes pour le laboratoire et de 5 6 techniciens pour la maintenance.
L'espace de monstration sera d'environ 6000 m2 pour chacun des musÈes avec des installations permanentes et des espaces modulables. Les solutions pour la mise en espace sont l'Ètude, notamment pour le Salon Digital o˜ il y aura de 20 50 terminaux selon les besoins, mais o˜ il ne faut pas qu'une personne soit isolÈe devant son Ècran95.
Le ZKM sera donc un lieu de production, de monstration et de conservation hautement spÈcialisÈ, dotÈ de moyens techniques, humains et spatiaux qui lui confËrent une large autonomie.
ICC, InterCommunication Center, Tokyo, Japon96
ICC ouvrira Ègalement en 1997. Comme l'AEC, ICC est fondÈ sur les communications Èlectroniques et a pour but la promotion du dialogue entre science, technologie, art et culture dans le contexte d'une sociÈtÈ future riche en imagination et en crÈativitÈ.
Deux types de prÈsentation se cÙtoieront dans le centre : une exposition permanente, tournÈe vers le futur, explorera les nouvelles possibilitÈs d'expression scientifique et technologique par le biais de travaux incorporant les technologies les plus avancÈes telles que la rÈalitÈ virtuelle et l'interactivitÈ. Les expositions spÈcifiques prÈsenteront les artistes pionniers, feront le point sur les tendances et les travaux expÈrimentaux et exploreront de nouveaux thËmes qui ne peuvent Ítre inclus dans le cadre de catÈgories existantes.
Par ailleurs, une Biennale complËtera le dispositif. La premiËre aura lieu en 1997 sur le thËme "Communication/Discommunication".
ICC s'est Ègalement dotÈ d'une revue de rÈflexion trimestrielle en japonais avec un "rÈsumÈ" annuel en anglais.
ICC disposera de trois salles d'expositions (une pour les expositions spÈciales, une pour l'exposition permanente, une pour les expositions thÈmatiques), d'un atelier de crÈation, d'un auditorium et d'une bibliothËque Èlectronique avec une vaste base de donnÈes.
V2, Rotterdam, Pays-Bas97
V2 a ÈtÈ fondÈ en 1981 par un groupe d'artistes 's-Hertogenbosch. Contrairement aux centres que nous venons d'Èvoquer, il est issu du courant des lieux alternatifs particuliËrement actifs en Europe du nord (Pays-Bas, Allemagne) ainsi qu'au Canada. Il a fonctionnÈ jusqu' trËs rÈcemment sur de faibles budgets et sur une base d'engagements personnels et de bÈnÈvolat. En s'installant Rotterdam en 1995, V2 acquiert une dimension nouvelle grce des moyens financiers et des Èquipements plus importants. Plus de 10 ans de travail sont enfin reconnus.
Au dÈpart centrÈ sur des prÈsentations "intermedia", V2 s'est progressivement impliquÈ dans les relations art et technologie dont les technologies de la communication et des media. En 1987, il organisait la premiËre Manifestation for the Unstable Media qui devenait un festival annuel avant de prendre, en 1995, le nom de DEAF (Dutch Electronic Arts Festival).
V2 est organisÈ autour de trois structures :
- V2 Organisatie qui organise les manifestations et les colloques, rencontres, etc. ;
- V2 Audio-visueel qui s'occupe de l'atelier Èlectronique o˜ les artistes disposent de matÈriel audiovisuel et informatique professionnel. Par des collaborations avec des techniciens, des nouveaux logiciels et Èquipements techniques sont dÈveloppÈs. Ainsi les artistes peuvent adapter du matÈriel standard leurs besoins de crÈation. Avec l'implantation Rotterdam, cet atelier devrait se dÈvelopper.
- V2 Archief, qui a pour vocation de produire et distribuer des publications liÈes aux sujets couverts par V2.
La perspective de V2 est d'Ítre une plateforme pour la discussion et la prÈsentation de productions autour des media Èlectroniques. Le travail avec les rÈseaux occupe une position centrale dans la rÈflexion et les projets. V2 ne veut pas simplement reflÈter l'Ètat des lieux de la technologie. Il souhaite Ítre un centre o˜ se forgent les relations et les connections entre les diffÈrentes disciplines artistiques et o˜ s'exposent les dÈveloppements pratiques et thÈoriques, cÙte cÙte, afin de participer une analyse critique de ces media.
V2 a toujours fonctionnÈ selon les principes d'un centre alternatif : une structure flexible, une perspective interdisciplinaire, une monstration organisÈe autour de concepts forts, un atelier, une dialectique entre des prÈsentations thÈoriques et "pratiques", un travail de recherche. Son dÈmÈnagement Rotterdam lui permet de mettre ce programme en úuvre sur une plus grande Èchelle.
ART LAB, Tokyo, Japon
CrÈÈ par Canon en 1991, ART LAB est un centre permanent associant Ètroitement artistes et informaticiens pour la recherche et les nouvelles possibilitÈs de crÈations artistiques liÈes aux nouvelles technologies. C'est Ègalement un lieu de recherches thÈoriques sur les changements dans l'environnement et la sociÈtÈ induits par l'ordinateur.
Art Lab est placÈ sous la direction artistique de deux jeunes commissaires spÈcialisÈs : Yukiko Shikata et Kazunao Abe. Les techniciens viennent de la sociÈtÈ Canon.
Le principe de fonctionnement d'Art Lab repose sur la sÈlection d'un certain nombre d'artistes qui travailleront en coopÈration avec des ingÈnieurs, pour crÈer de nouvelles úuvres, montrÈes dans d'autres espaces.
Depuis 1991, Art Lab a ainsi produit un certain nombre d'expositions d'artistes japonais mais aussi Ètrangers. La ligne directrice est plutÙt expÈrimentale (úuvre mettant en jeu les ondes cÈrÈbrales, etc.), loin de la technologie des copieurs, produit phare de la firme.
2 - Les consÈquences pour la monstration [RSS]
Chacun de ces centres, qui en sont leurs dÈbuts, a ses spÈcificitÈs mais on peut nÈanmoins dÈgager des points communs.
Deux centres sont publics (ZKM et AEC), deux sont privÈs (ICC et Art Lab), un (V2) est un lieu alternatif soutenu par des fonds publics. Il n'y a pas de solution idÈale. La situation reflËte les habitudes culturelles des pays dans lesquels ils sont implantÈs. Les sources de financement sont donc indiffÈrentes la politique menÈe et au degrÈ de libertÈ dont ils disposent dans la programmation et les choix de contenu. En revanche, tous sont dotÈs de budgets permettant un rÈel fonctionnement. Tous disposent d'Èquipements adaptÈs (mÍme si certains sont plus ÈquipÈs que d'autres) et de personnels compÈtents tant d'un point de vue technique qu'intellectuel (beaucoup des responsables sont des artistes).
Si Art Lab est plus un centre de crÈation (il ne dispose pas de locaux dÈdiÈs pour la monstration) et V2 actuellement plus un lieu de monstration, tous associent les deux dimensions (crÈation et monstration) et prennent en compte les nouvelles directions de l'art que ce soit sur le Web ou les installations nÈcessitant un Èquipement haut de gamme.
Hormis le cas particulier d'Art Lab, ils renouvellent la fonction de l'architecture culturelle :
- par des btiments adaptÈs aux nouvelles technologies ;
- par la conception du centre non plus comme un lieu fermÈ et "contenant" mais comme un lieu qui "abrite" (parce que machines et humains en ont besoin). A cet Ègard le ZKM semble le plus "lourd" et se rapproche d'une architecture culturelle classique avec ses deux musÈes. Mais, contrairement au musÈe d'art contemporain, le ZKM est aussi un lieu de crÈation et de recherche, deux missions placÈes sous la responsabilitÈ d'artistes. Par ailleurs, il est le seul avoir vraiment une politique de conservation des úuvres historiques de l'art Èlectronique, ce qui nÈcessite un espace diffÈrent ;
- par la conception d'un centre comme un point de rencontre entre l'espace physique le local et l'espace des rÈseaux le global ;
- par l'intÈgration du Web comme espace de crÈation et d'expÈrimentation mais aussi de conservation et d'archivage (voir infra : section IV, monstration prÈsente et conservation) ;
- par l'expÈrimentation de nouveaux modËles de fonctionnement, aucun n'ayant ÈtÈ conÁu selon des schÈmas prÈ-existants.
Pour certains, ces centres peuvent apparaÓtre comme les ghettos d'un art qui ne saurait pas s'intÈgrer au reste de l'art contemporain. Ceci nous semble un "vrai faux problËme". L'art Èlectronique comme le film, le spectacle vivant ou l'art plastique requiert des lieux ad hoc. La question de la ghettoÔsation est moins celle d'un espace spÈcialisÈ que de choix des contenus. Actuellement, ils reprÈsentent des lieux de pÈrennitÈ, d'expÈrimentations, d'actions long terme et de suivi des politiques artistiques. Ce sont des lieux de validation culturelle et d'acculturation. Ils associent art, science et technologies mais en les sortant chacun de leurs espaces "naturels" respectifs pour mieux les confronter. En leur donnant un autre contexte, ils en permettent une autre lecture ; ils leur offrent une distanciation indispensable. Christine Schpf dÈclare98 : il faut beaucoup d'autres centres comme ceux-l. Dans cette pÈriode o˜ l'industrie domine et o˜ elle est trËs intÈressÈe, il faut des cellules intellectuelles liÈes entre elles qui Èlaborent des contenus et des pensÈes critiques. Sinon c'est l'industrie qui gagne tout. [...] Je ne sais pas pour le futur, mais actuellement il faut que des lieux physiques spÈcialisÈs existent qui dÈmontrent que l, on Èlabore des choses liÈes au monde numÈrique qui ne sont pas des produits industriels.
Un autre reproche adressÈ ces centres est qu'ils favorisent les aspects "high tech" et qu'ils sacrifient aux derniËres technologies la mode. C'est un reproche quelquefois justifiÈ qui est cependant attÈnuÈ par la diversitÈ des centres. En outre, en tant que lieux de recherche et d'expÈrimentation, il semble prÈfÈrable qu'ils se situent " la pointe" de la recherche artistique et esthÈtique. De cette maniËre, ils soulËvent et traitent des questions qui ne peuvent et ne sont pas abordÈes par d'autres.
Actuellement nous avons recensÈ 5 centres dignes de ce nom dont 2 au Japon, aucun en France, aucun dans les pays latins. Si on prend aussi en compte les autres lieux de crÈation, on constate une domination de trois zones : Europe du nord avec l'Allemagne (ZKM, GMD, Art + Com), l'Autriche (AEC) et les Pays-Bas (V2), Japon (ICC, Art Lab, ATR) et, dans une moindre mesure, les Etats-Unis o˜ n'existent que des laboratoires de recherches ayant une autre vocation que l'art (Xerox PARC, Interval Research Laboratory, Media Lab MIT). La diversitÈ culturelle est loin d'Ítre reprÈsentÈe.
VI - LES LIEUX "TECHNOLOGIQUES" [RS] [RSS]
Par l'expression de lieux "technologiques" nous entendons des espaces de monstration qui sont la consÈquence directe de l'existence des technologies tÈlÈcomputationnelles. Le premier est l'espace domestique (la maison) et le second, le cyberespace.
A - ESPACE DOMESTIQUE [RSS]
L'art Èlectronique, avec ses installations compliquÈes et son absence d'objets vendre, n'Ètait pas rÈputÈ pouvoir entrer dans les foyers privÈs. Tout un pan de la crÈation aujourd'hui (notamment les úuvres sur Ècran) redonne l'espace domestique un rÙle de consommation de l'art.
Pour nombre d'úuvres, la maison est bien le meilleur endroit pour Ítre apprÈciÈes, rÈellement perÁues. L seulement, on peut prendre le temps de les parcourir en plusieurs fois, effectuer les "re-lectures" indispensables, Ítre, comme pour la lecture, seul(e) dans une relation intime l'úuvre, dans un tÍte--tÍte avec l'Ècran-miroir.
Cependant, la possession privÈe d'úuvres d'art, quelles qu'elles soient, a toujours ÈtÈ l'apanage des classes aisÈes (aristocratie, bourgeoisie). A cet Ègard, malgrÈ les discours dÈmocratiques enthousiastes, il se peut que l'art Èlectronique ne fasse pas exception, mÍme si les barriËres ne sont plus exactement les mÍmes (le co°t de l'úuvre devient un facteur nÈgligeable).
Le mode de consommation de l'art Èlectronique (et donc sa monstration) dans l'espace domestique soulËve de nouvelles questions.
En France, le taux d'Èquipement des mÈnages en matiËre d'ordinateurs et de lecteurs de CD-ROM, sans parler des accËs Internet, est particuliËrement faible. MalgrÈ les efforts commerciaux des constructeurs, les FranÁais rechignent s'Èquiper99. Selon un article du Monde datÈ du 27 janvier 1996 et reposant sur un sondage rÈalisÈ par l'institut d'Ètudes marketing GFK entre le 7 et le 17 dÈcembre 1995 : Pas plus de 1% des foyers franÁais sont certains de s'Èquiper rapidement en micro-informatique. [...] 15% des foyers franÁais sont ÈquipÈs d'un micro-ordinateur. Ce taux atteint 39% aux Etats-Unis, 27% aux Pays-Bas, 25% en Allemagne, 21% en Belgique et 16% en Grande-Bretagne. [...] Si le co°t excessif demeure un obstacle pour 35% des foyers interrogÈs, 49% dÈclarent "ne pas avoir l'usage" d'un ordinateur et 30% affichent "leur manque d'intÈrÍt pour l'informatique". [...] Le plus fort taux d'Èquipement (42%) concerne les foyers qui gagnent plus de 40 000 francs par mois. Parmi ceux dont le salaire mensuel est infÈrieur 10 000 francs, seulement 12% sont ÈquipÈs.
Si l'on peut penser que le taux d'Èquipement des FranÁais augmentera moyen et long termes, l'accËs l'Èquipement informatique reste socialement discriminant.
Par ailleurs, l'utilisation de la micro-informatique et des logiciels d'accËs Internet ne sont pas de plus en plus simples. Il ne suffit pas d'avoir "un ordinateur, une ligne de tÈlÈphone et un modem". Bien au contraire, les couches logicielles s'ajoutent les unes aux autres, ne sont pas toujours compatibles, crÈent un magma inextricable et suscitent des bugs aussi savoureux qu'inexplicables quand ils ne sont pas insolubles. A cela s'ajoute le fait que les artistes proposent des úuvres en ligne de plus en plus ÈlaborÈes, nÈcessitant le tÈlÈchargement de logiciels ou utilitaires et surtout leur installation100.
L'information sur l'existence des úuvres (sur CD-ROM, sur disquette ou en ligne) se fait aujourd'hui principalement par l'intermÈdiaire de publications spÈcialisÈes dans l'art Èlectronique. La plupart est en langue anglaise et sur le rÈseau Internet. L'information est donc principalement accessible un public de professionnels ou ceux qui, sans Ítre des spÈcialistes de l'art Èlectronique, ont accËs au rÈseau et sont un peu curieux.
Si les úuvres sur Internet sont visibles partir du moment o˜ on est connectÈ et o˜ on connaÓt leur existence, le marchÈ du CD-ROM artistique reste hypothÈtique. Il peut se passer pour le CD-ROM artistique ce qui s'est produit pour la vidÈo : un marchÈ commercial s'est installÈ (films, clips) mais point de marchÈ artistique. La nature des úuvres interactives peut cependant favoriser un circuit commercial parallËle, identique par exemple celui de toute une partie de la musique contemporaine ou de la poÈsie informatique (qui reste un des rares cas, actuellement, o˜ la monstration domestique supplante une monstration publique). Les consommateurs se recruteront donc encore dans un public informÈ, formÈ et sensibilisÈ.
Enfin, quelle que soit la situation actuelle ou venir, la place de l'ordinateur dans l'espace privÈ joue un rÙle essentiel dans la "lecture" et la perception des úuvres. A dÈfaut d'Ètudes sur le sujet, nous pouvons Èvoquer un certain nombre de questions : o˜ est l'ordinateur la maison ? dans un endroit associÈ au travail (bureau) ou la distraction ? dans un endroit confortable o˜ l'on peut "s'installer" ou dans un endroit "transitoire" ? dans un endroit o˜ l'on peut s'isoler (comme pour la lecture) mais d'o˜ l'on peut aussi "partager" ses "dÈcouvertes" ? qui y accËde, comment se fait le partage de l'accËs au matÈriel ?
Les consÈquences pour la monstration
Au moins pour quelques annÈes encore, il apparaÓt indispensable que les espaces publics relaient l'espace domestique dans l'information, la formation et la consultation des úuvres dÈfaut d'une vraie monstration qui ne peut effectivement s'opÈrer que chez soi.
B - CYBERESPACE [RSS]
Nous ne prÈtendrons pas, dans le cadre de ce rapport, Èpuiser les composantes, les recherches et les dÈbats au sujet du cyberespace. Nous essaierons simplement de pointer quelques uns des ÈlÈments qui nous semblent les plus importants pour la monstration d'úuvres existant dans cet espace, pour et par lequel elles ont ÈtÈ crÈÈes.
Le cyberespace est un espace, un media et un langage. Nous l'aborderons sous ces trois angles. Il se compose par ailleurs de trois ÈlÈments :
- une rÈalitÈ physique : il s'agit de l'ensemble des ordinateurs dispersÈs sur la planËte et reliÈs entre eux par des moyens de communication.
- un espace "culturel" composÈ de donnÈes, d'informations et de savoirs (on passe de la notion de "data base" celle de "knowledge base"). Et, comme le souligne Tom Sherman101, les artistes, travailleurs du savoir, crÈent de l'information par la transformation des donnÈes en formes.
- un mythe. Le roman Neuromancien de Gibson (qui en constituerait la Bible) n'a fait que mettre un nom sur un processus en cours et en proposer une description sur laquelle se sont appuyÈs recherches, rÍves et dÈsirs et partir de laquelle se sont construits toute une littÈrature et un vocabulaire plus ou moins fantaisistes ou au contraire trËs sÈrieux. Le mythe ne doit pas Ítre nÈgligÈ. Il permet aux sociÈtÈs humaines de se construire, d'Èlaborer le mode symbolique d'Èchanges, en bref de construire le monde dans lequel elles vivent et de se doter des moyens de le comprendre.
1 - L'espace du cyberespace [RSS]
Le cyberespace est un espace paradoxal car il est immatÈriel en tant qu'espace de l'úuvre mais il exige nÈanmoins deux lieux physiques : celui dans lequel se trouve le terminal d'accËs l'úuvre et celui du serveur sur lequel est stockÈe l'úuvre.
Non-espace ou a-espace, il peut Ítre dÈcrit comme un ensemble de points, d'univers autonomes (les "monads"102) entre lesquels l'information circule. L'ensemble de ces points est en constante expansion et en Èvolution tout comme chaque point lui-mÍme (similitude du cyberespace et de l'univers ?).
Chaque point est accessible simultanÈment par plusieurs personnes. Mais ces personnes ne "vont" pas "dans" le lieu spatial du stockage des informations. Ce sont les informations qui "s'Ètirent" jusqu' elles, jusqu' leur ordinateur qui constitue un autre point dans l'ensemble du rÈseau, dans l'ensemble du cyberespace.
Dans le cyberespace, ce ne sont pas les gens qui voyagent mais les informations. Pour reprendre l'expression de Nicholas Negroponte, on ne transporte plus des atomes mais des bits103. Le cyberespace tout entier est contenu potentiellement dans l'ordinateur sur lequel vous travaillez et sur lequel viennent s'afficher les informations que vous avez appelÈes. L'on passe ainsi subtilement d'un nomadisme des personnes un nomadisme de l'information et des savoirs, une sociÈtÈ info-nomade. A la notion d'espace se substitue celle du temps. Le cyberespace n'existe que dans l'actualisation de liens, un moment donnÈ, par une personne donnÈe. Il n'existe, en tant qu'espace, que dans l'espace physique et numÈrique de la personne concernÈe (donc de l'ensemble des personnes connectÈes un moment donnÈ). Le cyberespace est l o˜ je suis quand je suis connectÈ. Par ailleurs, le cyberespace, "objet" perpÈtuellement ÈphÈmËre104, est diffÈrent pour chaque personne car il se forme par les liens qu'elle tisse avec les savoirs qui la concernent, lesquels sont Ègalement en constante Èvolution intrinsËquement et au fur et mesure de la progression individuelle. Marcos Novak Ècrit ce sujet : The key metaphor for cyberspace is "being there", where both the "being" and the "there" are user-controlled variables105.
Si le cyberespace est un non-espace ou un a-espace, il n'est pas nÈcessaire que les lois de la physique s'y appliquent (notamment la gravitÈ). Sa conception (la visualisation et l'organisation des donnÈes, l'organisation des accËs, etc.) peut donc Ítre totalement diffÈrente d'une architecture physique. Cependant le cyberespace, en tant qu'espace culturel, doit respecter un certain nombre de codes, un certain sens commun, afin de ne pas crÈer une dÈsorientation plus grande. Un des dÈbats en cours est la construction et l'architecture du cyberespace et, en fait, selon quelles mÈthodes et quels principes on Èlabore une architecture de l'information. Pour Marcos Novak, there are no hallways in cyberspace, only chambers, small or vast. Chambers are represented as nodes within my navigator. Chambers allow different users to share the same background, as well as encounter and interact with the same objects106. Actuellement, c'est un des problËmes du cyberespace, s'il y a un "territoire", les "cartes" font encore dÈfaut. Dans l'espace physique, la dÈlimitation d'une exposition est immÈdiatement perceptible, dans le cyberespace, l'utilisateur n'a que peu d'indications sur la dimension d'un site ou d'une úuvre. Certains en jouent pour "perdre" volontairement le public dans le labyrinthe du rÈseau ou de l'úuvre, d'autres commencent apporter des solutions graphiques (Ècran fragmentÈ qui permet de conserver le sommaire toujours prÈsent, multifenÍtrage automatique par exemple) ou indicatives (taille des images). Pour l'heure, si "l'horizon n'est rien de plus que la limite de notre vision", il n'y a pas d'horizon dans le cyberespace.
Par ailleurs, le cyberespace est un espace social qui reprend une partie des codes en vigueur dans les sociÈtÈs de l'espace physique mais qui crÈe Ègalement ses propres codes sociaux. Un second dÈbat porte donc sur l'identification et l'analyse de ces codes (notamment toute la question de l'identitÈ).
2 - La crÈation dans l'espace du cyberespace [RSS]
La crÈation dans l'espace du cyberespace prÈsente des caractÈristiques singuliËres. Nous en avons distinguÈ six.
* Les úuvres dans le cyberespace sont de fait des crÈations in situ qui dÈpendent de la nature mÍme de l'espace dans lequel elles existent.
* Dans l'espace du rÈseau, crÈer revient montrer et montrer, crÈer. Il n'y a plus de notion d'espace de monstration de l'úuvre comme ÈlÈment distinct de sa forme intrinsËque. La notion centrale devient celle de l'accËs l'úuvre.
* Certaines úuvres n'existent que sur le rÈseau, d'autres s'inscrivent Ègalement dans l'espace physique. Dans tous les cas, l'accËs l'úuvre dans le cyberespace proprement dit se fait par l'intermÈdiaire d'un Ècran et donc la forme de toute úuvre en ligne est Ètroitement associÈe celui-ci, quels que soient sa nature, son contenu, son concept et son esthÈtique. Ceci induit une relation la fois intimiste et distanciÈe l'úuvre (Ècran miroir/Ècran vitre).
* L'artiste perd une partie du contrÙle de la faÁon dont l'úuvre sera vue. Celle-ci n'est plus remise entre les mains du public strictement parler mais elle dÈpend de la nature de son Èquipement (logiciels de navigation, configuration de ces derniers, type d'Ècran, divers plugs-in, etc.). Certains artistes commencent concevoir des úuvres avec diffÈrentes versions selon le matÈriel dont peut disposer l'utilisateur.
* La visibilitÈ de l'úuvre, son "exposition" (au sens o˜ l'on s'expose au soleil) est d'emblÈe l'Èchelle mondiale, indÈpendamment de toute notion de culture et de nationalitÈ. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas de segmentation du public, comme pour tout autre type de lieu (voir infra : section V, les publics). Mais, tout comme l'utilisateur ne sait plus a priori la dimension et les limites de l'úuvre quand il arrive sur un site, l'artiste ne peut plus "voir" ou "connaÓtre" son audience de maniËre immÈdiate. En revanche, il peut communiquer directement avec elle, sans intermÈdiaire.
* La crÈation sur le rÈseau supprime en apparence la nÈcessitÈ des mÈdiateurs culturels. Pour nombre d'artistes qui se sentent contraints par, ou ont vÈcu des expÈriences difficiles avec, les conservateurs et les commissaires d'exposition, il s'agit d'une libÈration. Ils peuvent mettre leur úuvre disposition du public sans intermÈdiaire, sans bureaucratie et sans jouer le jeu de lÈgitimation des institutions culturelles. Ann Peterson Bishop Ècrit : All the artists interviewed were excited by the ability of the network to break down what was seen as an elitist control of art by organizations (ranging from museums to the National Endowment for the Arts to agent, commercial publishers and distributors)107.
Contourner les mÈdiateurs culturels ne signifie cependant pas qu'il n'y a plus de mÈdiateurs, ou que toutes les difficultÈs sont aplanies. Les artistes interviewÈs par Ann Bishop reconnaissent que the network itself is still open only to those with substantial technical skills and financial resources ; thus, access to art on the Internet is still severely limited to an elite group of artists and viewers108. Aujourd'hui si la crÈation peut se faire sur des Èquipements de moyen de gamme, il est encore nÈcessaire d'avoir un serveur et de savoir utiliser les outils. Les possesseurs de serveurs deviennent donc de facto les nouveaux mÈdiateurs et les informaticiens spÈcialisÈs peuvent jouer un rÙle essentiel (facilitateurs ou freins, selon les cas).
En outre, ce n'est pas parce qu'une úuvre est sur le rÈseau qu'elle est vue. Encore faut-il que les internautes soient informÈs. L'information peut se faire Ègalement en Èvitant les mÈdiateurs classiques, par le biais de courriers Èlectroniques directs et de listes de diffusion (mailing lists). Cependant, ces listes et courriers ne touchent que le public dÈj rÈpertoriÈ comme intÈressÈ, et non l'ensemble de la communautÈ connectÈe et l'on voit ainsi apparaÓtre un nouveau type de mÈdiateurs : les revues, magazines et lettres d'information Èlectroniques, les institutions en ligne, spÈcialisÈes ou non, qui vont pointer sur les sites des artistes et enfin les moteurs de recherches.
3 - Le cyberespace est un media [RSS]
D'une certaine faÁon, le cyberespace est un media sans support, un media o˜ il n'y a plus de distinction entre le support et le contenu de l'úuvre, l'úuvre elle-mÍme.
C'est aussi un media paradoxal. Sur Internet "voir c'est possÈder" mais les úuvres ne peuvent Ítre ni possÈdÈes ni conservÈes en tant que telles du fait de leur ÈvolutivitÈ ou des hyperliens qu'elles Ètablissent avec d'autres ÈlÈments du rÈseau.
En tant que media, le cyberespace conditionne Ègalement la construction et le contenu des úuvres. Les artistes interviewÈs par Ann Bishop recognized that they needed to gain much more experience with the medium before they could understand its "subtle potential". One artist commented that the worked she displayed at the @art Gallery was originally created for another medium. She felt that next time she'd have a better idea of what to do, such as using smaller images that would be quicker to download and easier to see on the screen and creating links more intrinsic to the nature and theme of the work. Another artist noted that "I haven't got the right form yet" or even the "right concepts" for breaking out of the mindset of physical spaces and objects in connection with art109.
Judy Malloy qui Ècrit de l'hyperfiction et qui a une habitude du rÈseau depuis de nombreuses annÈes indique qu'elle a insensiblement commencÈ faire des pages-Ècrans plus courtes, des liens plus attrayants, des phrases plus longues110.
L'accËs des artistes ce media, donc un serveur, reste une des questions clÈs. Aux Etats-Unis, les universitÈs sont les principaux relais. Partout, des organisations ouvrent leurs disques aux artistes : entreprises privÈes dans le domaine de l'informatique, lieux spÈcialisÈs en art Èlectronique, ainsi que des fournisseurs d'accËs (providers).
4 - Le cyberespace est un langage [RSS]
Comme tout langage, il doit faire l'objet d'un apprentissage tant de la part des artistes que de celle du public. Et comme pour tout langage, cet apprentissage est double : technique (la grammaire et le vocabulaire) et culturel (l'apprÈciation du "style"). Se servir des logiciels, tÈlÈcharger et faire fonctionner les ÈlÈments dont on a besoin constituent la grammaire et le vocabulaire de base la diffÈrence prËs qu'avec le rÈseau la technique Èvolue constamment et que l'apprentissage n'est jamais terminÈ. L'avantage est que les aspects "stylistiques" s'acquiËrent simultanÈment.
5 - ConsÈquences pour la monstration [RSS]
* Pour les artistes :
- L'aide la monstration Èquivaut une aide la crÈation et rÈciproquement.
- L'aide la crÈation doit aussi Ítre une aide la formation et un soutien technique.
* Pour le public :
Il n'y a plus de public mais des individus indÈpendants et chaque personne devient, de fait, commissaire de son exposition virtuelle personnelle selon ses go°ts et l'information dont elle dispose. Plus que d'exposition virtuelle, il faudrait parler de "collection virtuelle" symbolisÈe par les bookmarks dans le logiciel de navigation.
* Le nouveau rÙle des mÈdiateurs et des organisations :
- Les institutions et les mÈdiateurs culturels ne sont plus les seuls pouvoir intervenir, offrir une visibilitÈ et une validation.
- La multiplication de l'offre d'espace virtuel (autrement dit d'espace-disque sur des serveurs) pour les artistes est plus que souhaitable. Elle peut Ítre le fait de n'importe quel type d'institutions. Cette diversitÈ peut s'avÈrer stimulante mais c'est aussi une opportunitÈ, pour les institutions culturelles classiques, de jouer un rÙle actif dans l'art en train de se faire.
- Organiser une exposition dans le cyberespace n'a pas grand sens en tant que tel. En revanche, les institutions et les mÈdiateurs, quels qu'ils soient, peuvent avoir une fonction de mise en valeur, de mise en exergue d'úuvres. Il ne s'agit plus de concevoir une mise en espace (et donc d'ajouter un discours au contenu des úuvres comme c'est souvent le cas dans les expositions d'art) mais de sÈlectionner de l'information, comme un responsable de journal, ou plus encore de sÈlectionner des espaces, des micro-espaces sur le rÈseau. C'est ce que font un certain nombre de galeries en ligne, de centres spÈcialisÈs, de revues (comme Leonardo) mais aussi simplement d'individus. La rÈputation de ces mÈdiateurs a un effet de validation culturelle des úuvres.
- On peut imaginer, avec le dÈveloppement du paiement Èlectronique sÈcurisÈ et de la rÈmunÈration la consultation ou la quantitÈ d'informations tÈlÈchargÈes, que certaines institutions puissent jouer un rÙle d'agent pour les artistes en gÈrant leurs úuvres en ligne.
- Les institutions ont Ègalement un rÙle pÈdagogique jouer ainsi qu'un rÙle de dÈmocratisation dans l'accËs des publics au rÈseau.
- L'espace physique public (par opposition l'espace domestique) devient un abri pour les terminaux et les personnes et surtout un espace de socialisation, de rencontres.
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SECTION IV - MONSTRATION PRESENTE ET CONSERVATION [RS]
i - Monstration actuelle
1 - La monstration temporaire
2 - La monstration rÈcurrente
3 - La monstration permanente
4 - ProblËmes et perspectives
ii - La conservation
1 - ProblÈmatiques de la conservation
2 - Les problËmes de la conservation de l'art Èlectronique
3 - Vers de nouveaux modËles de conservation
4 - ConsÈquences
* * * * *
Dans la monstration de l'art Èlectronique, il est important d'opÈrer une distinction entre la prÈsentation actuelle, vivante, d'un art en train de se faire, s'inscrivant dans le prÈsent et la conservation, tournÈe vers le futur d'un passÈ. Monstration actuelle et conservation soulËvent des problËmes et opËrent sur des modes diffÈrents.
I - MONSTRATION PRESENTE [RS] [RSS]
Nous distinguons trois temporalitÈs : la monstration temporaire, la monstration rÈcurrente et la monstration permanente.
1 - La monstration temporaire [RSS]
Il est important de souligner qu'une partie des úuvres appartient de fait une monstration temporaire. Il s'agit des spectacles et performances, de certaines úuvres in situ et de laboratoires, d'úuvres spÈcifiquement conÁues pour une durÈe de vie dÈterminÈe (par exemple des úuvres de la communication).
Cependant notre propos ici porte plus sur la temporalitÈ des manifestations. On assiste la multiplication de manifestations ponctuelles qui ont l'avantage de faire connaÓtre un public de plus en plus large ces pratiques artistiques. Souvent sans lendemain dans leur zone gÈographique, elles ont l'inconvÈnient de faire apparaÓtre l'art Èlectronique comme un phÈnomËne Ètrange, spectaculaire, hors contexte, sans passÈ ni futur, dans un flot de "choses la mode". Que se passera-t-il Lyon aprËs la Biennale de 95 ?
Les manifestations temporaires sont nÈcessaires. Elles permettent de rÈagir l'actualitÈ de la crÈation ou de faire un point sur une thÈmatique du prÈsent ou du passÈ. Si elles ne sont que des "coups" sans suite, elles manquent un des buts essentiels de la monstration qui est une prÈsence de l'art Èlectronique plus rÈguliËre. Imaginerait-on une prÈsentation de l'art contemporain classique, ou de toute autre forme de crÈations uniquement par le biais d'ÈvÈnements ponctuels ou de festivals, sans programmation rÈguliËre dans divers lieux montrant la diversitÈ de la crÈation ?
2 - La monstration rÈcurrente [RSS]
Rendez-vous pÈriodiques ritualisÈs, le festival ou la manifestation rÈcurrente, s'adressant un public professionnel ou plus large, jouent un rÙle essentiel dans la monstration. Nous l'avons dÈj ÈvoquÈ.
3 - La monstration permanente [RSS]
L'art Èlectronique ne peut plus Ítre considÈrÈ comme un ÈpiphÈnomËne ou comme un simple terrain d'expÈrimentation. C'est un art maturitÈ, "naturel" une sociÈtÈ technologique comme la nÙtre. En 1990, la premiËre Èdition de l'IDEA/Guide International des Arts Electroniques apparaissait comme un objet de curiositÈ destinÈ des gens s'intÈressant des choses marginales. La quatriËme Èdition en cours fait apparaÓtre une normalisation de ces pratiques, tant par l'augmentation et la diversitÈ des acteurs que de celles des publics destinataires. Pour beaucoup, l'art Èlectronique est devenu une Èvidence.
Dans ce contexte, la monstration permanente de l'art Èlectronique est une nÈcessitÈ. Il est indispensable d'avoir une continuitÈ, une visibilitÈ "normale". Il est certain que des lieux spÈcialisÈs favorisent la pÈrennitÈ de la monstration mais d'autres formules peuvent s'appliquer.
4 - ProblËmes et perspectives [RSS]
La France ne dispose aujourd'hui d'aucun lieu de monstration permanente. Trois manifestations rÈcurrentes existent : Artifices, Voyages Virtuels et ASTARTI, aucune n'ayant l'ampleur d'un festival. Artifices et ASTARTI sont biennales. Ce laps de temps entre deux Èditions se justifie en terme de programmation pour des ÈvÈnements de ce type mais reste long quant l'exposition du public l'art Èlectronique.
Deux de ces manifestations (Voyages Virtuels et ASTARTI) se tiennent sur la durÈe trËs courte d'une semaine ce qui ne leur permet pas de "s'installer" et de lancer le bouche oreille.
Ces durÈes limitÈes sont souvent dues des contraintes budgÈtaires qu'entraÓne notamment la monstration d'úuvres utilisant du matÈriel haut de gamme ou nÈcessitant la prÈsence des artistes.
A l'initiative de commissaires indÈpendants ou de structures institutionnelles, les manifestations temporaires restent peu nombreuses et difficiles monter.
Les festivals Ètaient cruciaux une Èpoque o˜ l'art Èlectronique apparaissait comme marginal. Multiplier les festivals aujourd'hui n'est pas une solution. Dans chaque discipline artistique, il existe quelques grands rendez-vous mondiaux, annuels ou biennaux. C'est le cas pour l'art Èlectronique. En crÈer un en France n'est ni indispensable ni nÈcessaire par rapport au contexte global ou local franÁais. En revanche, une prÈsence plus rÈguliËre de l'art Èlectronique dans notre pays est largement souhaitable par le biais d'un lieu spÈcialisÈ, ou de dÈpartements l'intÈrieur de lieux existants et de soutien des manifestations temporaires.
II - LA CONSERVATION [RS] [RSS]
La conservation soulËve d'autres problÈmatiques que la monstration stricto sensu. L'une s'intÈresse une mise disposition au public dans le prÈsent, l'autre se tourne vers l'accessibilitÈ des úuvres du passÈ, vers leur prÈservation et vers leur transmission. L'une n'a de souci que de montrer les úuvres ici et maintenant, l'autre entend les inscrire dans une perspective historique.
La conservation de l'art Èlectronique est qu'elle se conjugue au futur antÈrieur sur un matÈriau et des matÈriels instables, ce qui ouvre une problËmatique particuliËre.
1 - ProblÈmatiques de la conservation [RSS]
Pourquoi vouloir tout prix conserver l'art Èlectronique ? Ne peut-on envisager un art temporel, qui meurt comme les humains (et en l'occurrence Ègalement les machines) qui l'ont portÈ ? Un art sans mÈmoire ?
La conservation relËve de deux schËmes profonds des Ítres humains et des sociÈtÈs qu'ils ont ÈlaborÈes : celui de l'immortalitÈ et celui de la mÈmoire collective. Les sociÈtÈs sÈdentaires les inscrivent prioritairement dans ce qu'elles estiment des ÈlÈments durables : monuments, btiments. Pour les objets plus fragiles, elles ont construit des temples ad hoc, que l'on nomme les musÈes ou encore les archives. Elles prÈservent, comme autant de fÈtiches, les traces physiques, matÈrielles de leur histoire.
Il existe d'autres types de transmission de la mÈmoire collective et du dÈfi la mortalitÈ, dÈj immatÈriels, qui ne reposent sur aucun objet pÈrenne. Ce sont les mythes, vÈhiculÈs par une transmission orale et rituelle, inscrits dans la nature. Les chemins des aborigËnes sont des manuscrits prÈcieux, les dessins de sable des indiens d'AmÈrique du Nord, une re-crÈation perpÈtuelle de l'úuvre, immÈdiatement dÈtruite.
La conservation s'inscrit par ailleurs dans une perspective historiciste et permet l'Èdification d'une histoire de l'art. Elle repose sur un jeu de rÈfÈrences qui sont questionnÈes par l'art Èlectronique.
Avec le numÈrique et la possibilitÈ de stocker de plus grandes quantitÈs d'information de maniËre plus durable, avec le Web et ses possibilitÈs infinies d'indexations croisÈes, le mythe d'une conservation totale s'est trouvÈ renforcÈ, l'immortalitÈ individuelle et de la mÈmoire collective deviennent apparemment un but atteignable111.
C'est oublier que la conservation, comme l'archivage, est d'abord un prÈlËvement et donc une sÈlection, le rejet d'un certain nombre d'objets ou de documents. Il faut Ègalement rappeler que cette sÈlection s'opËre le plus souvent au dÈtriment de la culture populaire. The popular culture is not kept by the librairies. Mc Luhan call this "the library law" : what is most widely circulated is often the most neglected by curators and librarians who tend to dislike the "lower class culture" of their own lifetimes112. Cette tendance devient un aspect particuliËrement sensible avec l'art Èlectronique pour lequel culture savante et culture populaire sont plus permÈables (voir infra, section V : les publics, culture populaire et culture d'Èlite).
Conserver, c'est aussi laisser le temps d'une certaine dÈcantation afin de pouvoir opÈrer un tri hors des turbulences du prÈsent.
Soulignons Ègalement que l'on conserve ce qui est le plus facilement conservable.
On constate dÈj des pertes, et des risques encore plus importants de perte, des úuvres et des documents d'accompagnement des pionniers de l'art Èlectronique.
Conserver n'est pas une fin en soi. Tout conserver est impossible et revient ne rien prÈserver. La conservation de l'art Èlectronique doit s'appuyer sur les rÈponses des questions prÈalables : que garder ? comment prÈlever ? qui choisit ? avant mÍme que de penser aux solutions techniques mettre en úuvre.
2 - Les problËmes de conservation de l'art Èlectronique [RSS]
Comment conserver l'ÈphÈmËre, le technique, l'information, le temps ? L'art Èlectronique prÈsente des problËmes inÈdits dans la prÈservation du passÈ.
Les úuvres-objets inanimÈes ne soulËvent pratiquement aucun problËme nouveau de conservation. Pour les autres types d'úuvres, on note quatre ÈlÈments principaux :
* le problËme de la panne : on le retrouve Ègalement pour une partie de l'art contemporain classique comme l'art cybernÈtique ou les arts "mÈcaniques". On n'y a pas encore apportÈ de solutions satisfaisantes.
* le problËme de la durÈe de vie du support des úuvres : la vidÈo en est un excellent exemple. Dans ce cas la solution technique est simple : il suffit d'effectuer un transfert des úuvres sur des supports moins fragiles que la bande vidÈo (optiques, numÈriques). Compte-tenu des co°ts, ceci ne peut Ítre fait que par des institutions et rarement par les artistes eux-mÍmes. La question des choix, de la sÈlection, de la politique culturelle d'un pays ou d'une institution prend ici toute sa dimension puisqu'il s'agit aussi et avant tout de dÈcisions budgÈtaires.
* le problËme de l'obsolescence des matÈriels (hardware) et des logiciels : c'est une des questions les plus importantes qui se pose Ègalement pour la monstration vivante dans la mesure o˜ le matÈriel peut changer de maniËre radicale en deux ou trois ans. Comme il apparaÓt impossible de garder pendant de trËs nombreuses annÈes les Èquipements d'origine, ce jour, la seule solution envisageable est la "mise jour" des úuvres en fonction des matÈriels et des logiciels. Cette possibilitÈ dÈcoule directement de la nouvelle nature des úuvres (voir supra, section II). Elle soulËve son tour d'autres problËmes :
- certaines úuvres ont une esthÈtique sur un type de machine et de logiciel qui peut changer si on effectue une mise jour (meilleure dÈfinition par exemple, mais l'artiste peut avoir choisi de jouer avec la contrainte d'une dÈfinition pauvre. L'úuvre est-elle toujours la mÍme ?).
- il est indispensable que l'artiste accepte la mise jour et donne les codes sources de son travail, c'est--dire "l'essence" mÍme de l'úuvre, ce qui la rend modifiable, donc travestissable.
- tant que l'artiste est vivant, il peut contrÙler le rÈsultat de la mise jour. Ensuite, cela suppose que ceux qui l'effectuent conservent l'esprit de l'úuvre, ce qui reste une lourde interrogation quand tous les contemporains ont disparu. On retrouve ici la question br°lante de la restauration des úuvres.
- la mise jour des úuvres suppose Ègalement que l'institution qui les conserve dispose d'informaticiens compÈtents, puisse suivre les Èvolutions des matÈriels, d'un point de vue technique et budgÈtaire et enfin que les fabricants ne disparaissent pas ou ne changent pas d'options de maniËre radicale.
En l'Ètat actuel des choses, il semble que la conservation de certaines úuvres d'art Èlectronique " l'identique", ou proche, de la version d'origine, ne puisse s'envisager qu' moyen terme. Par ailleurs, elle ne peut se faire que dans des institutions spÈcialisÈes (c'est une des orientations du ZKM) moins que les musÈes classiques ne prennent des orientations totalement nouvelles.
* Aucune conservation de l'úuvre possible : les úuvres relevant de l'art vivant, in situ ou de laboratoires ou encore sur Internet, sont par nature inconservables soit parce qu'elles s'inscrivent dans l'ÈphÈmËre, soit parce qu'elles sont Èvolutives. Douglas MacLeod, responsable du programme Art and Virtual Environments qui s'est dÈroulÈ au Banff Center for the Arts au Canada entre 1991 et 1994 Ècrit : Many of these works113 will never be shown again. Some are simply too complex to remount. In other cases, the team of artists and programmers that produced the piece has dispersed, taking with them detailed knowledge of the assembly and installation of a particular work114.
Un couple d'artistes, Beusch et Cassani, travers leur crÈation SOS Radio TNC115 sur Internet, est au coeur de la problÈmatique de la conservation et de la mÈmoire. En outre, il rÈactualise la peur de la destruction totale (y compris sur le Web) qui Ètait vÈhiculÈe, jusqu' prÈsent, par l'incendie de la bibliothËque d'Alexandrie. Beusch et Cassani ont dÈveloppÈ la fiction suivante : Radio TNC Ètait une radio prospËre sur le Web mais le 4 fÈvrier 1996, approximativement 4 heures de l'aprËs-midi, pour la premiËre fois dans l'histoire connue de l'humanitÈ, un site Web et son webmaster furent catapultÈs dans l'au-del virtuel116 par un mÈmorable et total web crash. Depuis, une chaÓne de solidaritÈ s'est instaurÈe, SOS Radio TNC, pour retrouver les traces des documents contenus dans le site Web ainsi que le webmaster disparu. L'úuvre sur Internet de Beusch et Cassani est donc cette recollection, cette reconstitution d'un ancien site (qui n'a jamais existÈ), en fait, la construction d'un site en Èvolution constante, qui constitue l'úuvre.
Avec l'art Èlectronique, il faudra sans doute s'habituer une conservation non de l'úuvre " l'identique" mais de traces documentaires ou de fragments "archÈologiques" de l'úuvre. Cette caractÈristique renvoie des modËles non plus de l'art ou de l'art contemporain mais plutÙt l'archÈologie (quand ce n'est pas la palÈontologie) ou au processus archivistique.
3 - Vers de nouveaux modËles de conservation [RSS]
Le musÈe d'art qui accueille des objets uniques n'est certainement plus le modËle de la conservation de l'art Èlectronique, mÍme s'il peut encore remplir marginalement cette fonction ou ouvrir ses espaces physiques d'autres formes de conservation.
Le musÈe archÈologique, en revanche, apparaÓt comme un modËle plus pertinent : il mÍle culture savante et objets du quotidien ; il conserve des "morceaux brisÈs" (Èquivalent d'úuvres qui ne "fonctionnent" plus comme elles le devraient) qu'il sait "faire parler" ; il travaille sur la rÈpÈtition et l'accumulation d'objets identiques dans divers Ètats qui permettent une reconstitution mentale de l'Ètat ou des Ètats originels.
Cette archÈologie est dÈj nÈcessaire dans l'art Èlectronique. En effet, nombre d'úuvres des pionniers ne fonctionnent plus ou mal, nÈcessitent une remise en Ètat, quand elles ne commencent pas disparaÓtre purement et simplement.
Par ailleurs, il s'avËre que beaucoup des instruments et des Èquipements commercialisÈs par l'industrie trouvent leur origine dans des machines prototypales et expÈrimentales inventÈes par les artistes. Christine Schpf souligne : qu'Il faut des musÈes o˜ on peut lire les Èvolutions, les changements de direction du dÈbut jusqu' aujourd'hui parce que l'on comprend mieux le monde intellectuel, de la crÈation si on le remet en perspective historique. Dans ces musÈes, il pourrait y avoir des archives. Il faudrait faire une sorte d'archÈologie de cette histoire. Il ne faut pas seulement des piËces des artistes mais il faut comprendre qu'au dÈbut ce sont les artistes qui ont inventÈ des machines qui ensuite Ètaient mises au point et vendues par l'industrie117.
A cet Ègard, l'exposition Pionners of Electronic Art, organisÈe par les Vasulka lors d'Ars Electronica 1992 Ètait en tout point remarquable. Elle rÈunissait les úuvres/instruments des pionniers de l'image et du son Èlectroniques comme les synthÈtiseurs de Don Buchla (1964), le synthÈtiseur de Robert Moog, "l'ondulateur vidÈo" de Stephen Beck (1974), le synthÈtiseur de Paik et Abe (1970), etc. Elle proposait Ègalement une documentation sur les artistes et les machines prÈsentÈes ainsi que sur celles qui n'avaient pu Ítre retrouvÈes ou remises en marche. Dans le catalogue qui accompagnait l'exposition, les Vasulka regrettaient de n'avoir pu restaurer certaines piËces (opÈration trop co°teuse ou difficile) ou de les retrouver toutes et d'avoir manquÈ de temps pour prÈsenter les liens historiques avec le Bauhaus, les artistes cinÈtiques tchËques, etc.
L'exposition a ÈtÈ dÈmantelÈe aprËs le festival et, notre connaissance, les piËces sont revenues chez leurs propriÈtaires sans perspective de conservation particuliËre ni mÍme de monstration dans le cadre d'une exposition itinÈrante dans le monde. Seule reste la documentation rÈunie pour l'occasion.
Deux autres modËles de conservation de l'art Èlectronique s'avËrent intÈressants : celui de la mÈdiathËque et celui des archives.
Un certain nombre d'úuvres n'ont pas besoin de "grands" espaces pour Ítre conservÈes (les úuvres sur Ècran dont les CD-ROM par exemple). En revanche, on doit pouvoir y accËder facilement. Les bibliothËques, les centres de documentation et les mÈdiathËques ont prÈcisÈment cette fonction et cette compÈtence. La conservation de ces úuvres peut donc Ítre faite dans n'importe quel lieu disposant d'un personnel qualifiÈ (non en art mais en documentation) : centre spÈcialisÈ en art Èlectronique, musÈe d'art contemporain, mÈdiathËque de quartier, bibliothËque classique, etc.
4 - ConsÈquences [RSS]
Face des úuvres non ou peu conservables "en l'Ètat", l'environnement de l'úuvre devient encore plus important : textes et documents prÈparatoires, traces documentaires de l'úuvre, appareil critique produit autour de l'úuvre, documents sur l'artiste, etc. En bref, il s'agit d'effectuer tout un travail d'archivage.
Il serait tout fait intÈressant de monter des collaborations et des Èchanges avec des bibliothÈcaires et des archivistes pour bÈnÈficier de leur expÈrience sur leurs mÈthodes de travail, et notamment sur les processus de numÈrisation des documents et des catalogues qu'ils ont ÈtÈ les premiers mettre en úuvre.
Des espaces physiques sont nÈcessaires pour la conservation mais il n'est pas obligatoire de crÈer partout des centres dÈdiÈs sur le modËle des musÈes. A l'heure actuelle, seul le ZKM a pris cette direction. Les objets qui demandent des espaces plus grands peuvent Ítre conservÈs dans diffÈrents types de lieux. Si l'option de la mise jour des úuvres est retenue, elle peut se faire dans des lieux ad hoc disposant des matÈriels et des compÈtences comparables ceux des ateliers de restauration.
Tout ce qui relËve de l'archive peut Ítre mis en ligne et devenir accessible par toutes les "portes d'entrÈe" au rÈseau quel que soit l'endroit o˜ se situe le terminal. A cet Ègard on peut suivre le modËle de l'Ars Electronica Center qui rend disponible sur Internet les archives du festival mais aussi celui de la revue Leonardo qui commence proposer "l'environnement" des úuvres, les traces contextuelles issues de prËs de 30 ans de prÈsence dans le domaine.
MÍme si, avec l'art Èlectronique, la conservation ne prend pas les mÍmes formes qu'avec l'art traditionnel, il est nÈcessaire de maintenir une mÈmoire vivante du passÈ et de commencer maintenant. Whitney, Cage, Emschwiller, Cuba, pour ne citer qu'eux, sont morts.
En revanche, il est indispensable d'Èviter l'Ècueil de la "momification" du prÈsent, de transformer immÈdiatement en traces et en archives la crÈation vivante, actuelle.
[RS] [RSS]
SECTION V - PUBLICS [RS]
i - Exemples
A - Voyages Virtuels
1 - La manifestation
2 - Les conditions de l'Ètude
3 - Analyse des rÈsultats
4 - Conclusion
B - Espaces Interactifs - Europe
1 - La manifestation
2 - Les conditions de l'Ètude
3 - Analyse des rÈsultats
4 - Conclusion
ii - Quel(s) public(s) ?
A - Les diffÈrents types de publics
B - Comportements et attitudes
iii - Acculturation/formation
A - Culture populaire et culture savante
B - De nouvelles compÈtences : savoir "lire et Ècrire"
iv - Mondialisation du public
v - Consequences pour la monstration
* * * * *
Il est important de savoir de quoi l'on parle (les úuvres), o˜ l'on s'exprime et qui parle (les lieux de la monstration) mais aussi qui on s'adresse pour analyser toute monstration. L'Ètude des publics est donc indispensable.
I - EXEMPLES [RS] [RSS]
Nous avons pu proposer un questionnaire identique destinÈ au public dans deux manifestations parisiennes : Voyages Virtuels et Espaces Interactifs - Europe. Ces deux exemples, nont pas un rÈelle reprÈsentativitÈ, mais ils fournissent des indications intÈressantes sur le public franÁais et plus spÈcifiquement parisien.
A - VOYAGES VIRTUELS [RSS]
1 - La manifestation [RSS]
Voyages Virtuels est une manifestation organisÈe par les Virtualistes (Christine TrÈguier et Pascal Schmitt). Elle est entiËrement sponsorisÈe par les Trois Suisses. Elle se dÈroule sur 4 jours avec un jour et demi pour les professionnels.
Voyages Virtuels porte sur l'exploration et la prÈsentation un grand public des diffÈrentes applications de la rÈalitÈ virtuelle : artistiques mais aussi mÈdicales, architecturales, ludiques, etc.
2 - Les conditions de l'Ètude [RSS]
Notre Ètude a portÈ sur la seconde Èdition de Voyages Virtuels qui s'est dÈroulÈe en octobre 1995 au Monde de l'Art Paris. Nous avons proposÈ le questionnaire uniquement lors des journÈes grand public, ce qui explique certains de nos rÈsultats, notamment la faible reprÈsentation du public professionnel.
Le public a identifiÈ le questionnaire comme Ètant Èmis par les organisateurs de la manifestation.
3 - Analyse des rÈsultats [RSS]
Ces chiffres sont prendre avec prÈcaution dans la mesure o˜ :
- nous n'avons eu que 120 rÈponses et nous ne savons pas si ces 120 personnes constituent un Èchantillon reprÈsentatif du public de Voyages Virtuels
- le questionnaire n'a ÈtÈ remis qu'au grand public (ce qui Ètait notre objectif)
- Voyages Virtuels n'est pas une manifestation uniquement artistique
Cependant, ces rÈsultats donnent quelques indications prÈcieuses.
Age : Il s'agit essentiellement d'un public jeune ce qui s'explique aisÈment par la nature et le positionnement de l'exposition et par le fait que l'information a ÈtÈ faite principalement par l'intermÈdiaire du magazine NOVA. Les autres sources d'information ont eu un impact beaucoup plus faible comme en tÈmoignent les rÈponses. Seulement 18% des personnes ayant rÈpondu sont venues suite une information tÈlÈvisÈe alors que Canal Plus a fait un sujet sur l'exposition dans Nulle Part Ailleurs. La presse Ècrite reprÈsente a contrario 46% des sources d'information et nous savons qu'il s'agit essentiellement de NOVA Magazine.
Sexe : Plus de femmes que d'hommes, ce qui est plutÙt Ètonnant pour une exposition connotation technologique.
Profession : Deux constats :
- une majoritÈ dÈtudiants due l'importance du mÈdia d'information principal qui cible une population jeune et urbaine et du partenaire qui inscrit cette exposition dans un circuit d'organisation non culturel. Par ailleurs celui-ci diffuse une information diffÈrente de celle des institutions culturelles classiques.
- les professionnels de l'informatique, de la culture et les universitaires sont trËs peu reprÈsentÈs. Ceci s'explique aussi aisÈment : les professionnels sont venus massivement lors des journÈes qui leur ont ÈtÈ consacrÈes et lors desquelles nous n'avions pas mis de questionnaire.
Provenance du public : L'essentiel des 120 personnes ayant vu l'exposition vient de Paris et de la RÈgion Parisienne, ce qui correspond au positionnement de la manifestation en tant qu'exposition de proximitÈ, locale.
Autres expositions similaires vues par le public : Les rÈponses cette question fournissent un enseignement intÈressant pour la monstration de l'art Èlectronique. On constate en effet que seulement 18% dÈclarent avoir vu une autre exposition similaire et, dans celles mentionnÈes, on remarque qu'un trËs faible pourcentage concerne des expositions artistiques.
Linformation "artistique" ne passe pas, na pas touchÈ ce public : un an auparavant se tenait Artifices Saint-Denis qui n'a ÈtÈ vu que par une ou deux personnes ayant rÈpondu notre questionnaire. On aurait pu s'attendre un taux de rÈponse beaucoup plus important citant cette manifestation ou La Revue Virtuelle organisÈe par le Centre Pompidou. La conclusion est donc claire : malgrÈ un engouement des mÈdias pour tout ce qui touche aux technologies, nous sommes en face d'un public jeune qui n'a pas vu dexposition dart Èlectronique, qui est donc assez "vierge" et naÔf dans ce domaine. On peut supposer quil nÈtait pas venu pour voir des úuvres mais plutÙt pour dÈcouvrir une technologie.
Ces ÈlÈments nous laissent penser que le public de l'art Èlectronique est un public de professionnels ou semi-professionnels avertis, et que le grand public (y compris les jeunes) reste former et conquÈrir.
Cela signifie que des efforts particuliers doivent Ítre faits au moins dans deux directions :
- la lisibilitÈ des expositions et leur accompagnement explicatif ;
- la formation des mÈdiateurs entre les organisateurs des expositions et les artistes d'une part et le grand public d'autre part, notamment celle des professeurs et Èducateurs et des journalistes.
Les installations les plus aimÈes et les moins aimÈes
- le supermarchÈ virtuel arrive largement en tÍte
- les piËces valeur artistique ont des scores trËs faibles, hormis T-Vision d'Art + Com (Orbitez la Terre). En effet elles recueillent les plus faibles pourcentages d'installations les plus aimÈes et les plus forts pourcentages d'installations les moins aimÈes.
L'analyse de ces rÈsultats nous semble la suivante : d'une part les installations artistiques n'Ètaient pas des plus remarquables (hormis T-Vision), ou alors mal exposÈes (exemple : Frontiers of Utopia de Jill Scott qui recueille le plus de rÈponses "d'installation la moins aimÈe") ou enfin trop difficiles comprendre ou explorer pour un public non averti (exemple : le travail de Jenny Holzer, trËs conceptuel et difficile d'accËs pratique ; l'installation d'Ulrike Gabriel, Ègalement trËs conceptuelle bien que plus spectaculaire).
D'autre part, on constate que le public apprÈcie les installations ludiques (d'o˜ le succËs des jeux) et surtout celles qu'il peut relier quelque chose de familier, quelque chose de sa vie quotidienne (d'o˜ le score du supermarchÈ ou de T-Vision qui s'inscrit dans une image de la Terre proche de celle de la mÈtÈo la tÈlÈvision). Le public rÈpond donc favorablement aux installations qui relient le virtuel au quotidien, qui l'inscrivent dans un continuum familier et aisÈment comprÈhensible tant conceptuellement que comportementalement. Ce qui est rarement le cas des úuvres artistiques.
Equipement : Les rÈponses sur l'Èquipement ont Ègalement rÈservÈ quelques surprises. Sous rÈserve qu'elles aient ÈtÈ sincËres et non une maniËre de se "faire valoir", nous constatons :
- la tÈlÈvision et la chaÓne Hi Fi arrivent largement en tÍte de l'Èquipement, (mÍme si tout le monde n'a pas la tÈlÈvision), confirmant en cela le fait que nous ayons faire un public jeune pour lequel la musique occupe une place essentielle. A souligner Ègalement que la tÈlÈvision est largement accompagnÈe d'un magnÈtoscope, on est donc face un nouveau type de consommation tÈlÈvisuelle, ce qui corrobore les Ètudes gÈnÈrales. En revanche les camÈscopes n'ont pas pÈnÈtrÈ ce public jeune.
- un taux ÈlevÈ d'Èquipement informatique : 67% ont des ordinateurs et 31% des lecteurs de CD-ROM (le deuxiËme Ètant de plus en plus inclus dans le premier). Il est clair que nous avons faire la "gÈnÈration de l'informatique". Mais si celle-ci a franchi le pas de l'Èquipement, elle n'a pas ÈtÈ jusqu'au bout de ses applications ou de ses implications en matiËre artistique.
Au final, le taux d'Èquipement est plus ÈlevÈ que nous le pensions. Le "blocage" l'accËs l'art Èlectronique semble donc moins dans des problËmes d'Èquipements que dans une formation et une information.
4 - Conclusion [RSS]
Tout en conservant prÈsent l'esprit que l'Ètude du public de Voyages Virtuels telle que nous avons pu la faire n'est pas reprÈsentative de l'ensemble du public de l'art Èlectronique, nous pouvons cependant en tirer trois enseignements pour la monstration de l'art Èlectronique.
Constats
- un public largement ignorant qui n'a que peu ÈtÈ exposÈ l'art Èlectronique ;
- d'o˜ un public un peu "perdu" quand des installations de diffÈrentes natures lui sont proposÈes sans trop d'explications et qui apprÈcie donc plus facilement ce qu'il connaÓt dÈj ;
- des relais dinformation dÈficients sur ce type dÈvÈnement ;
- un public relativement bien ÈquipÈ.
Enseignements pour la monstration
- NÈcessitÈ d'un effort sur la lisibilitÈ des expositions, donc d'un concept fort et d'une mise en espace adÈquate ;
- NÈcessitÈ d'un effort sur l'accompagnement informatif et explicatif sans Ítre par trop didactique ;
- NÈcessitÈ d'un soin tout particulier apporter l'information des publics pour les faire venir dans les expositions ;
- NÈcessitÈ d'un travail de formation et d'information des mÈdiateurs qui vont servir de relais auprËs des publics.
B - ESPACES INTERACTIFS - EUROPE [RSS]
1 - La manifestation [RSS]
OrganisÈe par ART-EL, Espaces Interactifs - Europe a ÈtÈ une manifestation ponctuelle. Elle s'est dÈroulÈe pendant 5 semaines au Pavillon de Bercy, nouveau lieu d'exposition dart contemporain de la Ville de Paris.
Elle prÈsentait des úuvres d'artistes europÈens sur CD-ROM, disquettes et Internet. Ses buts Ètaient de :
- montrer qu'il existe une vÈritable crÈation au-del de l'engouement mÈdiatique pour ces techniques ;
- prÈsenter la crÈation et la culture europÈennes en la matiËre ;
- proposer les conditions d'une consultation, et donc d'une information, dans un espace public, d'úuvres destinÈes plutÙt une consommation dans l'espace domestique ;
- s'adresser un public le plus large possible.
2 - Les conditions de l'Ètude [RSS]
En dehors du vernissage, 2180 personnes recensÈes ont vu la manifestation. Le questionnaire Ètait systÈmatiquement remis tout visiteur ; 163 l'ont rempli, soit 7,5% du public.
Ici aussi, le taux de retour est trop faible pour Ítre reprÈsentatif. En revanche, comme deux des auteurs de ce rapport Ètaient les organisateurs de la manifestation, nous disposons de leurs observations sur place ainsi que de celles du personnel d'accueil et d'accompagnement. De surcroÓt, un nombre important de visiteurs ayant rÈpondu au questionnaire a ajoutÈ des commentaires personnels spontanÈs.
3 - Analyse des rÈsultats [RSS]
Comme pour Voyages Virtuels, cette analyse donne plutÙt des indications et des tendances que des rÈsultats statistiques prÈcis.
Age : Il s'agit essentiellement "d'adultes en activitÈ" (tranche d'ge 26 45 ans). Ce taux exceptionnel peut s'expliquer par deux ÈlÈments. L'information s'est faite par l'intermÈdiaire de la presse Ècrite (Le Monde notamment). De nombreux enfants et jeunes sont venus voir la manifestation, certains revenant rÈguliËrement (enfants du voisinage) mais aucun n'a rempli le questionnaire. Apparemment seule la tranche d'ge qui est "habituÈe Ècrire" a rÈpondu.
On constate une forte proportion de personnes dans les tranches d'ge plus ÈlevÈes. Ceci peut s'expliquer par le contexte de la manifestation : public du Parc de Bercy, personnes la retraite "suivant" les activitÈs de la Ville de Paris (et notamment lisant le magazine de la Ville).
Sexe : Les hommes sont lÈgËrement plus nombreux que les femmes (55% contre 45%). C'est un rÈsultat classique dËs qu'il s'agit de technologie.
Profession : Il s'agit majoritairement d'un public appartenant des catÈgories socio-professionnelles moyennes ou supÈrieures, au niveau culturel plutÙt ÈlevÈ. Beaucoup viennent des milieux de la culture, de l'enseignement et de l'informatique avec souvent une double appartenance. On constate une proportion apprÈciable (12%) de personnes du milieu de l'entreprise. En revanche le public Ètudiant est relativement faible, seulement 15%.
La reprÈsentation socio-professionnelle peut s'expliquer par les sources d'information, essentiellement la presse Ècrite "savante". Pour ce qui concerne les Ètudiants plusieurs facteurs entrent en jeu : les mÈdias "jeunes" (journaux, radio, tÈlÈvision) n'ont pas relayÈ l'information, il s'agissait d'une mauvaise pÈriode pour les Ècoles d'art et les universitÈs (mai/juin), les enseignants n'ont pas amenÈs leur classes, l'information leur endroit nayant pu Ítre correctement faite.
Provenance du public : Le public est trËs majoritairement parisien. Un faible nombre vient de la rÈgion parisienne. Une proportion intÈressante (13%) est venue de l'Ètranger et 15% des personnes n'habitant pas Paris ont fait le dÈplacement exprËs (vraisemblablement des professionnels dans ces deux derniers cas).
Source d'information : La presse Ècrite arrive largement en tÍte, ce qui est normal compte-tenu de la nature de la campagne de presse mise en úuvre par les organisateurs, et des rÈsultats obtenus auprËs des diffÈrents journaux. Elle est suivie par les "amis ou parents".
Deux enseignements : Les mÈdias portant linformation ont une influence considÈrable sur la composition du public accueilli. Le bouche oreille est un relais indispensable pour ce genre d'ÈvÈnement, ce qui suppose une durÈe minimum des manifestations pour lui laisser le temps d'Ítre effectif.
Autres expositions similaires vues par le public : La moitiÈ du public ayant rÈpondu a vu des expositions similaires, ce qui est nettement plus que pour Voyages Virtuels. Ces rÈsultats sont cependant logiques. En effet ce public Ètait plus gÈ, plus cultivÈ et avec une plus forte proportion de professionnels de la culture comme en tÈmoignent les rÈponses mentionnant des manifestations l'Ètranger telles ISEA, le ZKM ou Ars Electronica. Par ailleurs, c'est le reflet du plus grand nombre de manifestations organisÈes sur ces sujets et de l'impact de la Biennale de Lyon, d'Artifices et de la Revue Virtuelle, les plus frÈquemment citÈes.
Il reste que pour la moitiÈ du public ayant rÈpondu il s'agissait d'une premiËre rencontre avec ce type de pratiques artistiques, ce qui confirme l'absence de connaissance y compris auprËs d'un public cultivÈ et la nÈcessitÈ d'une activitÈ de monstration plus importante dans ces domaines, assortie d'une formation et d'une information.
IntÈrÍt portÈ la manifestation : Plus des deux-tiers des personnes ayant rÈpondu dÈclarent trouver la manifestation intÈressante ou trËs intÈressante et seulement 2% sans intÈrÍt. D'une maniËre gÈnÈrale, elle a ÈtÈ trËs bien accueillie, elle a suscitÈ la curiositÈ et proposÈ une dÈcouverte.
Les úuvres les plus et les moins aimÈes : Les personnes mentionnent plus volontiers les úuvres apprÈciÈes et seulement 88 (soit la moitiÈ de l'Èchantillon) indiquent une úuvre "qu'ils n'aiment pas". On constate trËs peu de rejets. Ils correspondent aux úuvres de poÈsie et Sphren der Kunst de Richard Kriesche. Dans le premier cas, cela confirme la difficultÈ de prÈsenter de la poÈsie dans des espaces publics sauf s'il s'agit de manifestations consacrÈes au domaine. Pour le second, l'allemand et la nature trËs conceptuelle de l'úuvre ont ÈtÈ un handicap.
Parmi les úuvres prÈfÈrÈes, Rehearsal of Memory de Graham Harwood arrive largement en tÍte. Les úuvres "fortes", sur le plan du contenu et/ou de la forme, sont les plus apprÈciÈes comme celles dont la forme plastique est plus familiËre (cas vraisemblablement de Pixelismus). Le score relativement faible recueilli par Die Veteranen peut s'expliquer par deux raisons : d'une part, les enfants et adolescents qui ont manifestÈ un intÈrÍt trËs vif pour cette úuvre, n'ont pas rÈpondu au questionnaire, d'autre part, elle s'inscrit dans une forme plus dÈroutante pour une partie du public. D'apparence simplement ludique, il faut une certaine connaissance de l'art Èlectronique et de l'art interactif pour en apprÈcier la richesse et la complexitÈ.
Equipement : La tÈlÈvision et ses Èquipements associÈs (magnÈtoscopes) est loin d'Ítre prÈsente dans tous les foyers. Le pourcentage est encore plus bas que dans le cas du public de Voyages Virtuels. Seulement 14% (contre 25% Voyages Virtuels) du public d'Espaces Interactifs - Europe dispose du cble.
On constate un bon taux d'Èquipement son et informatique (y compris en lecteurs de CD-ROM et accËs Internet).
4 - Conclusion [RSS]
- Le public, quel qu'il soit, est encore peu familier de l'art Èlectronique. Une visiteuse indiquait tout me surprend, je ne sais pas encore ce que je prÈfËre.
- Le public rÈpond de maniËre positive et apprÈcie des úuvres assez difficiles. Cette remarque vaut Ègalement pour le public jeune. Nous avons constatÈ que, mÍme aprËs l'exploration extensive de Die Veteranen, ce public s'intÈressait encore, avec le mÍme sÈrieux, aux autres úuvres.
- Des manifestations d'une durÈe assez longue (minimum 5 semaines) sont plus efficaces car elles permettent au bouche oreille de fonctionner et au public de revenir.
- Le rÙle de la mÈdiatisation (et donc des campagnes de presse et de la sensibilisation des mÈdiateurs) est essentiel et doit Ítre faite avec beaucoup de soins.
- Comme nous l'avons vu par ailleurs, la situation du Pavillon de Bercy a ÈtÈ un atout non prÈvu, attirant un public qui ne serait jamais venu exprËs.
Conclusion gÈnÈrale :
S'il est impossible de comparer les deux manifestations, on constate cependant quelques tendances lourdes :
- la mÈdiatisation de la manifestation est essentielle et conditionne la nature et les composantes du public.
- la possession d'Èquipements n'est pas discriminante dans la comprÈhension des úuvres.
- l'information, la formation et l'accompagnement des publics sont indispensables pour tout type de public.
II - QUEL (S) PUBLIC (S) ? [RS] [RSS]
A - LES DIFFERENTS TYPES DE PUBLICS [RSS]
"Il faut montrer l'art Èlectronique l o˜ se trouve son public". Cette remarque, entendue plusieurs fois dans les colloques et confÈrences spÈcialisÈs est intÈressante car elle sous-entend qu'il y a UN public de l'art Èlectronique. Quel est-il donc ? Potentiellement les 5 milliards d'individus que compte la planËte ? Les jeunes, nÈs avec ces technologies ? Les adultes ayant une culture scientifique et technique ? Les spÈcialistes ?
Y a-t-il une catÈgorie d'individus plus mÍme de comprendre et d'apprÈcier ces formes d'art ou bien n'est-ce pas l, comme pour toute autre activitÈ, une simple question de rencontres, de connaissances, d'habitudes culturelles, de familiarisation ?
PlutÙt que d'un public, il faut parler de publics.
Les types de publics :
Nous en distinguons 6, rÈpartis entre professionnels et non-professionnels.
- Les professionnels de l'art Èlectronique.
- Les professionnels de l'art : manquent souvent de culture scientifique et technologique et restent, pour certains, encore rÈticents accepter l'art Èlectronique autrement que comme un ÈpiphÈnomËne passager.
- Les professionnels de l'informatique : manquent de culture gÈnÈrale et artistique, connaissent bien la "cuisine" mais peu ont une connaissance et une rÈflexion thÈoriques et critiques sur leurs disciplines.
- Le public non professionnel, avec une "culture classique".
- Le public non professionnel, avec une "culture technologique".
- Le public non professionnel "non cultivÈ".
Chacun de ces publics a des connaissances, des attentes et des besoins diffÈrents. La nature des manifestations, les exigences et les lieux de la monstration ne sont pas forcÈment identiques pour tous.
La segmentation par ges :
On peut distinguer trois groupes : enfants & adolescents, jeunes adultes et adultes.
Les enfants et adolescents peuvent apparaÓtre comme un public "naturel" et plus "facile"car, nÈs avec la technologie, ils sont familiarisÈs ne serait-ce que par les jeux vidÈo. Il faut cependant nuancer ce point de vue. La catÈgorie socio-professionnelle des parents est aussi prendre en compte, tous les enfants ne sont pas Ègaux devant l'accËs aux nouvelles technologies. Mais savoir utiliser une technologie n'implique pas une connaissance de l'art, ni a fortiori une maÓtrise des concepts. L'art Èlectronique est bien souvent aride, loin du ludisme des jeux vidÈo.
Types de publics et segmentation par ges se combinent pour donner des publics variÈs, frÈquentant des lieux culturels diffÈrents, avec des niveaux de culture divers. La monstration de l'art Èlectronique, comme de toute autre forme d'art, doit tenir compte de ces ÈlÈments. Les expositions dart Èlectronique reposent sur deux systËmes de valeurs symboliques : le monde de lart et de la culture, porteur de valeurs humanistes, et dun autre cÙtÈ, le monde de la technologie se rÈfÈrant davantage au monde scientifique et technique.
B - COMPORTEMENTS ET ATTITUDES [RSS]
De maniËre empirique, on constate des attitudes et des comportements rÈcurrents chez les diffÈrents publics, quels que soient les pays et les cultures dorigine.
Ouverture et curiositÈ : partir du moment o˜ on a rÈussi faire venir le public, il manifeste de l'intÈrÍt mÍlÈ de curiositÈ et de questionnements. Contrairement l'art contemporain traditionnel, il y a peu de rejets violents de l'art Èlectronique. La dÈtÈrioration porte sur le vol d'Èquipements qui nous semble Ítre moins vÈcu comme le vandalisme d'une úuvre que comme l'acquisition bon compte de matÈriels "disponibles". Le bris de matÈriel est le plus souvent d° sa fragilitÈ, dans le cas de manipulations intensives, qu' une volontÈ dÈlibÈrÈe de dÈtruire.
Les "biais" culturels : les adultes professionnels et amateurs d'art comme d'informatique sont dÈj structurÈs intellectuellement. Ils apprÈhendent l'art Èlectronique par le biais de leur compÈtence. Les professionnels de l'art sont les plus critiques et les plus enclins dÈnigrer les úuvres.
Peurs et inhibitions : il est Èvident que nombre d'installations interactives qui impliquent une "exhibition" corporelle peuvent Ítre inhibantes118, notamment pour un public adulte et dans des sociÈtÈs (ou des catÈgories sociales) o˜ il est malvenu de se "donner en spectacle". Ces úuvres, en rupture avec l'idÈe d'une contemplation respectueuse de l'art, en sont d'autant plus perturbantes.
La peur de la technologie peur de ne pas comprendre, de ne pas savoir manipuler ainsi que la crainte de s'ennuyer parce que les Ècrans ressemblent ceux du travail quotidien sont les attitudes les plus faciles modifier par un accompagnement pÈdagogique et d'accueil des publics.
La "frÈnÈsie" de l'interactivitÈ : Mary Anne Farah faisait remarquer119 que les expositions d'art interactif prenaient parfois l'allure de salles de jeux d'arcade. On observe aussi que certains publics "touchent frÈnÈtiquement tous les boutons" jusqu' ce qu'ils estiment avoir "compris comment Áa marche" avant de passer une autre installation et de rÈpÈter le processus. L'artiste Mogens Jacobsen Ècrivait propos de son expÈrience ISEA 95 MontrÈal : There I exhibited the installation The Entropy Machine. During my stay in Montreal, I realised that exhibiting this work was difficult. The words "interactive computer-based art" have come to mean interacting with a work using mouse, keyboard, dataglove, etc ; and getting an instant feedback. My viewers kept trying to find hidden buttons to push, not knowing that their mere presence was sufficient. And not knowing their interaction actually changed the work in a very subdued and slow way. But will interactive works have to end as cultural video-games ? And exhibitions as game-arcades ? 120
Mary Anne Farah et Mogens Jacobsen soulËvent une question essentielle. L'aspect salle de jeux d'arcade peut Ítre rÈsolu par la mise en espace des úuvres (personne n'a jamais pris Artifices pour une salle de jeux). La frÈnÈsie de l'action passe par une meilleure connaissance de ce type d'úuvres pour aller vers une apprÈhension plus profonde des contenus, au-del de la comprÈhension immÈdiate du "comment Áa marche". Ceci ne peut se faire que par une formation et une acculturation progressive des publics.
III - ACCULTURATION/FORMATION [RS] [RSS]
L'art Èlectronique, en empruntant aux diffÈrents registres de la sociÈtÈ (jeu, art, science, technologie), redÈfinit les frontiËres entre culture savante et culture populaire. L'une n'est plus exclusive de l'autre, ce qui ne veut pas dire que la "lecture" ou la comprÈhension des úuvres est plus facile mais qu'elle met en branle de nouvelles compÈtences, de nouveaux savoirs, croisÈs.
A - CULTURE POPULAIRE ET CULTURE SAVANTE [RSS]
La culture "savante" est la seule valorisÈe dans notre sociÈtÈ, la culture populaire n'y est digne d'intÈrÍt que passÈe, quand elle peut faire l'objet de thËses et d'analyses relevant de la culture d'Èlite. Dans le mÍme temps, l'art Èlectronique "savant" n'est pas rÈellement reconnu par le milieu de l'art et donc, d'une certaine faÁon, son caractËre d'art ou de culture digne d'intÈrÍt lui est dÈniÈ, par sa relÈgation une "gadgÈtisation". Cependant, la diffÈrence entre "savant" et "populaire" dans l'art Èlectronique est parfois floue et une mÍme úuvre peut appartenir aux deux registres.
Dire que les instruments de l'art Èlectronique sont ceux du quotidien ne suffit pas. Le point important est que l'art Èlectronique repose sur une techno-culture en train de modifier notre "Ítre au monde", les rapports sociaux, l'organisation politique, sociale et culturelle et que, dans cette rÈorganisation, la permÈabilitÈ entre culture populaire et culture savante est symptomatique. On la retrouve quatre niveaux :
* L'art Èlectronique savant reprend les signes de la culture populaire et les intËgre dans une critique, ou plus simplement comme ÈlÈment formel d'une culture partagÈe. Les jeux vidÈo en constituent une base et un rÈservoir inÈpuisable :
- instrumental : reprise des interfaces classiques comme le joystick.
- logique : l'úuvre est construite comme un jeu. Exemples : Fruit Machine d'Agnes Heged¸s qui recourt l'aspect ludique pour faire passer une situation de tension ; Utopia de Max Almy qui se sert de la violence symbolique de certains jeux pour dÈnoncer la violence rÈelle de la sociÈtÈ amÈricaine et des jeux eux-mÍmes, All New Gen de VNS Matrix, bti comme un jeu vidÈo pour dÈnoncer de maniËre humoristique et ironique le machisme et les clichÈs technologiques.
- esthÈtique : le langage visuel, iconique, est repris, soit simplement comme code culturel partagÈ mais pour exprimer un autre type de message comme avec Idea-ON>! de Troy Innocent ou Dazzeloids de Rodney Alan Greenblat ; soit dans une critique mÍme de ce code comme avec All New Gens de VNS Matrix.
Plus largement, la cyberculture telle que dÈfinie dans la science-fiction (Gibson, Sterling), les bandes dessinÈes et "zines" (voir le film Tank Girl), ou encore dans le magazine Wired, constitue un point d'ancrage fort.
* La culture populaire reprend des ÈlÈments de la culture savante
L'Ècriture audiovisuelle contemporaine est issue d'expÈrimentations dans la culture savante (tout le travail de la vidÈo, du cinÈma expÈrimental pour ne mentionner que cela). Il est frappant de constater que l'audiovisuel commercial a intÈgrÈ, dÈveloppÈ et popularisÈ ces formes d'Ècriture visuelle, par exemple dans les gÈnÈriques de MTV, les clips vidÈo, ou encore une sÈrie tÈlÈvisÈe comme New York Police Blues, etc.
* DÈplacement de la culture savante dans ses instruments d'expression. Ainsi les danseurs et chorÈgraphes Nicole et Norbert Corsino ne se produisent plus sur scËne mais utilisent la vidÈo et les programmes informatiques de danse pour crÈer leurs úuvres, qui ne sont pas tout fait de la vidÈo-danse, mais certainement plus du spectacle vivant ni une documentation sur une performance comme la vidÈo a pu l'Ítre dans les annÈes 60.
* La crÈation ne rÈside pas forcÈment uniquement dans la culture savante.
Dans le cas de l'image de synthËse, il existe deux catÈgories de crÈateurs et de crÈations : la crÈation "noble", artistique et la crÈation commerciale. Dans ce domaine, les travaux les plus intÈressants ne sont pas forcÈment dans la catÈgorie artistique. Ainsi les vidÈo-clips largement diffusÈs sur MTV et autres chaÓnes musicales sont bien souvent plus consistants que nombre d'úuvres prÈsentÈes dans des festivals artistiques (exemple les clips de Peter Gabriel). Il en est de mÍme pour certains effets spÈciaux comme ceux de Terminator 2, film pourtant considÈrÈ comme sans intÈrÍt par nombre d'intellectuels.
Ceci ne veut pas dire qu'il n'y a pas de crÈateurs en image de synthËse dans le monde de l'art stricto sensu (Exemples : Tamas Walicsky, Peter Callas ou MichaËl Gaumnitz) mais simplement qu'il est nÈcessaire de prendre en compte non seulement la crÈation "artistique" mais aussi la crÈation "commerciale", sans a priori.
Il faudrait Ègalement considÈrer tout le champ des jeux vidÈos et informatiques non plus comme des sources reprises par l'art savant mais comme une Ècriture et une esthÈtique part entiËre. A cet Ègard, Frank Popper avait intÈgrÈ ces jeux (alors bien simplistes et balbutiants) dans sa rÈflexion pour l'exposition Electra qu'il a rÈalisÈe au MusÈe d'Art Moderne de la Ville de Paris en 1983. Il Ècrit : Bien qu'elles n'aient pas encore ÈtÈ reconnues comme úuvres d'art, ces activitÈs [les jeux] n'en symbolisent pas moins l'entrÈe de l'art dans un nouveau statut. On doit Ègalement tenir compte de ce que les jeux sur micro-ordinateurs invitent rigoureusement les joueurs devenir eux-mÍmes inventeurs, crÈateurs, artistes, contribuant ainsi abolir les frontiËres toutes artificielles entre crÈateurs, techniciens et joueurs121.
Nous ne suivrons peut-Ítre pas Frank Popper dans l'intÈgralitÈ de son raisonnement, cependant, de maniËre apparemment anodine, cette permÈabilitÈ de la culture populaire et de la culture savante, bouleverse ce que nous avions l'habitude d'appeler "art" et renforce le processus de dissolution des disciplines artistiques : sculpture, peinture, musiqueÖ
Plus largement, la culture populaire a influencÈ dans sa terminologie mais aussi dans ses directions de recherche tout un pan de la culture savante et rÈciproquement.
B - DE NOUVELLES COMPETENCES : SAVOIR "LIRE ET ECRIRE" [RSS]
ApprÈhender une úuvre d'art requiert de la part de l'artiste et de son public le partage d'une mÍme culture et de mÍmes compÈtences122. La culture est le contexte de l'úuvre, elle permet au public de "savoir lire". Pendant des siËcles elle reposa sur le catholicisme ou les valeurs judÈo-chrÈtiennes. L'art contemporain classique, largement auto-rÈfÈrencÈ, a introduit une premiËre rupture dans la lecture des úuvres, ouvrant un fossÈ plus grand entre art d'Èlite et art de masse. Seuls les gens cultivÈs, initiÈs ont une chance de dÈcrypter cet art dans toutes ses composantes et il reste hermÈtique une grande partie de la population non ÈduquÈe. Dans un premier temps, l'art Èlectronique renoue avec un contexte culturel partagÈ, quotidien, celui de la sociÈtÈ technologique, qui rend les úuvres comprÈhensibles par tous, au moins un premier degrÈ (ne serait-ce que par l'aspect ludique que beaucoup d'entre elles contiennent).
En s'inscrivant dans une culture artistique mais aussi technique et scientifique, l'art Èlectronique engendre en revanche une nouvelle rupture contextuelle qui transcende la coupure art savant/art populaire antÈrieure.
Le public, qu'il appartienne aux couches cultivÈes ou incultes, se retrouve donc largement dÈmuni dËs qu'il s'agit d'une perception plus fine des úuvres. Ce qui entraÓne des comportements de rejet pour certaines úuvres dont il ne comprend pas la signification ou, l'inverse, une fascination technologique.
Par ailleurs, comme le note Simon Penny, not only are understandings about the dynamics of the interactive experience very limited among artists, but the "techniques of the user" are non-existent. What results is a crisis of meanings : the work cannot "mean" because the user doesn't speak the language123.
Depuis des millÈnaires nous avons l'habitude de percevoir et de dÈcrypter des images (qu'elles soient religieuses ou laÔques). L'art Èlectronique exige l'apprentissage de nouvelles compÈtences, de "parler la langue". Devenir un "lettrÈ" en ce domaine va au-del de la manipulation d'une interface d'ordinateur. Il s'agit de saisir la logique des úuvres Èlectroniques et la nouvelle place de l'image. Par exemple, lors de l'exposition Espaces Interactifs - Europe, une journaliste faisait remarquer qu'il y avait beaucoup de textes dans ces úuvres et que l'image n'Ètait pas assez travaillÈe sans comprendre que le texte Ètait partie intÈgrante de l'úuvre et que l'image n'Ètait qu'une composante. L'essentiel rÈsidait dans l'interactivitÈ, dans la faÁon dont elle crÈait du sens, dans la relation forme/contenu de l'úuvre. En outre, certaines úuvres, notamment sur le rÈseau, demandent de connaÓtre un minimum d'informatique, de traitement de l'image et du son si l'on veut non seulement les voir mais aussi participer au processus mis en place par l'artiste (voir supra, section III, Espace domestique). Avec l'art Èlectronique il faut non seulement comprendre le contexte de l'úuvre ("savoir lire") mais aussi en partie "savoir Ècrire" ce qui n'Ètait pas le cas pour l'art traditionnel.
IV - MONDIALISATION DU PUBLIC [RS] [RSS]
L'art Èlectronique est toujours crÈÈ dans un contexte culturel particulier et, pour l'observateur attentif, les úuvres d'artistes d'origine diffÈrente prÈsentent des thËmes, des formes et des contenus Ègalement diffÈrents par del la personnalitÈ du crÈateur. En d'autres termes, la diversitÈ culturelle est prÈservÈe.
Cependant, cette crÈation s'inscrit dans un processus de mondialisation. Les techniques sont identiques. Quels que soient les pays, la techno-culture transcende les Ètats-nations et les cultures locales, devenant une mÈta-culture trans-nationale. Le corpus d'úuvres circule dans les diverses manifestations dans le monde entier de maniËre encore plus systÈmatique que dans l'art contemporain traditionnel.
Pour les manifestations organisÈes dans le monde physique, le public reste local mais il ne peut apprÈhender un certain nombre d'úuvres sans avoir une connaissance du contexte gÈnÈral (la techno-culture) et du contexte culturel de l'artiste.
Dans le cas d'Internet, la question est d'autant plus aiguË que l'úuvre est crÈÈe l'Èchelle mondiale et vue simultanÈment dans les environnements locaux diffÈrents. La seule Ètude sur le public de l'art en ligne dont nous disposons a ÈtÈ rÈalisÈe en mars 1995 par Ann Peterson Bishop sous la direction de Joseph Squier l'universitÈ de l'Illinois Urbana-Champaign124. Elle a portÈ sur une galerie traditionnelle ayant ouvert un site Web, une galerie numÈrique (@art Gallery125) crÈÈe l'universitÈ de l'Illinois par Squier et ses collËgues et par le site de Squier o˜ il prÈsente une crÈation spÈcifique au rÈseau126.
76% de ceux qui ont rÈpondu l'enquÍte Ètaient des hommes. Presque la moitiÈ avait plus de 35 ans. Un cinquiËme Ètait des artistes et une bonne proportion venait de la communautÈ de l'enseignement. Les autres montraient une grande diversitÈ professionnelle : zoologiste, ingÈnieur, milieu des affaires, programmeur, bibliothÈcaire, historien d'art, Ècrivain, courtier, physicien, infirmiËre, avocat, musicien. 70% Ètaient des utilisateurs quotidiens du rÈseau et si prËs de la moitiÈ Ètait des utilisateurs expÈrimentÈs, un pourcentage Èquivalent n'Ètait en ligne que depuis moins de 6 mois.
D'aprËs l'Ètude, il s'avËre que beaucoup surfent sur le rÈseau dans un but de distraction. 76% de ceux qui ont rÈpondu ont indiquÈ que c'Ètait la premiËre fois qu'ils venaient sur la galerie concernÈe mais 12% venaient pour la troisiËme fois. Un tiers disait surfer sur le rÈseau la recherche d'art mais un nombre consÈquent semblait Ítre venu parce qu'on lui avait indiquÈ le site. Plus qu'un but Èducatif, la distraction et l'apprÈciation personnelle de l'art semblaient Ítre la motivation de la visite. Mais cette situation ne diffËre peut-Ítre en rien de la visite un musÈe traditionnel o˜ beaucoup de gens vont Ègalement pour la distraction et grapillent de l'information de-ci de-l, travers les expositions.
La majoritÈ de ceux qui ont rÈpondu (71%) indiquent aller voir une exposition d'art en ligne chaque semaine et plusieurs fois par an dans les galeries et musÈes traditionnels. Internet permettrait donc d'accroÓtre l'accËs l'art pour des gens qui n'iraient pas ou moins autrement [et nous rajoutons : il s'agit d'un public qui frÈquente apparemment dÈj les lieux de l'art, Internet permettrait d'accroÓtre la consommation de ceux qui ont dÈj une pratique en la matiËre].
Les trois quart des visites viennent des Etats-Unis127. Chaque galerie reÁoit des visites de plus de 50 domaines non amÈricains. Les pays anglophones arrivent en premier, suivis par l'Europe du nord et les pays industrialisÈs en gÈnÈral.
En un an le nombre et la nature des úuvres sur le rÈseau ainsi que le nombre de connectÈs ont considÈrablement ÈvoluÈ. Au fur et mesure qu'artistes et publics maÓtrisent mieux le medium, de nouveaux comportements et habitudes de crÈation et de "consommation" Èmergent et de nouveaux publics apparaissent. Gageons cependant que pour quelque temps encore, le public de l'art sur Internet sera majoritairement masculin ; probablement un peu plus jeune que celui reprÈsentÈ par l'Ètude de l'UIUC ; pour une grande part issu de la communautÈ artistique et enseignante ; majoritairement amÈricain (mais probablement dans une plus faible proportion) mais proviendra toujours des pays industrialisÈs ; il viendra toujours parts Ègales : par hasard, la recherche d'un site prÈcis, en surfant la recherche "d'art sur le rÈseau" ; et aura une pratique rÈguliËre du rÈseau.
V - CONSEQUENCES POUR LA MONSTRATION [RS] [RSS]
MÈdiatisation : dÈfinir son ou ses publics est la premiËre condition. Certains lieux, comme des musÈes, ont dÈj un public habituel. Mais faire venir le public, et surtout celui que l'on cible, une manifestation nÈcessite une politique de communication prÈcise. Nous avons vu travers les deux exemples analysÈs le rÙle de la presse (NOVA Magazine pour l'un et Le Monde pour l'autre) dans la nature du public prÈsent. La presse artistique ne s'ouvre que depuis peu en France ces pratiques artistiques ; l'audiovisuel prÈfËre les "coups" mÈdiatiques, spectaculaires ; la presse gÈnÈraliste ne sait pas toujours o˜ caser les articles (dans la rubrique art, sociÈtÈ ou communicationÖ). Il existe aussi d'autres relais que la presse. D'une maniËre gÈnÈrale, aucun n'est facile atteindre et des actions de sensibilisation et de formation doivent Ítre mises en úuvre pour les toucher.
Formation-information :
- un personnel d'accueil et d'accompagnement compÈtent doit Ítre prÈsent sur place. Il ne s'agit plus d'avoir de simples gardiens qui surveillent mais des individus capables d'expliquer, de commenter les úuvres.
- l'information dans l'espace des úuvres aujourd'hui se heurte deux Ècueils : trop d'information sur les cartels qui induisent une perception de l'úuvre a priori sans laisser la part d'expÈrience, de dÈcouverte et de jugement personnel ; information lapidaire (nom de l'artiste et titre de l'úuvre) ou technique (Èquipements sur lesquels l'úuvre a ÈtÈ crÈÈe) qui ne donne au final aucune indication sur l'úuvre elle-mÍme. Entre le "mode d'emploi" et le simple titre, la marge de manúuvre est dÈlicate. La solution du "petit journal" fourni gratuitement est intÈressante, Èchelon intermÈdiaire entre le catalogue (souvent cher) et le cartel trop succinct.
- l'accompagnement des manifestations par des confÈrences. L'exemple de la Revue Virtuelle, comme des soirÈes Imagina au CarrÈ Seita, semblent largement probant.
- la monstration sur le rÈseau dans des espaces publics implique un accompagnement plus important du public, et dans une certaine mesure et pour un temps au moins, des actions associÈes, sous forme d'ateliers par exemple.
Dans tous les cas, une grande partie de l'acculturation des publics Èchappe ceux qui organisent la monstration et relËve de l'enseignement et d'une politique de l'Èducation, de politiques culturelles plus larges, de politiques industrielle et commerciale, de l'attitude des mÈdias et aussi de celle des intellectuels qui sy expriment.
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SECTION VI - SYNTHESE ET PERSPECTIVES [RS]
i - Nouvelles conditions de la monstration
A - Intellectuelles
B - MatÈrielles
C - Le statut de l'artiste
ii - Consequences et evolution
A - Les diffÈrentes positions et attitudes
1 - La position "sÈcessionniste" : la rupture avec le modËle de l'art classique
2 - La position "Èvolutionniste" : continuitÈ au sein de l'art classique
3 - La position "rÈservÈe" : voir au cas par cas
B - L'art et le contexte social
1 - Identification et distanciation
2 - La validation culturelle
C - Les nouveaux paramËtres
1 - Mise disposition aux publics
2 - La conservation
D - Quels modËles pour l'art Èlectronique ?
1 - MÈdiathËque
2 - Le modËle musÈal revisitÈ : entre archÈologie et civilisation
3 - Cellule d'expÈrimentation culturelle
* * * * *
I - NOUVELLES CONDITIONS DE LA MONSTRATION [RS] [RSS]
A - INTELLECTUELLES [RSS]
La monstration de l'art Èlectronique mobilise de nouveaux savoir-faire, de nouvelles compÈtences et de nouvelles connaissances de la part des conservateurs et des commissaires, des mÈdiateurs (critiques, journalistes, documentalistes, etc.) et des publics. Elle nÈcessite Ègalement une nouvelle catÈgorie de personnel technique et d'assistance (informaticiens, personnel d'accompagnement, etc.).
Les conservateurs et commissaires sont au cúur du dispositif. Ce sont eux qui effectuent les choix et dÈterminent les concepts autour desquels seront organisÈes les manifestations. Un concept structurant est encore plus important pour l'art Èlectronique que pour toute autre forme d'art, ce qui ne signifie pas phagocyter les úuvres au profit d'une idÈe ou d'une thÈorie Èmise par un commissaire mais proposer une colonne vertÈbrale solide sur laquelle va s'appuyer la monstration. Pour Alex Adriaansens de V2 : The field [of electronic art] is too big, so we thought we had to define sub-questions, a theme that we would address. [...] First we have a concept. Then the counterpoint of this approach. It clarifies the real issue. If you want to explain a position, you have also to show the counterpoint of it, which makes things much more clear. It determines the extremities in position the artists took, and it is more understandable for the audience. We try to select 5/6 works which formulate 5/6 positions of the issue we want to raise. Among those we take the 2 extremes. If you want to raise a problem in the field of art and technology, then you need "pillars" in the presentation. We do that for all our presentations. It creates context for the issue and the works. Otherwise the key question is lost. The audience wants simple things and we are very careful in creating contexts, specially as we work in an interdisciplinary approach128.
Quels sont les concepts les plus pertinents pour l'art Èlectronique ? Pour Alex Adriaansens the idea was : by raising a theme outside the field of art, it was possible to handle topics which were very actual in the field of art129. C'est Ègalement la position prise par Ars Electronica ou le MUU Media Festival en Finlande et, d'une maniËre gÈnÈrale, par la plupart des manifestations en art Èlectronique organisÈes par des spÈcialistes du domaine. Il apparaÓt que ce sont les concepts les plus fructueux. En effet, la technologie questionne nos sociÈtÈs et l'art Èlectronique s'inscrit dans cette interrogation d'un point de vue intellectuel et formel. Les questions et thÈmatiques de l'art classique ne peuvent plus s'appliquer ou moins ces nouvelles formes d'art. En revanche, les points de friction dans la technologie et la science, et leurs consÈquences dans la sociologie, l'anthropologie, l'ethnologie, la philosophie, etc., deviennent les repËres (les "piliers" dont parlait Alex Adriaansens) de l'articulation de notre rÈflexion et d'une nouvelle esthÈtique.
Ce changement signifie que les conservateurs et commissaires doivent avoir une triple culture : en art Èlectronique bien Èvidemment, mais aussi technique et scientifique (au moins dans la comprÈhension des questions soulevÈes et dans une connaissance, mÍme partielle, des recherches et dÈveloppements en cours) ainsi qu'en histoire de l'art (surtout mais pas exclusivement celle du 20Ëme siËcle).
Les deux premiËres (culture en art Èlectronique et techno-culture) sont les plus importantes par rapport la monstration de l'art Èlectronique.
On constate que les conservateurs de l'art contemporain, mÍme les plus ouverts et les plus actifs dans le domaine, restent sceptiques et rÈticents quant certains pans de la crÈation en art Èlectronique. Bob Riley, du SFMOMA, dÈclare : I am interested but I am not ready [...]. And I am not sure that I have seen any work that I think is extraordinary rich for visual art in computer, not yet130. Cette position peut Ítre renforcÈe par le poids de l'institution. Ainsi, Barbara London131 du MOMA souligne avec force que les conservateurs doivent comprendre ce que sont les technologies, les outils, les machines et doivent possÈder de nouvelles compÈtences, mais elle ajoute : ce n'est pas encore le rÙle des musÈes de fournir un accËs Internet pour le public. Les gens peuvent aller dans des cybercafÈs. [...] Ici [Multimediale 95] ce sont des travaux sur le processus, la technologie pour la plupart, ce ne sont pas des úuvres que je choisirais de montrer. Je prÈfËre mettre l'accent sur le contenu que sur la technologie. [...] Comme dans cette exposition Soho et sur le Net, je trouve que c'est bien que d'autres gens fassent la recherche et l'expÈrimentation.
On constate a contrario que les commissaires les plus rÈputÈs et les plus prÍts s'engager dans des expÈrimentations ont au moins une double appartenance culturelle. A titre d'exemple, citons Itsuo Sakane, Machiko Kusahara, Mike Leggett, Simon Penny, Alex Adriaansens, Rafael Lozano-Hemmer, Erkki Huhtamo, les Èquipes d'Ars Electronica (Christine Schpf, Gerfried Stocker, Peter Weibel).
Il serait intÈressant de conduire une analyse sociologique prÈcise des formations et savoirs de ces "nouveaux" commissaires (tous "hors institutions" de l'art) au regard de leurs rÈalisations et choix en effectuant une comparaison avec des conservateurs et commissaires issus du milieu de l'art classique et/ou intÈgrÈs dans des structures traditionnelles.
En effet, si l'endroit d'o˜ l'on parle est important, Èmetteur de discours et validant, le "qui" parle l'est autant. A cet Ègard on peut distinguer 4 catÈgories de locuteurs : les commissaires indÈpendants spÈcialistes du domaine et les artistes (quand ils ont un rÙle d'organisateurs) ; les conservateurs spÈcialisÈs en art Èlectronique au sein d'institutions non spÈcialisÈes, les conservateurs du milieu de l'art ; les "autres" (venant d'autres milieux). Les premiers, quel que soit l'endroit o˜ ils organisent une manifestation, ont une force de lÈgitimation sur leurs noms et transcendent une partie du discours Èmis par l'institution ou la structure d'accueil.
On peut cependant aisÈment imaginer, qu'avec les nouvelles gÈnÈrations, la diffÈrence d'approche entre les conservateurs et les commissaires d'origine diffÈrente s'estompera, mÍme si le poids de l'institution demeure. Barbara London note132 : mes jeunes Ètudiants ont un point de vue esthÈtique diffÈrent, car ils sont d'une gÈnÈration diffÈrente. Ce que corrobore Machiko Kusahara qui dÈclare133 : The curators are changing. In Japan we don't have curators like Barbara London who stayed curating for more than 10 years. Usually curators are quite young and when they get older they have to do the management. And of course the new generation is interested in electronic art and videogames. It is really a change of generation.
B - MATERIELLES [RSS]
La monstration de l'art Èlectronique exige des conditions matÈrielles, tant pour les btiments que pour les Èquipements, que nous avons dÈj ÈvoquÈes. Il est bien Èvidemment possible de faire Èvoluer des lieux existants, de consacrer des espaces rÈamÈnagÈs dans des musÈes, d'Èlaborer des scÈnographies et des mises en espace adaptÈes, d'acquÈrir les matÈriels, etc. Cependant, si l'on veut se placer dans une perspective plus prospective, il est indispensable de rÈflÈchir de nouveaux types d'architecture et d'espaces, d'intÈgrer la situation actuelle de la crÈation et des pratiques des publics, la nÈcessaire et inÈvitable Èvolution.
En effet, la prÈsentation d'úuvres d'art Èlectronique dans des lieux publics ne va pas disparaÓtre, mÍme avec l'expansion du cyberespace. Les úuvres en ligne, lorsqu'on y accËde en dehors de l'espace domestique, demandent une mise en espace spÈcifique qui ne doit pas tomber dans la trivialitÈ de l'imitation (ou de la simulation) de la maison ou de l'appartement.
La conception de ces nouveaux lieux semblent se trouver confrontÈe un ÈcartËlement entre l'ambiance "cosy", chaleureuse, pour un certain type d'úuvres et le modËle "salle de spectacle", plus adaptÈ un autre type (installations interactives et de rÈalitÈ vituelle, etc.).
Des pistes peuvent Ítre explorÈes, pour rÈpondre aux nouvelles contraintes, qui dÈpassent les strictes exigences actuelles.
Aujourd'hui l'Ècran, notamment celui du moniteur, rËgne en maÓtre incontestÈ et semble prendre une position encore plus importante avec le dÈveloppement du cyberespace. Se focaliser sur le petit rectangle de 15 ou 17 pouces, comme ultime interface des úuvres, c'est trËs certainement limiter son horizon. L'Ècran n'a pas toujours ÈtÈ l, et il y avait malgrÈ tout des úuvres d'art Èlectronique134. L'Ècran, pendant longtemps, n'a su gÈrer que du texte, et il y avait malgrÈ tout des úuvres d'art utilisant le rÈseau135. Des alternatives cet Ècran commencent Ítre proposÈes. C'est le cas de The Cave qui se prÈsente comme une salle dont les murs entiers sont des Ècrans, ou encore de l'expÈrience de Stacey Spiegel et Rodney Hoinkes, conduite sous la houlette de V2, en collaboration avec le simulateur du port Rotterdam. Le simulateur du port est une vaste piËce qui comporte un Ècran de 360ƒ de 5 ou 6 mËtres de haut. L'image est la salle et la salle est l'image. L'úuvre est l'environnement. La crÈation Safe Harbor de Stacey Spiegel et Rodney Hoinkes incorpore une connection avec le rÈseau et des hyperliens.
Le dÈveloppement des Ècrans plats de grands formats laisse penser que des ÈlÈments architecturaux entiers seront des Ècrans (ou pourront l'Ítre) dans un avenir proche, renversant le rapport d'Èchelle de l'individu, d'un Ècran vitre/miroir un Ècran paysage/environnement, introduisant donc, d'une maniËre paradoxale, la disparition de l'Ècran.
L'Ècran-mur n'est pas le seul changement prÈvisible. Les notions d'architecture intelligente ou liquide ne relËvent pas de la pure spÈculation. Les btiments deviendront de plus en plus ÈquipÈs, de plus en plus cblÈs, rÈceptifs et rÈactifs l'environnement physique, humain et cyberspatial. Ils participeront une rÈalitÈ augmentÈe, entre l'espace physique et l'espace du cyberespace, s'intÈgreront cette rÈalitÈ intersticielle, inter-spatiale pour reprendre le mot de Roy Ascott.
Marcos Novak Ècrit : If architecture is an extension of our bodies, shelter and actor for the fragile self, a liquid architecture is that self in the act of becoming its own changing shelter136.
Les espaces de l'art Èlectronique et donc les conditions matÈrielles de sa monstration doivent Ítre fluides, adaptatifs, flexibles, des abris pour la conscience du moi planÈtaire. Social life is the concretisation of consciousness, and the Net is the product of the connectivity of minds before it is anything else. Noetic process precedes social process : in engaging with art in the net we are taking the first steps in a new way of being, and a new way of ordering our experience and of shaping the world. [...] Art now inhabits both the interspace between material and immaterial worlds, and the interstices of the many disciplines of mind and body Ècrit Roy Ascott137. L'art Èlectronique pourra alors Ítre intÈgrÈ, tissÈ pour une part, dans l'architecture mÍme.
C - LE STATUT DE L'ARTISTE [RSS]
Les artistes de l'art Èlectronique ont peu d'objets vendre, et le CD-ROM ne va pas bouleverser radicalement les donnÈes. Cet Ètat de fait perturbe profondÈment les acteurs de l'art classique. Comment rÈmunÈrer le travail des artistes s'ils n'ont rien de palpable offrir en Èchange d'argent ?
Cette interrogation, et les nombreux colloques qui lui sont associÈe, montre quel point il peut Ítre difficile de dÈpasser des logiques de fonctionnement et des modes de pensÈe alors que les modËles alternatifs sont dÈj prÈsents dans notre sociÈtÈ.
Les artistes ne sont plus des producteurs d'objets mais d'idÈes, de contextes, de processus. Ils sont ces "knowledge workers" dont parle Tom Sherman138. La sociÈtÈ capitaliste dispose d'une catÈgorie pour cela, le prestataire de service et d'un mode de rÈmunÈration, les honoraires. Dans le monde de la culture, c'est exactement le principe de fonctionnement du spectacle, o˜ la prestation des artistes est payÈe par un cachet. La transposition pour les artistes de l'art Èlectronique est donc assez facile faire, surtout dans le cas d'une monstration temporaire, mais encore faut-il reconnaÓtre que l'úuvre n'est plus un objet stricto sensu. Roger Malina Ècrit ainsi : En fin de compte, l'úuvre interactive n'est plus un objet mais devient un processus interactif. Vous ne pouvez pas acheter ce processus mais vous pouvez payer le magicien qui le crÈe. Avant l'invention de l'Ècriture et de l'imprimerie, vous ne pouviez pas acheter l'histoire, vous pouviez seulement payer le conteur139.
Pour la monstration permanente (achat d'installations par exemple), diverses modalitÈs peuvent Ítre envisagÈes : cession dÈfinitive (mais qui peut Ítre rÈpÈtÈe pour plusieurs institutions), cession d'un droit de monstration dans les murs et droits supplÈmentaires en cas de prÍts, cession d'un droit de monstration uniquement dans les murs, etc.
Les úuvres en ligne prÈsentent encore un cas particulier. Actuellement, elles sont de facto gratuites. Cependant, avec l'arrivÈe du paiement sÈcurisÈ et de la monnaie Èlectronique (dÈj en place pour certaines transactions), on peut tout fait envisager des paiements la consultation, ou pour certaines parties uniquement, ou des accËs gratuits des úuvres "tronquÈes" ou partielles ou de rÈsolution plus basse et un paiement pour la totalitÈ de l'úuvre ou dans une qualitÈ plus grande, etc.
Si le copyright et la rÈutilisation de tout ou partie des úuvres par des tiers restent redÈfinir, les modes de rÈmunÈration des artistes sont assez faciles envisager.
II - CONSEQUENCES ET EVOLUTION [RS] [RSS]
A - LES DIFFERENTES POSITIONS ET ATTITUDES [RSS]
Quelles directions prendre pour la monstration de l'art Èlectronique ? Quelle Èvolution favoriser ? Faut-il rompre avec le systËme de l'art classique et en proposer un nouveau ou bien tenter de modifier celui-ci de l'intÈrieur ?
Trois positions Èmergent des interviews que nous avons faites, dÈfinissant trois attitudes : "sÈcessionniste", "Èvolutionniste" et "rÈservÈe".
1 - La position "sÈcessionniste" : la rupture avec le modËle de l'art classique [RSS]
Elle est majoritairement soutenue par les spÈcialistes de l'art Èlectronique et, parmi eux, certains artistes dont : les plus jeunes ; ceux qui n'ont pas une formation artistique comme premiËre formation ; parmi les plus "expÈrimentÈs" ou reconnus, ceux qui ont trouvÈ ailleurs que dans le milieu de l'art d'autres lieux de monstration et d'autres instances de reconnaissance et de validation ; ceux qui pratiquent une crÈation plus expÈrimentale.
Les "sÈcessionnistes" ne sont pas fondamentalement hostiles aux musÈes. Cependant, ils pensent que le positionnement structurel et idÈologique du milieu de l'art classique est trop rigide et trop liÈ un systËme et un modËle donnÈs pour pouvoir intÈgrer l'art Èlectronique dans toutes ses dimensions, ou mÍme pour pouvoir Èvoluer rapidement. Les lieux spÈcialisÈs sont ceux qui apparaissent comme les modËles les plus pertinents. Ce groupe souligne que l'art se passe aussi "ailleurs" et que de nouvelles formes de validation se mettent en place.
2 - La position "Èvolutionniste" : continuitÈ au sein de l'art classique [RSS]
Cette position est plutÙt celle des gens de musÈes et d'institutions culturelles ainsi que des artistes qui ont acquis une certaine notoriÈtÈ dans les milieux de l'art Èlectronique et qui veulent une "vraie" reconnaissance dans le milieu de l'art.
Pour ce groupe, l'art Èlectronique appartient l'art contemporain. Il faut donc le montrer dans une continuitÈ artistique, y compris pour souligner les ruptures, les Èvolutions et les oppositions avec un art plus traditionnel. Certains adoptent une position plus nuancÈe, en soulignant les problËmes intellectuels, esthÈtiques et formels de la prÈsentation de l'art Èlectronique dans les mÍmes locaux et cÙtÈ de l'art classique. Bob Riley dÈclare ainsi : I would like to see a combination of futurist paintings, etc. and all this kind of ideas and media art, the issue of social concerns, etc. through different medium, from painting to media arts. The one thing that upsets is the relationship to time. Here we observe static object on the wall. We spend a second and we walk by. The media installations want something else from you. It engages all your capacity. And I think this is where a separate building is actually better because it is expected then that you have to behave in a different way, you have to envolve all your senses. [...] That fourth floor of this museum is becoming our laboratory floor where people are invited to look at things in a different way. I am up to the challenge of this contextualisation of media140.
Tous dÈclarent que les lieux spÈcialisÈs (ou mÍme les foires et salons commerciaux et techniques) jouent un rÙle important "au dÈbut", pour la dÈcouverte de nouveaux artistes. Tous reconnaissent que la vraie expÈrimentation doit Ítre faite ailleurs. L'art Èlectronique est perÁu comme trop nouveau pour Ítre dÈj pris en compte par les institutions musÈales ou culturelles traditionnelles.
3 - La position "rÈservÈe" : voir au cas par cas [RSS]
Cette position reflËte l'incertitude et l'ÈcartËlement intellectuel de ceux qui connaissent les filiations de l'art Èlectronique avec l'histoire de l'art d'un cÙtÈ, et les limites des institutions musÈales de l'autre, ce qui les conduit ne pas prendre une position plus tranchÈe.
Ils n'excluent pas le musÈe a priori et prÈfËrent "voir au cas par cas". Pour eux, le renouvellement des gÈnÈrations permettra une Èvolution dans les attitudes des conservateurs et rapprochera les points de vue et les actions.
Cette position est reprise par les "sÈcessionnistes" bien qu'ils restent "sans trop d'espoir", tout en rÍvant, malgrÈ tout, que le milieu de l'art classique puisse Èvoluer, puisque "on ne sait jamais". Elle est aussi intÈgrÈe par les "Èvolutionnistes", qui croient une "transformation graduelle" qui pourrait venir de l'extÈrieur car c'est l'extÈrieur, les mÈdias qui font comprendre aux musÈes "qu'il se passe quelque chose"141.
Avant d'envisager les modËles possibles de monstration de l'art Èlectronique, nous aborderons le nouveau contexte social de l'art et les paramËtres issus des technologies contemporaines.
B - L'ART ET LE CONTEXTE SOCIAL [RSS]
1 - Identification et distanciation [RSS]
Jean-Marie Schaeffer rappelait, lors de la Revue Virtuelle consacrÈe aux Arts et mÈdias numÈriques142, quil nexiste pas de conditions nÈcessaires et suffisantes pour dÈfinir une úuvre. Pour les philosophes, la notion dart est "intrinsËquement vague". On se trouve face un faisceau de critËres tels que lappartenance gÈnÈrique un type dactivitÈ (peinture, sculpture Ö), la causalitÈ intentionnelle ("ceci est de lart"), lattention esthÈtique (pour des objets empruntÈs dautres civilisations). Les úuvres produites dans le champ des media numÈriques ne sont pas immÈdiatement apprÈhendÈes laune de ces critËres.
Pourtant, la majoritÈ des auteurs revendiquent la qualitÈ dúuvre pour leur travail. Ils ne le revendiquent pas comme un jeu, une dÈmonstration de virtuositÈ informatique ou encore une expÈrience scientifiqueÖ La causalitÈ intentionnelle est bien l, mais les indices habituels (la forme objectale et le contexte musÈal ou para-musÈal) peuvent Ítre totalement absents de la monstration de louvrage.
La numÈrisation ne semble pas faire renoncer la notion dart, suffisamment "intrinsËquement vague", pour pouvoir sadapter aux nouvelles contingences de la crÈation humaine. Les conditions de la mise disposition de ces úuvres au public jouent alors un rÙle important dans le processus dindexation des travaux comme úuvres. A cet Ègard, les travaux de Karl Sims ou Tom Ray et, plus largement, de certains scientifiques et chercheurs, appartiennent deux mondes : celui de la recherche et celui de l'art. Ils ne peuvent Ítre identifiÈs dans le second qu'extraits de leur contexte d'origine et recontextualisÈs. Il s'avËre que beaucoup sont des úuvres liÈes la vie artificielle. La reprÈsentation du vivant avait prÈcisÈment ÈtÈ l'apanage de l'art. Avec la vie artificielle et les bio-technologies, nous accÈdons une autre Ètape, la modÈlisation-recrÈation du vivant. Les "crÈateurs" n'y sont plus les seuls "artistes" et les productions n'y deviennent des "úuvres" que par le contexte.
De la mÍme faÁon, les indices indiquant au visiteur du Web (ou despaces virtuels) quil se trouve sur des lieux de crÈation artistique sont Ègalement donnÈs par le contexte (la page Web, la conception de lespace et de laccueil, linformation prÈalable, ladresse). Mais, comme dans le cas de la recherche scientifique et technique, certains sites ne peuvent Ítre apprÈhendÈs comme relevant d'une "crÈation artistique" que par une validation interne et externe au rÈseau (voir infra, la validation culturelle).
L'indexation nest pas nÈcessairement prÈalable lexistence de lúuvre. Depuis les annÈes soixante, et dans le sillage Dada, il existe des úuvres qui justement travaillent sur une implication dans le flux du vivant et ne peuvent donc pas se poser a priori comme úuvre. La nature informationnelle de lart Èlectronique favorise ces approches. Lidentification a gÈnÈralement lieu par des indices de reconnaissance a posteriori. Cest le principe de la coupure ou de la distanciation.
Cette indexation est indispensable pour des raisons ontologiques : lart procËde dun consensus. Une crÈation humaine nest pas de lart toute seule. Les formes peuvent varier, les instances de validation Èvoluent, mais lart reste affaire dintention et de reconnaissance sociale. Rien ne nous empÍche de penser quil y a plus "dart" dans les jeux vidÈo que dans bon nombre de galeries, les mathÈmaticiens peuvent Ítre Èmus par la beautÈ dun thÈorËme, ces productions ne seront socialement de lart que si un certain nombre de filtres les indexent comme tel.
2 - La validation culturelle [RSS]
Tout au long de cette Ètude et de la part de tous nos interlocuteurs est apparu le mÍme leitmotiv qu'il ait ÈtÈ explicitement formulÈ ou simplement sous-jacent aux divers propos : il est nÈcessaire d'avoir des lieux "culturants", validants pour l'art Èlectronique.
Cette attitude est finalement l'autre face de ce qui est exprimÈ par les opposants l'art Èlectronique lorsqu'ils reprochent le manque de discernement du milieu de l'art Èlectronique qui "accepte tout" sur le mÍme plan, y compris des úuvres mÈdiocres.
La validation culturelle est le processus de reconnaissance par les pairs. Dans l'art classique, les musÈes et les critiques d'art jouent ce rÙle. Jusqu' prÈsent, dans l'art Èlectronique, on constatait la mÍme validation par le milieu. Il s'agissait principalement des lieux spÈcialisÈs (festivals), des nouveaux acteurs (commissaires, critiques, thÈoriciens, enseignants), d'une revue, Leonardo, la rÈputation Ètablie depuis presque 30 ans.
Dans leur biographie, ou lors de prÈsentations publiques, les artistes mettaient en avant les prix qu'ils avaient pu obtenir Ars Electronica, leur prÈsence SIGGRAPH ou les articles publiÈs dans Leonardo.
Une nouvelle catÈgorie de "valideurs culturels" Ètait apparue, laquelle n'Ètait pas, ou pas toujours, issue du milieu de l'art classique, quand elle ne se situait pas en opposition avec lui.
Cette situation semble Èvoluer depuis environ deux ans. En effet, la diffusion des technologies informatiques met les idÈes liÈes aux technologies contemporaines sur le devant de la scËne. Dans la foulÈe, l'art Èlectronique aquiert une plus grande visibilitÈ, dont tÈmoignent les articles dans des journaux de grande diffusion et les Èmissions de tÈlÈvision. Il dÈborde de plus en plus de son "milieu" d'origine pour devenir le point de rÈfÈrence dans la crÈation contemporaine avec un double effet d'attrait-rÈpulsion. D'une part, on assiste un engouement des artistes de formation classique pour les media numÈriques et tout particuliËrement pour Internet. D'autre part, les artistes qui souhaitent continuer leur travail avec les media classiques indiquent, avec force, pourquoi ils refusent d'utiliser les media Èlectroniques. Par ailleurs, le vocabulaire des technologies et de l'art Èlectronique envahit de plus en plus l'art contemporain classique (les mots "virtuel" et "immatÈriel" y connaissent un franc succËs).
Dans ce contexte, on voit un retour paradoxal du musÈe comme instance validatrice. Les artistes mentionnent fiËrement leurs expositions dans des musÈes et les modÈrateurs de confÈrences (y compris ou surtout ? SIGGRAPH) les indiquent en premier.
Ce retour signifie-il une normalisation de l'art Èlectronique et la domination dÈfinitive des institutions classiques dans la validation culturelle ?
Il semble que se dessine le retour au schÈma antÈrieur o˜ les galeries et centres d'art jouent le rÙle d'un premier filtre avant que les musÈes n'opËrent la sÈlection finale. Les lieux spÈcialisÈs reprendraient ainsi le rÙle de "bassins de dÈcantation", de premiËre instance dans le processus de validation culturelle.
Cette position est nuancer : l'estampille musÈale est reconnue principalement par deux types de destinataires : le milieu de l'art classique et le milieu de l'informatique. Il est noter qu'ils se rejoignent sur deux points : conservatisme quant la dÈfinition de ce qu'est et doit Ítre l'art, manques de connaissance propos de l'art Èlectronique.
Enfin, le cyberespace engendre de nouvelles questions. A partir du moment o˜ il n'y a plus nÈcessairement d'intermÈdiaires culturels entre l'artiste et les publics, comment s'opËre la validation ?
Par le nombre de consultations ? Mais n'est ce pas alors un simple audimat ?
Par les liens que d'autres sites Ètablissent avec les úuvres qui ne sont pas sur leurs serveurs ? Ces sites sont alors l'Èquivalent, dans le cyberespace, des institutions dans l'espace physique. C'est leur rÈputation qui valide l'úuvre. Aujourd'hui, ce sont majoritairement des sites spÈcialisÈs en art Èlectronique mais aussi des sites connaissant bien le cyberespace et sa culture (par exemple les "Ètoiles" que dÈcerne Magellan ou la sÈlection dans les "tours guidÈs" de Excite, tous deux moteurs de recherche sur Internet). L'internaute, appartenant actuellement encore une Èlite "cyber-cultivÈe", va plus facilement adhÈrer une validation opÈrÈe par le milieu de l'art Èlectronique et du cyberespace qu' celle de l'institution culturelle, largement "cyber-illettrÈe".
Par les commentaires et critiques dans des revues ? Ce qui revient un rÙle classique de la critique, mÍme si elle est sur un support de diffusion Èlectronique. La nouveautÈ rÈside dans le fait que le critique peut Ítre "l'internaute moyen", et non plus un critique "professionnel". A cet Ègard, la place prise par Rhizome est tout fait rÈvÈlatrice. Rhizome est une lettre/forum Èlectronique, hebdomadaire, o˜ les lecteurs sont aussi les auteurs. Un Èditeur assure le tri des envois et reposte gratuitement le tout aux abonnÈs. Rhizome a trouvÈ sa lÈgitimitÈ progressivement, par la qualitÈ de ses informations et l'intÈrÍt des sites, des projets, des idÈes qu'elle dÈfend. Il n'en reste pas moins que Rhizome est faite par ses lecteurs dont beaucoup sont des artistes.
Le processus de validation relËve d'une manifestation de pouvoir. L'apparition des musÈes comme rÈfÈrant culturel pour l'art Èlectronique n'est-elle pas simplement le tÈmoignage de l'existence de deux ordres ? Chacun reflÈte des structures de pouvoir diffÈrentes, l'un est en train de perdre de son importance, mais a l'avantage de l'antÈrioritÈ, alors que l'autre, en Èmergence, essaie de s'imposer.
C - LES NOUVEAUX PARAMETRES [RSS]
1 - Mise disposition aux publics [RSS]
Le but pour toute crÈation est bien d'Ítre rendue publique pour Ítre partagÈe par une communautÈ. Les technologies contemporaines ont perturbÈ les conditions et les modalitÈs de cette prÈsentation. Examiner les aspects matÈriels et thÈoriques permet d'Èlaborer certaines rÈponses, se pencher sur le vocabulaire peut aider leur formulation.
D'aprËs le dictionnaire, exposer signifie "mettre en vue" et montrer, "faire voir, exposer au regard". Montrer incorpore aussi les notions de dÈmontrer (aspect didactique, pÈdagogique) et de monstre (quelque chose d'Ètrange, hors-normes). Le glissement de vocabulaire, d'exposition monstration, semble tÈmoigner moins d'un changement dans la nature de l'action entreprise, que de la prise en compte de l'Èvolution des úuvres.
Quel(s) autre(s) terme(s) pourrai(en)t Ítre utiles pour dÈcrire Ègalement les modifications dans l'action mÍme de rendre public ?
Proposer et disposer peuvent rendre compte la fois du changement dans les úuvres et dans l'action des mÈdiateurs. Proposer, c'est "placer en avant, offrir, mettre une chose en avant pour qu'on en dÈlibËre" ; disposer, c'est "mettre dans un certain ordre, arranger en vue d'une certaine destination, mettre en Ètat de, pouvoir utiliser". Ces deux verbes, et surtout disposer, incluent l'idÈe que quelqu'un organise d'une certaine maniËre quelque chose (que ce soit l'artiste et/ou le commissaire) ainsi que l'appropriation active par le public de cette chose.
Dans le cas du cyberespace, il n'y a pas plus d'exposition que de monstration. Les sites et les úuvres ne sont pas distincts de leur environnement de prÈsentation mais relËvent de "l'Ítre" dans un milieu donnÈ, dans un espace public. Pas plus que les animaux ne sont exposÈs dans la nature, ou les btiments dans les villes, les sites ne sont montrÈs sur Internet.
Le verbe "diffuser" est quelquefois utilisÈ, mais il suppose une diffÈrenciation entre le contenant/support et le contenu, ce qui est une contradiction pour la plupart des úuvres sur le rÈseau.
A nouveau, le couple proposer/disposer semble le mieux rÈpondre l'Èvolution. Cependant, si l'artiste propose effectivement une úuvre dont le public peut disposer, le commissaire ou le conservateur propose, quant lui, non pas les úuvres elles-mÍmes (ce qui est nouveau, mÍme dans l'art Èlectronique) mais une liste de celles-ci. Jean-Louis Boissier Ècrit, dans le catalogue d'Artifices 4 : Inventorier les adresses des sites, les Ècrire, c'est dÈj les rendre accessibles, les exposer. On ne peut pas les exposer autrement qu'en en dressant la liste. Le mot clÈ est "accessible". Le rÙle des conservateurs devient l'organisation de l'accËs aux sites. AccÈder, "avoir accËs ", inclut une notion de cheminement, de parcours. Ce que le commissaire organise (ou propose) c'est le flÈchage du chemin pour atteindre l'úuvre. Ce travail de signalÈtique diffÈre largement des pratiques et techniques habituelles des commissaires, y compris ceux de l'art Èlectronique. En ligne, dans le cadre d'une galerie ou d'un musÈe virtuels, il demande de dÈvelopper un savoir-faire dans la construction des sites, compÈtence non pas technique mais de mise en page, d'Èlaboration d'interfaces, de dÈfinition de lisibilitÈ et visibilitÈ dans le medium particulier qu'est le Web. Cette compÈtence est aujourd'hui entre les mains des concepteurs de sites (ou "web designer"). Quand l'accËs se fait dans des espaces publics, il est en outre nÈcessaire de repenser les lieux et leur disposition pour permettre un nombre suffisamment important de visiteurs de se connecter simultanÈment (nombre de postes), tout en prÈservant la relation d'intimitÈ de chacun avec les úuvres.
2 - La conservation [RSS]
Avec une grande partie de l'art Èlectronique, l'ambition de la conservation de l'úuvre l'identique s'effondre. Ceci oblige expliciter ce que l'on peut et veut conserver et les raisons des choix. Toute conservation est une reprÈsentation partielle du passÈ, contingente au prÈsent.
La nature des úuvres d'art Èlectronique oblige dÈvelopper de nouveaux modËles de conservation qui diffÈrent largement de celui du musÈe.
- le modËle "archive/documentation"
Les archives conservent de l'information plus que des objets. Leur compÈtence premiËre consiste savoir faire un tri et indexer (ou cataloguer) convenablement les documents retenus, afin de les rendre accessibles aux utilisateurs le plus facilement possible. Ces documents ne sont pas homogËnes dans leurs contenus mais dans leurs sujets ou thÈmatiques.
Selon ce modËle, pourront Ítre conservÈs des "objets" informationnels (úuvres, Ètats diffÈrents d'úuvres, Ètats "partiels" d'úuvres) numÈrisÈs ou numÈrisables, accessibles Èventuellement par le rÈseau, ainsi que la documentation autour de l'úuvre.
- le modËle "archÈologique"
L'archÈologie procËde par fragments, par assemblage d'objets de diverses natures et dans divers Ètats qui, mis ensemble, font sens. Elle sait depuis toujours s'appuyer sur les vides, les manques, et par une re-contextualisation, proposer un Ètat vraisemblable de ce que pouvait Ítre la situation d'origine, tout en maintenant ouvertes des hypothËses alternatives.
Selon ce modËle, pourraient Ítre conservÈs des "objets" avec des ÈlÈments physiques irrÈductibles la numÈrisation. Ces objets peuvent relever de plusieurs sphËres : art, technique, science, etc.
Les deux modËles peuvent se combiner d'un point de vue mÈthodologique : il semble Èvident que la mÈthode archÈologique du rÈcolement du fragment s'applique aux úuvres informationnelles du modËle archivistique. C'est dans la nature des ÈlÈments conservÈs que se situe la diffÈrence ce qui influe sur la nature des lieux et l'agencement de leurs espaces.
D - QUELS MODELES POUR L'ART ELECTRONIQUE ? [RSS]
Les institutions culturelles, telles que nous les connaissons, sont nÈes et ont ÈvoluÈ avec l'Etat-Nation et le systËme Èconomique, social et technologique (celui de l'industrialisation et de la machine) qui lui Ètait associÈ. Les technologies contemporaines crÈent les conditions d'Èmergence d'un nouveau systËme. On peut imaginer que l'art Èlectronique s'organisera autour de nouvelles structures qui se formaliseront au fur et mesure de l'apparition d'un nouvel ordre, politique, Èconomique et social.
Pour Itsuo Sakane : We need new type of spaces for this kind of art. [...] I am interested in all kind of expanded art like science art, cosmic art, natural phenomena art. [...] We should integrate computer, spirit and nature. [...] This could be new kind of anthropologist art, scientific art and natural phenomenal art. [...] I think it depends on culture. French see art as artifact, art as art. They don't consider nature as art for instance. But oriental people look at nature as art. Art depends on the way you look at things and not on the objects themselves. [...] The future exhibition place could be of course more science or technology or art oriented, but every place should have a part of the other fields integrated. [...] We should be able to display both sides of human activity in the same place. We need new kind of museums or galleries, or may be I should call them "human centers". It should be a single place where you could learn, play, meditate, etc. according to your mood and interest at the moment and go back another time with another goal in mind. This is an idealistic view where science, art, etc. could be presented. It could also include a place to communicate among humans ! [...] It is a sort of idealism...143
Christine Schpf, quant elle, propose : Actuellement il vaut mieux dÈvelopper des centres dÈdiÈs et spÈcialisÈs. [...] Il faut des cellules intellectuelles liÈes entre elles qui Èlaborent des contenus, des pensÈes qui soient critiques. [...] Les centres spÈcialisÈs doivent aussi inclure la recherche sociale. [...] J'aimerais aussi un lieu important, la grande usine avec l'art media commenÁant avec les Vasulka, Paik, etc. jusqu' aujourd'hui. Il faut des musÈes o˜ on puisse lire les Èvolutions, les changements de directions parce que l'on comprend mieux le monde intellectuel, de crÈation, si on le met en perspective historique. [...] Il faudrait deux ou trois de ces musÈes dans le monde, pas plus. Dans ces musÈes il pourrait y avoir des archives. Il faudrait faire une sorte d'archÈologie de cette histoire. [...] Il ne faut pas seulement des piËces des artistes. [...] Et il faut aussi des festivals144.
Par ailleurs, tout comme les úuvres d'art classique, les úuvres d'art Èlectronique s'inscrivent dans des "ges" diffÈrents. Nous en distinguons trois : l'art en crÈation, actuel, en train de se faire ; l'art rÈcent, qui a quelques annÈes d'existence, ne pose pas de problËmes techniques particuliers de monstration, mais a dÈj subi un premier filtre de validation et de reconnaissance (Legible City de Jeffrey Shaw en est le parfait exemple) ; l'art "ancien", il appartient dÈj l'histoire de l'art Èlectronique et il peut commencer prÈsenter des difficultÈs dans la monstration.
A ces diffÈrents "ges" des úuvres rÈpondent diffÈrents types de lieux, ce que l'on a tendance oublier, en prenant l'art Èlectronique comme un bloc monolithique trop rÈcent pour avoir des strates temporelles.
Aux cÙtÈs des festivals et manifestations temporaires, nous proposons trois modËles pour une prÈsence permanente de l'art Èlectronique : mÈdiathËque, musÈe "archÈologique et des civilisations", cellule d'expÈrimentation culturelle. Chacun intÈgre, sa maniËre, les nouvelles conditions de monstration liÈes aux formes et la nature de l'art Èlectronique. Chacun rÈpond aux divers besoins de conservation, ainsi qu'aux "ges" des úuvres.
1 - MÈdiathËque [RSS]
Sous le vocable de mÈdiathËque, nous entendons tout ce qui relËve du modËle de l'archive, de la bibliothËque et de la documentation.
Ces lieux sont parfaitement adaptÈs pour accueillir les úuvres sur Ècran et les úuvres en ligne notamment. Pour Joseph Squier, the best venues of the future will be those that embrace the concept of art as SIGNAL rather than art as object. [...] I do find that the concept of the Library of the Future gives me hope. [...] Librairies, while they do house and care for objects, are more concerned with AUTHORS PROVIDING CONTENT145.
HabituÈes traiter de l'information, et de plus en plus de l'information numÈrisÈe, les mÈdiathËques ont en outre dÈveloppÈ tout le savoir-faire pour organiser l'accËs celle-ci, sa consultation et sa conservation, quel que soit l'ge des documents. On pourra donc y retrouver aussi bien l'art en crÈation que l'art rÈcent ou l'art "ancien".
Par ailleurs, ces mÈdiathËques peuvent Ítre n'importe o˜ : dans un musÈe classique, dans un musÈe des sciences et techniques, dans un lieu spÈcialisÈ mais aussi, et surtout, dans les bibliothËques dÈj existantes et donc dans des lieux de proximitÈ.
Certaines des personnes que nous avons interviewÈes ont montrÈ des rÈticences face la mÈdiathËque/bibliothËque comme lieu de destination de l'art, arguant du fait que l'on allait y chercher de l'information, une documentation, mais que l'on n'y regardait pas de l'art. En bref, les mÈdiathËques ne sont pas des lieux de "contemplation". Elles n'appartiennent pas au systËme de consommation de l'art et surtout, elles ne sont pas des lieux "culturants" ou validants, en tant que tels.
Il ne nous semble que ce ne soit pas une raison suffisante. Les habitudes changent. RÈgis Guyotat dans un article du Monde du 24 octobre 1996, notait qu'en France, 6 millions de personnes sont inscrites dans une mÈdiathËque. A OrlÈans, un quart de la population frÈquente dÈsormais rÈguliËrement ses salles de lecture mais le flux rÈel est beaucoup plus important car les "frÈquentants non-inscrits" ne sont pas recensÈs. Il souligne que cela n'est pas sans poser des problËmes, notamment au niveau du fonds, des achats et de la conservation, car le succËs des mÈdiathËques est d° l'arrivÈe massive de nouveaux publics. Il ajoute : il y a eu le rËgne des maisons de la culture. Voici maintenant la mÈdiathËque, centre d'animation culturelle.
Le problËme essentiel de ces lieux est Èvidemment les budgets et co°ts de fonctionnement. Dans une perspective de redÈploiement des lieux de l'art, des rÈamÈnagements budgÈtaires devraient sans doute Ítre envisagÈs.
2 - Le modËle musÈal revisitÈ : entre archÈologie et civilisation [RSS]
Pour des úuvres qui nÈcessitent un appareillage spÈcifique pour Ítre montrÈes, c'est--dire pour des úuvres qui relËvent du deuxiËme modËle de conservation et de l'art "ancien", le musÈe apparaÓt encore pertinent. Mais pour des úuvres "hybrides", appartenant deux sphËres, celle de l'art et celle des techno-sciences, ce musÈe doit Ègalement Ítre "hybride". Les musÈes archÈologiques, pour la mÈthodologie, et les musÈes des civilisations, pour leur champ d'action, fournissent des modËles desquels on peut s'inspirer. Le musÈe des civilisations notamment, inclut des artefacts de nature diffÈrente. Surtout, il pose un regard globalisant sur les sociÈtÈs dont il conserve des traces. L'art n'y est pas sÈparÈ du reste des activitÈs, mais remis en perspective.
Est-il indispensable de crÈer de nouveaux musÈes spÈcialisÈs dans un nouveau "genre" ? D'un point de vue conceptuel et thÈorique, la rÈponse peut Ítre nÈgative. En effet, la seule condition nÈcessaire est de prÈserver la diversitÈ et de maintenir une cohÈrence dans ce qui est conservÈ et prÈsentÈ. Le lieu d'accueil peut Ítre un musÈe d'art contemporain, un musÈe des sciences et techniques, etc.
Cependant, deux problËmes surgissent :
- le premier relËve d'une contrainte purement matÈrielle : la limite des surfaces d'exposition et de stockage des lieux existants.
- le second est que ces lieux ont un point de vue segmentÈ qui ne favorise pas une approche globalisante.
Ces deux ÈlÈments militent en faveur, cÙtÈ des lieux existants, de la crÈation de lieux dÈdiÈs. Si la proposition d'Itsuo Sakane est sÈduisante, elle reste largement utopique et les tentatives en la matiËre sont vite retombÈes dans des schÈmas plus classiques (que ce soit l'Exploratorium, la CitÈ des Sciences et de l'Industrie de la Villette ou, dans un autre registre, le Centre Georges Pompidou). La formulation de Christine Schpf nous paraÓt plus rÈaliste. PlutÙt que la "grande usine" qu'elle Èvoque, nous pencherions pour de plus petites unitÈs, traitant de la crÈation, des techniques, des questions scientifiques, sociales et politiques, afin de ne pas tomber dans le piËge du "musÈe des arts Èlectroniques". RÈparties dans le monde, ces unitÈs pourraient Ítre reliÈes entre elles par le biais, entre autre, d'Internet et de publications numÈriques. Il est facile Ègalement d'envisager des Èchanges et des collaborations, pour des opÈrations de plus grande envergure ou complÈmentaires qu'elles pourraient mettre sur pied (manifestations thÈmatiques, etc.). Ces lieux pourraient Èventuellement inclure des activitÈs de crÈation. Il sera intÈressant, cet Ègard, de suivre l'Èvolution du ZKM et de l'ICC qui incluent espace de crÈation et lieu musÈal, tout en se voulant Ègalement endroits d'une rÈflexion plus thÈorique.
3 - Cellule d'ExpÈrimentation Culturelle [RSS]
Ce type de lieu est communÈment dÈnommÈ "centre spÈcialisÈ" ou "musÈe du troisiËme type" (Roy Ascott) ou "musÈe du 21Ëme siËcle (sous-titre de l'Ars Electronica Center). Le vocabulaire n'est pas neutre. "Cellule d'expÈrimentation culturelle" nous paraÓt le plus appropriÈ pour dÈfinir la nature et la vocation de ces espaces.
Centre implique pÈriphÈrie, un rayonnement sens unique de l'un vers l'autre, une domination de l'un sur l'autre, une organisation hiÈrarchique. Ce modËle d'organisation est battu en brËche. Il n'y a plus de "centre" mais des núuds, en relations multiples les uns avec les autres.
Le mot "musÈe", quant lui, nous semble trop associÈ une structure du 19Ëme siËcle.
Cellule, pris dans son sens biologique, est une entitÈ autonome acceptant une certaine permÈabilitÈ, une influence de l'extÈrieur. Elle existe dans un ensemble plus grand, dans les liens et Èchanges qu'elle maintient avec les autres, avec son environnement.
Cellule inclut une notion de vivant, d'organique, sans hiÈrarchisation de pouvoir. Ce terme fait Ècho aux bio-technologies, domaine de recherche critique, dans la sociÈtÈ et dans l'art.
ExpÈrimentation met l'accent sur l'art vivant, sur un art en crÈation et non sur des modËles Ètablis rÈpÈter ou reproduire. C'est un mot commun dans le vocabulaire des techno-sciences mais il renvoie Ègalement des moments forts de l'histoire de l'art et de celle de l'art Èlectronique.
Le groupe japonais, Experimental Workshop (Jikken Kobo), crÈÈ en 1951 par des artistes provenant de diffÈrentes disciplines (poÈsie, peinture, musique, photographie, travail sur la lumiËre, thÈtre) posait la question de l'expÈrimentation en art, comme processus, comparÈe cette mÍme notion en science. Il proposait de l'utiliser pour une pratique artistique et de rÈflÈchir aux changements que cela pouvait induire pour l'art et pour l'úuvre.
Experimental Workshop est une des expÈriences les moins connues de l'histoire de l'art Èlectronique (contrairement EAT/Experiment in Art and Technology New York par exemple). Pour Katsuhiro Yamaguchi, un de ses fondateurs, les principales raisons en sont que ses activitÈs recouvraient des spectacles musicaux et thÈtraux et qu'il Ètait donc difficile de les discuter uniquement en terme d'art ; la seconde est qu'il mixait une approche constructiviste avec un intÈrÍt pour les media et la technologie et la troisiËme que le style de chacun des membres Ètait trËs diffÈrents et qu'il n'y avait donc pas de d'identitÈ formelle Experimental Workshop aisÈment reconnaissable ; enfin, nombre de ses activitÈs Ètaient ÈphÈmËres plutÙt que des objets durables et il n'y a que peu de documentation sur le travail accompli146. L'activitÈ du groupe a cessÈ autour de 1957. Outre Yamaguchi, artiste visuel, les musiciens furent les seuls poursuivre dans le domaine de l'art Èlectronique (parmi eux Takemitsu et Yuasa).
Aujourd'hui, expÈrimentation renvoie Ègalement au vacillement des modËles. Au quotidien, comme dans la science ou dans l'art, nous devons apprendre vivre avec et gÈrer l'incertitude.
Nous avons retenu l'adjectif culturelle pour mettre en avant la multiplicitÈ indispensable des approches et des disciplines et le fait que l'art fut-il Èlectronique existe dans et appartient des sphËres hÈtÈrogËnes.
Partant de cette dÈfinition, quelles peuvent Ítre plus concrËtement les caractÈristiques des Cellules d'ExpÈrimentation Culturelle ?
Leur champ d'action concerne essentiellement l'art en crÈation et l'art rÈcent. Ce sont d'abord des lieux de crÈation et de production, dotÈs d'une large gamme d'Èquipements. Si ce dernier peut Ítre haut de gamme, il ne faut pas oublier que l'on peut faire beaucoup de choses avec un Èquipement moyen, ou mÍme bas de gamme. Des collaborations sont toujours possibles pour des matÈriels trËs particuliers. Il est toujours plus facile de traiter d'institution institution, que d'artiste institution.
Ce sont aussi des lieux de monstration. Cependant aucun btiment ne rÈpondra jamais toute les attentes ni toutes les Èvolutions. Les espaces peuvent Ítre donc modestes, mais surtout flexibles et, l encore, des manifestations peuvent Ítre montÈes avec d'autres structures et dans les lieux "dÈcalÈs" que nous avons ÈvoquÈs dans la section III. Un spectacle multimÈdia ou technologique sera toujours mieux accueilli dans une "vraie" salle de spectacle que dans un auditorium mal adaptÈ. Ces lieux pourraient inclure au minimum : des studios de crÈation, une mÈdiathËque accessible au public, un auditorium pour des confÈrences, projections, etc., des salles pour des cours et des formations et une ou deux salles pour des expositions.
Les cellules d'expÈrimentation culturelle peuvent ainsi rÈpondre aux deux modËles de mise disposition des úuvres au public (la monstration et l'accËs) ainsi qu'au premier modËle de conservation (archivage/documentation).
L'essentiel est que ces lieux doivent rester adaptatifs, Èvolutifs, flexibles, l'Ècoute. Pour Roy Ascott, the emphasis will be more on action, interaction and construction, than storage, classification and interpretation. The Digital Museum becomes a site of transformation147. Ces espaces doivent Ítre not reactive but anticipatory, not imposing perspectives on the history of art, but opening up a pool of possibilities which emerge as the prospect for the future of art. It is working at the forward edge of contemporary culture, as an agent of cultural change, as a cause of art practice rather than simply of cultural effect148.
Une Cellule d'ExpÈrimentation Culturelle peut, d'un point de vue thÈorique, Ítre implantÈe partout : dans un musÈe, une universitÈ, un laboratoire de recherche, etc. Cependant, le poids des structures, des environnements, des habitudes d'une part, l'Èvolution artistique et sociale d'autre part, font que des lieux spÈcialisÈs sont les plus mÍme de rÈpondre aux enjeux, comme le souligne Roy Ascott : It is true that even the most traditionnal space, with little alteration can house electronic art [...] but we are approaching that critical point in the evolution of interactive, online, cyberspacial, virtual world works of art for which wholly new environmental public interfaces will have to be constructed. The time has come to think about an intelligent architecture to house the art of intelligent systems149.
Au cours de cette Ètude, nous avons prÈsentÈ les diffÈrentes expÈriences en cours dans le monde, chacune avec son orientation, ses choix propres. En France, le projet du MÈtafort s'inscrit dans cette perspective internationale, et dans ce que nous avons dÈfini comme Cellule d'ExpÈrimentation Culturelle, tout en offrant une autre direction de travail et de recherche.
Dans sa prÈsentation150, le MÈtafort indique que sa finalitÈ est de contribuer la maÓtrise sociale et culturelle des technologies multimÈdias, notamment dans les domaines du langage, de l'image, des rÈseaux et de l'espace. Son ambition est de construire une vaste collaboration interdisciplinaire des artistes, des philosophes, des industriels et des publics travers la rÈalisation de projets multimÈdias. Ces projets intËgrent un contenu artistique, un dispositif technologique et une dimension sociale.
Le projet du MÈtafort se structure autour de huit pÙles : MÈtaforum pour les colloques, confÈrences, concerts, etc. ; l'accueil des projets ; le pÙle industriel ; le pÙle formation ; l'espace de crÈation composÈ d'espaces de travail et de production ; l'atelier de recherche qui rassemble, le temps d'un projet, les Èquipes nÈcessaires autour de chercheurs expÈrimentÈs ; la rÈsidence d'artistes ; la multimÈdiathËque.
Pour Pascal Santoni151, la monstration dans le cadre du MÈtafort doit porter sur des projets en train de se faire, avec le dÈfi conceptuel et organisationnel que cela suppose. La monstration s'organisera aussi autour de thÈmatiques ou d'úuvres particuliËres. Elle peut porter sur un art en crÈation, ou sur des úuvres plus historiques, mais elle doit Ítre accompagnÈe de discussions, de dÈbats, autour de ce qui est prÈsentÈ, afin de permettre une formation des publics. Dans tous les cas, le MÈtafort ne sera pas un lieu de monstration permanente, avec une programmation long terme, mais il entend pouvoir rÈagir rapidemment, autour de questions "chaudes".
CONCLUSION [RS] [RSS]
Nous avons posÈ les bases de cette Ètude en mai 1995 et l'avons terminÈe en novembre 1996. Au cours de cette annÈe et demie, nous avons pu constater une Èvolution sensible dans le monde de l'art Èlectronique. Une discussion serrÈe a surgie pour savoir si l'on pouvait encore parler d'art "Èlectronique" ou si ce terme n'Ètait pas dÈj dÈpassÈ. Dans un clin d'úil aux "ismes", aux "nÈo" et aux "post" de toutes sortes, nous pourrions dire que nous abordons le post-Èlectronique. Plus sÈrieusement, dans une pÈriode o˜ l'Èlectronique, et l'art qui lui est associÈ, commencent Ítre absorbÈs par le social, le dÈbat tÈmoigne du dÈplacement des enjeux, dÈj perceptibles dans la sociÈtÈ et dans l'art. Ces enjeux reposent sur les bio-technologies.
Il faut un certain nombre d'annÈes pour Èlaborer un projet d'espace culturel innovant et le rÈaliser. A l'avant-garde au moment de sa premiËre dÈfinition, il est juste dans le courant principal au moment de son ouverture. Il est urgent que la France s'implique dans ces directions et soutiennent les projets en cours les plus ouverts et les plus flexibles. Il est aussi urgent de commencer rÈflÈchir ce que sera, est, cette culture post-biologique. La proposition de Roy Ascott constitue une excellente base de travail :
There are three principal coordinates which it is necessary to triangulate in the search for the location of culture at this turning of the millenium :
- technoetics (everything that concerns cyberception and the technology of counsciousness)
- artificial life (everything that concerns the emergent processes of nature)
- intelligent architecture (everything that concerns qualities of anticipation and adaptation in environmental systems and structures)152.
[RS] [RSS]
CONCLUSION ET PROPOSITIONS [RS]
PrÈalables
La monstration de l'art est un phÈnomËne social et politique, avant que d'Ítre un phÈnomËne culturel et artistique.
Nous ne voulons pas de "musÈe d'art Èlectronique".
Soutenir la monstration en art Èlectronique, c'est soutenir la crÈation.
A l'issu de ce rapport, nous pouvons envisager des orientations court et moyen termes. Nous n'aborderons pas le long terme : Germaine Soleil, qui fut exposÈe au MusÈe Galiera par Fred Forest, Ètant morte.
Certaines actions sont simples, peu co°teuses et relËvent des lignes et des enveloppes budgÈtaires existantes. D'autres sont plus ambitieuses. Elles mobilisent des crÈdits plus importants, plusieurs directions du ministËre de la culture et, dans certains cas, plusieurs ministËres ou partenaires publics.
1 - Information
- Soutien l'Èdition classique, sur CD-ROM et en ligne, de documents et d'ouvrages sur l'art Èlectronique, sur les artistes et sur les aspects thÈoriques en franÁais.
- Aide la traduction. L'essentiel de la documentation est en anglais.
2 - Formation
Divers types de formation peuvent Ítre envisagÈs : confÈrences, sÈminaires, voyages d'Ètude, rencontres avec des artistes, etc.
Ces formations peuvent Ítre d'ordre technique et pratique, thÈorique, informatif.
Quatre type de publics en sont les principaux destinataires :
- les professionnels de l'art : conservateurs, commissaires, directeurs de centres d'art, etc.
- les professionnels de la culture : DRAC, conseillers culturels, directeurs de thÈtres, etc.
- les documentalistes et bibliothÈcaires, tant dans les lieux de l'art que dans les lieux pour le grand public.
- les mÈdiateurs culturels : journalistes, critiques d'art. Une action en coopÈration avec l'AICA pourrait Ítre mise sur pied.
3 - Les lieux de la monstration
Il semble important de favoriser les conditions d'Èmergence de nouveaux modËles, mais Ègalement l'adaptation des anciens, quand la volontÈ d'Èvoluer est prÈsente. Dans tous les cas, le soutien ne peut se faire qu'en respectant la diversitÈ et la pluralitÈ des approches.
- Aide l'implantation d'une Cellule d'ExpÈrimentation Culturelle en France.
- Soutien aux iniatives existantes ayant fait leurs preuves.
- Soutien aux centres d'art les plus dynamiques et volontaristes en la matiËre.
- Soutien aux mÈdiathËques et dÈveloppement des "accËs" l'art Èlectronique, notamment par le biais du rÈseau Internet.
- Aide la constitution d'archives historiques et documentaires (cela peut relever de plusieurs organismes selon les sujets et les thÈmatiques).
4 - Les artistes
Le systËme d'aides actuelles peut convenir la plupart des projets. D'autres cependant, ne peuvent se dÈvelopper avec ce schÈma, notamment l'art sur Internet.
Pour crÈer sur Internet, les artistes ont besoin : d'un Èquipement de base, moyen de gamme, d'une connection, d'une compÈtence technique minimum, et d'une aide informatique. Les serveurs d'accueil se trouvent assez facilement.
Une aide l'Èquipement, un an de connection gratuite, une formation et une aide technique pourraient Ítre proposÈs aux artistes ayant des projets. Pour les artistes qui ne pourraient pas continuer dÈvelopper et maintenir techniquement leurs sites seuls, des systËmes pourraient Ítre mis en place afin de leur permettre d'accÈder une assistance technique un moindre co°t.
5 - Financement et Èvaluation
Il est important de ne pas figer les choses : des aides pourraient Ítre accordÈes des expÈriences et/ou des artistes, pour des programmes et des projets prÈcis. Une Èvaluation pÈriodique, par rapport aux orientations de dÈpart (et non sur des critËres de jugement esthÈtique), pourrait Ítre effectuÈe afin de ne pas soutenir, "parce qu'on a commencÈ", des projets qui s'enferment dans des voies sans issue et au contraire, d'aider davantage ceux qui progressent, ou de nouveaux projets.
Un dÈcloisonnement et un redÈcoupage des directions du ministËre de la culture permettrait Ègalement de mieux prendre en compte l'art Èlectronique.
Enfin, il serait utile de considÈrer un rÈÈquilibrage des aides entre la crÈation classique et les pratiques artistiques relevant de l'art Èlectronique.
[RS]
CONCLUSION ET PROPOSITIONS [RS]
PrÈalables
La monstration de l'art est un phÈnomËne social et politique, avant que d'Ítre un phÈnomËne culturel et artistique.
Nous ne voulons pas de "musÈe d'art Èlectronique".
Soutenir la monstration en art Èlectronique, c'est soutenir la crÈation.
A l'issu de ce rapport, nous pouvons envisager des orientations court et moyen termes. Nous n'aborderons pas le long terme : Germaine Soleil, qui fut exposÈe au MusÈe Galiera par Fred Forest, Ètant morte.
Certaines actions sont simples, peu co°teuses et relËvent des lignes et des enveloppes budgÈtaires existantes. D'autres sont plus ambitieuses. Elles mobilisent des crÈdits plus importants, plusieurs directions du ministËre de la culture et, dans certains cas, plusieurs ministËres ou partenaires publics.
1 - Information
- Soutien l'Èdition classique, sur CD-ROM et en ligne, de documents et d'ouvrages sur l'art Èlectronique, sur les artistes et sur les aspects thÈoriques en franÁais.
- Aide la traduction. L'essentiel de la documentation est en anglais.
2 - Formation
Divers types de formation peuvent Ítre envisagÈs : confÈrences, sÈminaires, voyages d'Ètude, rencontres avec des artistes, etc.
Ces formations peuvent Ítre d'ordre technique et pratique, thÈorique, informatif.
Quatre type de publics en sont les principaux destinataires :
- les professionnels de l'art : conservateurs, commissaires, directeurs de centres d'art, etc.
- les professionnels de la culture : DRAC, conseillers culturels, directeurs de thÈtres, etc.
- les documentalistes et bibliothÈcaires, tant dans les lieux de l'art que dans les lieux pour le grand public.
- les mÈdiateurs culturels : journalistes, critiques d'art. Une action en coopÈration avec l'AICA pourrait Ítre mise sur pied.
3 - Les lieux de la monstration
Il semble important de favoriser les conditions d'Èmergence de nouveaux modËles, mais Ègalement l'adaptation des anciens, quand la volontÈ d'Èvoluer est prÈsente. Dans tous les cas, le soutien ne peut se faire qu'en respectant la diversitÈ et la pluralitÈ des approches.
- Aide l'implantation d'une Cellule d'ExpÈrimentation Culturelle en France.
- Soutien aux iniatives existantes ayant fait leurs preuves.
- Soutien aux centres d'art les plus dynamiques et volontaristes en la matiËre.
- Soutien aux mÈdiathËques et dÈveloppement des "accËs" l'art Èlectronique, notamment par le biais du rÈseau Internet.
- Aide la constitution d'archives historiques et documentaires (cela peut relever de plusieurs organismes selon les sujets et les thÈmatiques).
4 - Les artistes
Le systËme d'aides actuelles peut convenir la plupart des projets. D'autres cependant, ne peuvent se dÈvelopper avec ce schÈma, notamment l'art sur Internet.
Pour crÈer sur Internet, les artistes ont besoin : d'un Èquipement de base, moyen de gamme, d'une connection, d'une compÈtence technique minimum, et d'une aide informatique. Les serveurs d'accueil se trouvent assez facilement.
Une aide l'Èquipement, un an de connection gratuite, une formation et une aide technique pourraient Ítre proposÈs aux artistes ayant des projets. Pour les artistes qui ne pourraient pas continuer dÈvelopper et maintenir techniquement leurs sites seuls, des systËmes pourraient Ítre mis en place afin de leur permettre d'accÈder une assistance technique un moindre co°t.
5 - Financement et Èvaluation
Il est important de ne pas figer les choses : des aides pourraient Ítre accordÈes des expÈriences et/ou des artistes, pour des programmes et des projets prÈcis. Une Èvaluation pÈriodique, par rapport aux orientations de dÈpart (et non sur des critËres de jugement esthÈtique), pourrait Ítre effectuÈe afin de ne pas soutenir, "parce qu'on a commencÈ", des projets qui s'enferment dans des voies sans issue et au contraire, d'aider davantage ceux qui progressent, ou de nouveaux projets.
Un dÈcloisonnement et un redÈcoupage des directions du ministËre de la culture permettrait Ègalement de mieux prendre en compte l'art Èlectronique.
Enfin, il serait utile de considÈrer un rÈÈquilibrage des aides entre la crÈation classique et les pratiques artistiques relevant de l'art Èlectronique.
[RS]
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A - GÈnÈrale
B - SpÈcialisÈe
* * * * *
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[RS] [RSS]
1 FRANCASTEL Pierre, La Figure et le lieu, Paris, Gallimard, 1967.
2 MusÈe vient du grec museion. Institution publique culturelle crÈÈe par PtolemÈe Ier Soter Alexandrie au 3Ëme siËcle avant JC, elle dÈsigne un lieu de rÈunion et dÈtude. (EncyclopÈdie de lart, la pochothËque, Milan, Garzanti, 1991).
3 Dans un traitÈ de 1727, un marchand de Hambourg, Caspar Neickel, donnait aux amateurs des conseils sur le choix des locaux les plus aptes accueillir les objets de collection.
4 Pour approfondir lÈtude de lapport de la philosophie la pensÈe de lart, se rÈfÈrer louvrage de Jean-Marie Schaeffer, Lart de lge moderne, nrf, Paris, essai Gallimard, 1992.
5 DEOTTE Jean-Louis, Le musÈe, lorigine de lesthÈtique, Paris, Lharmattan, 1993.
6 Le dÈcret du 27 juillet 1793 instaure le musÈum central des arts de la RÈpublique dans la grande galerie du Louvre. Seront crÈÈs la mÍme pÈriode le musÈum dhistoire naturelle, le musÈe des monuments franÁais et celui des techniques.
7 WARD Marthe, What's Important about the History of Modern Art Exhibitions ? in Thinking about Exhibition, sous la direction de Reesa Greenberg, Bruce W. Ferguson, Sandy Nairme, London, Routledge, 1996.
8 MONNIER GÈrard, Lart et les institutions en France, Paris, Gallimard, 1995.
9 STIEGLER Bernard, La dÈsorientation, Paris, Ed. GalilÈe, 1996.
10 op. citÈ.
11 C'est par exemple le musÈe Pio Clementino du Vatican (1775 1782), puis la glyptothËque de Munich par LÈo von Klenze (1816-1830) ou le Altes Museum de Berlin.
12 Construit par NapolÈon III de 1852 1857 puis de 1865 1870.
13 BOURDIEU Pierre et DARBEL Alain, LAmour de lart, Paris, Les Editions de Minuit, 1967.
14 Des chiffres pour la culture, Paris, La Documentation FranÁaise, 1980.
15 DÈveloppement Culturel, nƒ 105, octobre 1994, Un nouveau regard sur les musÈes, analyse dO. Donnat et O. Bouquillard pour le DÈpartement des Ètudes et de la prospective et pour la Direction des MusÈes de France.
16 BENNET Tony, The Exhibitionary Complex, in Thinking about Exhibition, op. citÈ.
17 rapportÈ par SZEEMANN Harald,
crire les expositions, La lettre volÈe, Paris, 1996.
18 in les Cahiers du MusÈe national dart moderne, nƒ hors sÈrie, 1989.
19 SZEEMANN Harald, op. citÈ.
20 BUREN Daniel, Exposition dune exposition, Catalogue Documenta 5, Kassel, 1972.
21 SZEEMANN Harald, op. citÈ.
22 SZEEMANN Harald, op. citÈ.
23 SZEEMANN Harald, op. citÈ.
24 SZEEMANN Harald, op. citÈ.
25 MOULIN Raymonde, Lartiste linstitution et le marchÈ, Paris, Flammarion, 1992.
26 Le Monde 25, 26, 27 et 28 mai 1993.
27 Par art "traditionnel" nous entendons toute forme d'art non-Èlectronique, qu'elle soit contemporaine ou plus ancienne, sans aucun jugement positif ou nÈgatif. L'art Èlectronique Ètant un art contemporain, les comparaisons que nous effectuerons seront en regard de celui-ci lorsque nous utiliserons ce vocable, sauf spÈcification. Nous utiliserons indiffÈremment les adjectifs "traditionnel" et "classique".
28 Nous employons ici mÈtaphoriquement deux termes issus l'un de la mathÈmatique et l'autre de la chimie.
29 Ouvrage publiÈ en 1969 aux Èditions Tchou.
30 URL : http://www.artcom.de/projects/ping/
31 LAUREL Brenda, Computers as Theatre, Addison-Wesley, 1993.
32 C'est prÈcisÈment le cas d'Osmose, úuvre de rÈalitÈ virtuelle de l'artiste Char Davies. Dans Osmose on a le sentiment de participer l'action alors que l'on ne fait rien d'autre que de se dÈplacer dans l'environnement virtuel. Cet exemple, dans l'art, rejoint celui que cite Laurel de ce que pourrait Ítre une "ballade virtuelle" sur la Lune.
33 [Autrefois] J'ai dit que l'interactivitÈ se situait dans un continuum qui pouvait Ítre caractÈrisÈ par trois variables : la frÈquence (le nombre de fois o˜ vous pouviez interagir) ; l'ampleur (combien de choix s'offraient vous) ; la signification (comment les choix affectaient vraiment les choses).
Aujourd'hui je crois que ces variables ne fournissent qu'une part de la dÈfinition. Il y a une autre mesure, plus ÈlÈmentaire, de l'interactivitÈ : vous vous sentez engagÈ dans l'action en cours de reprÈsentation ou non. Une orchestration rÈussie des variables de frÈquence, ampleur et signification peut aider crÈer ce sentiment, mais il provient Ègalement d'autres sources - par exemple l'immersion sensorielle et le couplage serrÈ de l'input cinesthÈtique et de la rÈponse visuelle.
[...] Elle (l'interactivitÈ) vous permet d'agir au sein d'une reprÈsentation.
Traduction : Annick Bureaud.
34 Au sens anglais de ce mot, donc en franÁais nous dirions " jouer".
35 op. citÈ.
36 C'est nous qui soulignons.
37 PubliÈ dans Leonardo Electronic Almanac, volume 1, numÈro 2, octobre 1993.
Traduction : Annick Bureaud.
38 Oeuvre sur le rÈseau Internet initiÈe par le groupe SITO et Ed Stastny, HyGrid est une úuvre dynamique hypertextuelle collaborative base de carrÈs ajoutÈs par les participants et liÈs entre eux.
URL : http://www.sito.org/synergy/hygrid/
39 POISSANT Louise, ElÈments pour une esthÈtique des arts mÈdiatiques, in Poissant Louise, sous la direction de, EsthÈtique des Arts MÈdiatiques, Presses de l'UniversitÈ du QuÈbec, Collection EsthÈtique, 1995, tome 1.
40 Pour exemple Petting de Kees Aafjes, sculpture prÈsentÈe sur un socle qui parle quand on la caresse.
41 Pour exemple Petit Mal de Simon Penny, robot sur roulettes qui va vers les gens quand il les voit ou Aldebrecht de Martin Spaanjard, boule qui Èvolue selon que l'on s'occupe ou non d'elle dans l'espace qu'on lui a allouÈ, ou encore Listening de FÈlix Hess, petits robots qui Èmettent des sons et bougent quand le silence se fait autour d'eux.
42 Nous nous appuyons ici largement sur le texte de la communication Cinema and Digital Media de Lev MANOVICH, prÈsentÈe Multimediale 4 en 1995 Karlsruhe.
43 My discussion of these types [of screen] relied on two ideas. First, the idea of temporality : the classical screen displays a static, permanent image ; the dynamic screen displays a moving image of the past and finally, the real-time screen shows the present. Second, the relationship between the space of the viewer and the space of the representation (I defined the screen as a window into the space of representation which itself exists in our normal space). Lev Manovich, op. citÈ.
Mon argumentation sur ces deux catÈgories [d'Ècran] repose sur deux idÈes : premiËrement l'idÈe de temporalitÈ : l'Ècran classique montre une image statique, permanente ; l'Ècran dynamique montre une image en mouvement appartenant au passÈ et enfin l'Ècran du temps rÈel montre le prÈsent. DeuxiËmement la relation entre l'espace du spectateur et l'espace de la reprÈsentation (je dÈfinis l'Ècran comme une fenÍtre ouverte sur un espace de reprÈsentation, fenÍtre qui existe elle-mÍme dans notre espace normal).
Traduction : Annick Bureaud.
44 Avec les comportements induits qu'il peut susciter : refus (c'est comme au travail), peur (je ne sais pas me servir de Áa), "ludique frÈnÈtique" (c'est comme un jeu d'arcade), etc.
45 opus citÈ.
46 Le problËme avec les arts mÈdiatiques [nous utilisons ici la traduction des Canadiens] (et notamment avec la vidÈo qui a acceptÈ l'Ècran de tÈlÈvision comme forme d'exposition) est que, la plupart du temps, ils ne traitent pas de maniËre crÈative l'exposition. Mettre un CD-ROM dans un ordinateur et l'ordinateur dans une salle ne suffit pas. L'aspect formel de l'exposition devrait recevoir autant de soins que le contenu du travail. Un Ècran d'ordinateur est dÈj un objet, avec une prÈsence physique dans l'espace physique du spectateur. Les artistes [et nous ajoutons les organisateurs et commissaires] devraient se sentir tout autant concernÈs par ce qui se passe dans l'espace physique (le corps du spectateur, l'espace, l'Ècran) que par se qui se passe dans l'espace virtuel de l'Ècran.
Traduction : Annick Bureaud.
47 Pour les installations interactives incluant le rÈseau Internet on peut souligner que l'interactivitÈ se situe le plus souvent dans l'espace physique et dans le rÈseau, ainsi de RARA AVIS d'Eduardo Kac, crÈÈe dans le cadre de l'exposition artistique des Jeux Olympiques d'Atlanta en 1996. RARA AVIS se composait d'une voliËre remplie d'oiseaux "rÈels" et d'un perroquet tÈlÈ-robotique muni de deux camÈras. Le public sur place voyait la voliËre, la personne en interaction avec le tÈlÈ-robot et le tÈlÈ-robot. Une personne du public contrÙlait distance les mouvements du tÈlÈ-robot (rotation de la tÍte) et, avec un casque de rÈalitÈ virtuelle, voyait l'environnement (la voliËre et lui-mÍme) par l'intermÈdiaire de la camÈra de droite du tÈlÈ-robot. Le public sur Internet voyait par l'intermÈdiaire de la camÈra de gauche du tÈlÈ-robot la portion de la scËne sÈlectionnÈe par le manipulateur du tÈlÈ-robot. Il pouvait en outre intervenir verbalement et les sons qu'il envoyait s'incorporaient dans le sensorium physique des oiseaux et du public Atlanta. Le site Web Ètait hÈbergÈ dans le Kentucky.
48 Voir Brenda Laurel, opus citÈ. Cet ÈlÈment est trËs consciemment pris en compte par certains artistes. A la crÈation de Legible City en 1989, lors d'une conversation informelle avec Annick Bureaud (citÈe de mÈmoire), Jeffrey Shaw indiquait pourquoi il avait choisi une bicyclette comme interface : la bicyclette, contrairement au casque de rÈalitÈ virtuelle (trËs en vogue l'Èpoque) ou toute autre interface, est un objet familier dans toutes les cultures et pour toutes les personnes. Elle ne rajoute pas, de ce fait, une difficultÈ supplÈmentaire la dÈcouverte de l'úuvre, qui ne ferait qu'en brouiller sa perception et sa comprÈhension.
49 Citons : Frontiers of Utopia de Jill Scott, Bar Code Hotel de Perry Hoberman, Fruit Machine d'Agnes Heged¸s, Interactive Plant Growing et A-Volve de Christa Sommerer et Laurent Mignonneau.
50 Depuis la rÈdaction de cette Ètude, un autre centre s'est dotÈ du systËme CAVE des fins artistiques. Il s'agit de l'ICC (InterCommunication Center) de Tokyo.
51 Comme Eye on Earth de Tom van Sant ou Le signe de la Terre de Pierre Comte.
52 La superbe intervention Ile sonore de Bill Fontana sur l'Arc de Triomphe Paris en 1994 ne s'est pas faite sans quelques problËmes.
53 POPPER Frank, Art, Action et Participation : l'artiste et la crÈativitÈ aujourd'hui, Paris, Klincksieck, 1985.
54 Nous empruntons ce terme au thÈoricien canadien RÈjean Dumouchel.
55 A SIGGRAPH 95, cette tendance Ètait particuliËrement perceptible avec un leitmotiv de la part des artistes sur l'indÈpendance que leur offraient ces technologies, indÈpendance technique et par rapport aux institutions et aux conservateurs.
56 Interview du 8 novembre 1995.
57 Conversation informelle de l'artiste avec Annick Bureaud en juillet 1996.
58 Etat de fait que nous avons pu vÈrifier sur place lors de nos visites de la Biennale effectuÈes des moments diffÈrents (au tout dÈbut, au milieu et le dernier week-end).
59 FRANKE Herbert, The Latest Developments in Media Art, Leonardo Electronic Almanac, Vol. 4, nƒ 4, April 1996.
L'attitude de beaucoup de ces nouveaux experts est encore ancrÈe dans des faÁons de penser conventionnelles et, mÍme lorsqu'ils sont confrontÈs avec des images numÈriques et des sÈquences vidÈo, ils pensent encore en terme "d'original" et de piËces uniques. La possibilitÈ de "reproductibilitÈ illimitÈe", selon le terme de Walter Benjamin, est une Èpine dans leur pied. Mais pire encore : beaucoup essaient d'introduire les critËres de style de l'art officiel actuel dans les images numÈriques. Ceci se retrouve dans la sÈlection des images pour les expositions, les publications, dans les prix remis aux artistes ; cela prÈside l'attribution de bourses et de soutiens.
Traduction : Annick Bureaud.
60 Mais quelque part, dans des salles de musÈes, il y aura toujours des "experts-dinosaures" assis en face d'installations de moniteurs empilÈs avec des Ècrans clignotants -aprËs tout, c'est le hardware qui caractÈrise ces úuvres en tant qu'art. C'est seulement dans le hardware que l'Èlite du passÈ sera capable de trouver les originaux et les piËces d'art uniques.
Traduction : Annick Bureaud.
61 cf. HEINICH Nathalie et POLLAK Michael, From Museum Curator to Exhibition Auteur - Inventing a singular position, in Thinking About Exhibition, opus citÈ.
62 Les termes entre guillements sont extraits des interviews que nous avons rÈalisÈes.
63 D'o˜ l'image "d'hopitaux" frÈquemment associÈe la monstration de l'art Èlectronique dans les musÈes d'art contemporain.
64 La sÈmantique de ce texte est particuliËrement riche et significative d'une certaine attitude des musÈes d'art contemporain. Il aurait pu dire "les sculptures sont fragiles, ne pas les toucher" ce qui aurait ÈtÈ une position de responsabilisation et d'implication des visiteurs. Dans sa formulation, il exclut le public "aux mains sales" et implique que mÍme si nous sommes entre personnes "aux mains propres", les úuvres restent intouchables, sauf par les conservateurs du musÈe.
65 PRINCE Patric, The Aesthetics of Exhibition : A Discussion of Recent American Computer Art Shows, Leonardo, Supplemental Issue, Electronic Art, FISEA Utrecht, 1988.
66 Nous avons entendu plusieurs fois dans la bouche d'artistes : "oh Áa, c'est une úuvre que j'ai faite pour la galerie, ils voulaient des objets".
67 URL : http://www.dotcomgallery.com/
68 Voir ce sujet l'excellent article d'Andrew Pepper, Beyond the Gallery Ghetto publiÈ dans The Creative Holography Index, Volume 2, nƒ 2, 1994 qui expose les diffÈrents exemples.
69 C'est pourquoi des expressions comme "images du futur" ou "images qui dÈpassent l'imagination" ou "art du futur" s'inscrivent dans une reprÈsentation historique et futuriste de l'art mais sont des aberrations conceptuelles.
70 Sources : A Curious Alliance, The Role of Art in a Science Museum, brochure publiÈe par l'Exploratorium en 1994 et interview de Goery DelacÙte, directeur de l'Exploratorium, le 3 ao°t 1995.
71 "Manipulation" et son raccourci "manip" sont des termes constamment utilisÈs, notamment par Goery DelacÙte, pour nommer les installations scientifiques et/ou artistiques de l'Exploratorium.
72 The museum context requires that each work produced by these artists communicates successfully to as large a cross-section of the general public as possible and that each relates in a significant way, to current interests (in A Curious Alliance, the Role of Art in Science Museum).
Le contexte du musÈe exige que chaque piËce produite par ces artistes soit aussi grand public que possible et que chacune soit en relation significative avec ses centres d'intÈrÍt actuels.
Traduction : Annick Bureaud.
73 Les artistes au sein du programme doivent se conformer une attitude scientifique en adoptant les mÈthodes et les protocoles de la science. Ils effectuent leur recherche en dÈveloppant des hypothËses, en construisant des prototypes et en les testant (in A Curious Alliance, the Role of Art in Science Museum).
Traduction : Annick Bureaud.
74 Le programme AIR a souvent ÈtÈ virtuellement invisible pour certaines personnes du monde de l'art parce que ses úuvres sont "camouflÈes" en manipulations scientifiques.
Traduction : Annick Bureaud.
75 L'artistique donne un cadre de plaisir, de commentaire culturel ou mÈtaphorique au scientifique.
76 Leonardo Electronic Almanac, Vol. 2, nƒ 1, January 1994.
Traduction : Annick Bureaud.
77 RÈfÈrences : courrier Èlectronique de Stephen Wilson Annick Bureaud du 21 avril 1995 ; interview de Stephen Wilson le 1er ao°t 1995 et de Judy Malloy le 2 ao°t 1995.
78 http://www.siggraph.org/home.html
79 Le rappel historique des expositions SIGGRAPH repose sur deux articles de Patric Prince publiÈs dans la revue Leonardo :
PRINCE Patric, The Aesthetics of Exhibition : A Discussion of Recent American Computer Art Shows, Leonardo, Supplemental Issue, Electronic Art for FISEA, Utrecht, 1988.
PRINCE Patric, A Brief History of SIGGRAPH Art Exhibitions : Brave New Worlds, Leonardo, Supplemental Issue, Computer Art in Context for ACM SIGGRAPH '89, 1989.
80 Interview avec l'artiste, 5 octobre 1995.
81 A la date o˜ nous Ècrivons, soit en juillet 1996.
82 Extraits d'interviews. Toutes les citations sont exprimÈes en franÁais, quelle que soit la langue d'origine de nos interlocuteurs.
83 idem.
84 ibid.
85 D'aprËs nos interviews.
86 Il semble que le public de l'exposition ait ÈtÈ trËs large dans ses composantes socio-professionnelles et socio-culturelles. Pour l'anecdote, c'est la premiËre fois que nous avons vu des policiers "en tenue", et n'appartenant pas la sÈcuritÈ de l'exposition, visiter une telle manifestation.
87 L'ouverture du Centre ne change pas les choses en profondeur. Si l'AEC offre un lieu d'expÈrimentation largement ÈquipÈ, il reste trop petit pour les dimensions du festival qui doit s'Ètendre d'autres lieux de la ville.
88 Le public local ne frÈquente vraiment que certains spectacles et concerts, ou les ÈvÈnements en plein air.
89 Images du Futur a cessÈ en 1997.
90 D'aprËs les comportements que nous avons pu observer.
91 Comme ce fut le cas pour A-Volve de Christa Sommerer et Laurent Mignonneau, prÈsentÈe Linz alors que tous les dÈveloppements de l'úuvre n'Ètaient pas terminÈs.
92 Sources : documents Ècrits et site Web, Ars Electronica.
Traduction : Annick Bureaud.
93 URL : http://www.aec.at
94 Interview le 18 mai 1995.
95 Interview de B. Serexhe.
96 Sources : documents et brochures ICC.
Traduction : Annick Bureaud.
97 Sources : interview avec Alex Adriaansens le 22 juin 1995, documents Ècrits et site Web de V2, URL : http://www.v2.nl
Traduction : Annick Bureaud.
98 Interview le 23 juin 1995.
99 Comme en tÈmoignent les dÈboires financiers l'ÈtÈ 1996 d'un certain nombre de sociÈtÈs spÈcialisÈes dans la fourniture d'accËs et de services en ligne. Il faut cependant souligner que la politique de l'opÈrateur franÁais des tÈlÈcom ne favorise pas un taux d'expansion ÈlevÈ, ni la politique de la TVA, ni l'attitude des mÈdias et d'un certain nombre d'intellectuels.
100 Angoisse des "read me first" et des "known incompatibilities" ; affres des "reboot" ; saveur d'un vocabulaire abscons qui n'appartient mÍme plus l'anglais, tant dÈcriÈ par nos acadÈmiciens toujours en retard d'une guerre, mais "l'informaticien", bien pire, mais que nous utilisons tous, par incantation, feignant d'organiser, par le langage, ce que nous ne comprenons pas ; bataille pour trouver les bons "plugs-in", les rapatrier, les installer de faÁon ce qu'ils veuillent bien fonctionner ; dÈlice des "aides en ligne" o˜ un petit malin, l'autre bout du monde, a trouvÈ la solution et a la bontÈ de la partager avec le reste de la planËte ; frisson et plaisir du milieu de la nuit quand, enfin, l'úuvre se rÈvËle dans son entiËre plÈnitude, et que le "Mac cesse de planter".
101 SHERMAN Tom, The "Finished" Work of Art is a Thing of the Past, Actes du 6Ëme Symposium des Arts Electroniques, ISEA 95, MontrÈal.
102 cf. HEIM Michael, The Erotic Ontology of Cyberspace, in BENEDIKT Michael, edited by, Cyberspace, First Steps, Cambridge, MIT Press, 1991.
103 NEGROPONTE Nicholas, L'homme numÈrique, Paris, Robert Laffont, 1995 (Èdition originale Being Digital, New York, Alfred A.Knopf, 1995).
104 cf. BENEDIKT Michael, Introduction, in Benedikt Michael, op. citÈ.
105 NOVAK Marcos, Liquid Architecture in Cyberspace, in Benedikt Michael, op. citÈ.
"Etre l" est la mÈtaphore clÈ pour le cyberespace, o˜ tant "Ítre" que "l" sont des variables contrÙlÈes par l'utilisateur.
Traduction : Annick Bureaud.
106 NOVAK Marcos, in Benedikt Michael, op. citÈ.
Il n'y a pas de corridors dans le cyberespace, seulement des piËces, petites ou grandes. Ces piËces sont reprÈsentÈes par des noeuds dans mon logiciel de navigation. Ces piËces permettent des utilisateurs diffÈrents de partager le mÍme univers ainsi que de se renconter et d'interagir avec les mÍmes objets.
Traduction : Annick Bureaud.
107 BISHOP Ann Peterson, SQUIER Joseph, Artists on the Internet, Ètude rÈalisÈe l'UniversitÈ de l'Illinois Urbana-Champaign, communiquÈe lors de la confÈrence de l'Internet Society, INET, en 1995 et accessible :
http://www.isoc.org/in95prc/HMP/PAPER/057/abst.html
Tous les artistes interviewÈs Ètaient excitÈs par la possibilitÈ qu'offre le rÈseau de rompre avec ce qui est perÁu comme un contrÙle Èlitiste des institutions (que ce soient les musÈes, le NEA, les agents, les Èditeurs et les distributeurs).
Traduction : Annick Bureaud.
108 BISHOP Ann, op. citÈ.
Le rÈseau lui-mÍme n'est ouvert actuellement qu' ceux qui ont des compÈtences techniques et des ressources financiËres certaines : l'accËs l'art sur le rÈseau est encore largement rÈservÈ une Èlite d'artistes et d'utilisateurs.
Traduction : Annick Bureaud.
109 BISHOP Ann, op. citÈ.
[les artistes interviewÈs] reconnaissent qu'ils doivent avoir plus d'expÈrience avec le medium avant de pouvoir comprendre la subtilitÈ de ses potentiels. Une artiste remarque que le travail qu'elle a montrÈ @art Gallery avait ÈtÈ originellement crÈÈ pour un autre medium. Elle pense que, la prochaine fois, elle saura mieux ce qu'elle doit faire, comme utiliser des images plus petites qui seront plus rapides tÈlÈcharger et plus faciles voir sur l'Ècran et aussi crÈer des liens plus spÈcifiques la nature et la thÈmatique de l'úuvre. Un autre artiste note "qu'il n'a pas encore trouvÈ la bonne forme" ni mÍme "les bons concepts" pour rompre avec l'habitude mentale qui consiste associer l'art avec des espaces physiques et des objets.
Traduction : Annick Bureaud.
110Interview avec Judy Malloy le 2 ao°t 1995.
111 Voir cet Ègard non seulement tout un pan de la science fiction contemporaine, notamment les romans dit "cyberpunk" mais aussi tout le discours d'un certain nombre de scientifiques comme Marvin Minsky et surtout Hans Moravec qui n'envisage pas moins que le tÈlÈchargement de la mÈmoire des individus dans des ordinateurs.
112 TIJEN Tjebbe van, Ars Oblivivendi, in catalogue Ars Electronica 96, Memesis, The Future of Evolution, Springer Verlag, Wien, 1996.
La culture populaire n'est pas conservÈe par les archivistes. Mc Luhan appelait cela "la loi des archives" : ce qui est le plus rÈpandu est souvent le plus nÈgligÈ par les conservateurs et les archivistes qui ont tendance ne pas aimer la "culture des classes populaires" de leur temps.
Traduction : Annick Bureaud.
113 Oeuvres de rÈalitÈ virtuelle produites Banff pendant la durÈe du programme.
114 MOSER Mary Anne, MacLeod Douglas, Immersed in Technology, Art and Virtual Environments, MIT Press, Leonardo Book Serie, 1996.
Beaucoup de ces travaux ne seront jamais plus montrÈs. Certains sont simplement trop complexes remonter. Dans d'autres cas, l'Èquipe d'artistes et de programmeurs qui a produit l'úuvre s'est dispersÈe, emportant avec elle le savoir prÈcis pour l'assemblage et l'installation d'une úuvre particuliËre.
Traduction : Annick Bureaud.
115 http://www.tnc.net
116 In catalogue Ars Electronica 96, opus citÈ.
On February 4, 1996, at approximately 4 p.m., for the first time in recorded human history, a Web site together with its Web master was catapulted out into the great virtual beyond.
Traduction : Annick Bureaud.
117 Interview le 23 juin 1995.
118 Par exemple l'installation Nord versus Sud de Piero Gilardi, prÈsentÈe Artifices 2 en 1992, impliquait que l'on se dÈchausse et que l'on se couche sur une plate-forme sur laquelle Ètaient figurÈs les continents.
119 FARAH Mary Anne, Feature article, Leonardo Electronic Almanac, Volume 3, nƒ 10, October 1995.
120 J'y ai exposÈ l'installation The Entropy Machine. Pendant mon sÈjour MontrÈal, j'ai rÈalisÈ combien il Ètait difficile d'exposer ce travail. Par l'expression "art interactif" on entend de plus en plus l'interaction avec une úuvre par le biais d'une souris, d'un clavier, d'un gant de donnÈes, etc. avec l'obtention d'une rÈponse immÈdiate. Les spectateurs de mon installation s'Èvertuaient chercher des boutons cachÈs pousser, ne sachant pas que leur prÈsence mÍme suffisait. Et ne sachant pas qu'en fait leur interaction changeait la piËce d'une maniËre douce et lente. Mais est-ce que les úuvres interactives doivent finir en jeux vidÈo culturels ? Et les expositions en salles de jeux d'arcade ?
Correspondance privÈe avec l'artiste du 15 octobre 1995.
Traduction : Annick Bureaud.
121 POPPER Frank, Electra, MusÈe d'Art Moderne de la Ville de Paris, 1983.
122 Cf. SQUIER Joseph, GOGGIN Nan, CHMELEWSKI Kathleen, Electronic Culture and the Training of the 21st Century Artist, in Speculations in Art Education, Vol. 1, nƒ 1, Fall 1994.
123 PENNY Simon, From A to D and back again : the Emerging Aesthetics of Interactive Art, in Leonardo Electronic Almanac, Vol. 4, nƒ 4, April 1996.
Non seulement la comprÈhension de la dynamique de l'expÈrience interactive est limitÈe parmi les artistes mais "la technique des utilisateurs" est inexistante. Il en rÈsulte une crise du sens : l'úuvre ne peut rien "signifier" car l'utilisateur n'en parle pas la langue.
Traduction : Annick Bureaud.
124 BISHOP Ann, op. citÈ.
Traduction : Annick Bureaud.
125 http://gertrude.art.uiuc.edu/@art/gallery.html
126 The Place, http://gertrude.art.uiuc.ludgate/the/place.html
127 Mais les domaines comme org, net, etc. qui ne permettent pas d'identifier le pays n'ont pas ÈtÈ pris en compte.
128Interview le 22 juin 1995.
Le champ [de l'art Èlectronique] est trop vaste, aussi nous avons pensÈ que nous devions dÈfinir des sous-questions, un thËme que nous traiterions. [...] D'abord nous avons un concept. Puis le contrepoint de cette approche. Cela permet de clarifier le dÈbat. Si vous voulez expliquer une position, vous devez aussi montrer la position opposÈe. Cela rend les choses beaucoup plus claires. Cela dÈtermine les limites de chacune des positions que les artistes ont pris et c'est plus comprÈhensible pour le public. Nous essayons de sÈlectionner 5 6 úuvres qui expriment 5 ou 6 attitudes pour la question que nous voulons soulever. Parmi ces travaux nous prenons les 2 positions extrÍmes. Si vous voulez soulever une question dans le domaine de l'art et de la technologie vous avez besoin de "piliers" dans la prÈsentation. Nous faisons cela pour toutes nos manifestations. Cela crÈe un contexte pour le sujet et pour les úuvres. Sinon on perd le point central. Le public veut des choses simples et nous sommes trËs attentifs crÈer un contexte, tout particuliËrement parce que nous avons une approche interdisciplinaire.
Traduction : Annick Bureaud.
129 op. citÈ.
L'idÈe Ètait : en choisissant un thËme hors du monde de l'art, il devenait possible de traiter des sujets qui Ètaient trËs pertinents dans le domaine de l'art.
Traduction : Annick Bureaud.
130 Interview le 3 ao°t 1995.
Cela m'intÈresse mais je ne suis pas prÍt. [...] Et je ne suis pas s°r d'avoir vu des úuvres par ordinateur extraordinairement riches du point de vue des arts visuels, pas encore.
Traduction : Annick Bureaud.
131 Interview le 19 mai 1995.
132 op.citÈ.
133 Interview le 21 juin 1995.
Les conservateurs changent. Au Japon nous n'avons pas de conservateurs comme Barbara London, qui continuent leur activitÈ pendant plus de 10 ans. Habituellement les conservateurs sont assez jeunes parce qu' partir d'un certain ge, ils doivent s'occuper de l'administration. Et bien s°r, la nouvelle gÈnÈration est intÈressÈe par l'art Èlectronique et les jeux vidÈo. C'est vraiment une question de renouvellement des gÈnÈrations.
Traduction : Annick Bureaud
134 Citons bien s°r le programme Aaron, meta-artiste, d'Harold Cohen mais aussi le projet Terminal Art de Roy Ascott rÈalisÈ en 1980. Terminal Art Ètait dÈj un travail en rÈseau rÈunissant des artistes aux Etats-Unis et en Angleterre, qui passait par l'intermÈdiaire d'impression papier, sans Ècran.
135 Comme La Plissure du texte initiÈe par Roy Ascott pour l'exposition Electra au MusÈe d'Art Moderne de la Ville de Paris en 1983. Cette úuvre utilisait le rÈseau I.P. Sharp et rÈunissait, dans un projet collaboratif, des artistes de quelques 14 pays.
136 NOVAK Marcos, op. citÈ.
Si l'architecture est une extension de nos corps, abris et acteur pour le moi fragile, une architecture liquide est ce moi en train de devenir son propre abri Èvolutif.
Traduction : Annick Bureaud.
137 ASCOTT Roy, The Mind of the Museum, communication la confÈrence The Total Museum, qui s'est tenue The Art Institute de Chicago les 25 et 26 octobre 1996.
Texte accessible l'URL : http://www.pg.net/TotalMuseum
La vie sociale est la concrÈtisation de la conscience et le RÈseau est le produit de la connectivitÈ des esprits avant que d'Ítre quoi que ce soit d'autre. Le processus noÈtique prÈcËde le processus social : en s'engageant dans l'art sur le rÈseau nous faisons le premier pas vers une nouvelle faÁon d'Ítre, une nouvelle faÁon d'organiser notre expÈrience et de dÈfinir le monde. [...] DÈsormais, l'art existe dans l'interespace entre les mondes matÈriel et immatÈriel et dans les interstices entre les nombreuses disciplines de l'esprit et du corps.
Traduction : Annick Bureaud.
138 op. citÈ.
139 Espaces interactifs : o˜ sont nos NÈnuphars ? prÈface du catalogue de l'exposition Espaces Interactifs - Europe, Paris, mai-juin 1996.
140 op. citÈ.
J'aimerais bien voir une combinaison de peintures des futuristes, etc. et de toutes ces idÈes et de l'art Èlectronique, des problËmes de sociÈtÈ, etc. travers diffÈrents media, de la peinture l'art Èlectronique. Ici nous regardons des objets statiques sur un mur. On reste une seconde devant et on va plus loin. Les installations d'art Èlectronique demandent quelque chose de plus de la part du public. Elles engagent toutes vos capacitÈs. Et je pense que c'est l o˜ un btiment diffÈrent est en fait plus adaptÈ parce qu'alors il sous-entend que vous vous comportiez d'une faÁon diffÈrente, que vous devez utiliser tous vos sens. [...] Le quatriËme Ètage de ce musÈe devient notre Ètage laboratoire o˜ les gens sont invitÈs regarder les choses diffÈremment. Je suis prÍt pour relever le dÈfi de cette contextualisation des media.
Traduction : Annick Bureaud
141 Les termes entre guillements ou en italiques sont extraits de nos interviews.
142 SCHAEFFER Jean-Marie, Arts et mÈdias numÈriques, La Revue Virtuelle, nƒ 16, 23 fÈvrier 1996.
143 Itsuo Sakane, interview le 22 juin 1995.
Nous avons besoin de nouveaux types d'espaces pour ce genre de pratiques artistiques. [...] Je m'intÈresse toute sorte d'art augmentÈ, comme l'art scientifique, l'art cosmique, l'art des phÈnomËnes naturels. [...] Nous devrions intÈgrer l'ordinateur, l'esprit et la nature. [...] Ce pourrait Ítre un nouveau genre d'art anthropologique, d'art de la science et d'art des phÈnomËnes naturels. [...] Je pense que cela dÈpend de la culture. Les FranÁais voient l'art comme un artefact, l'art pour l'art. Ils ne prennent pas en compte la nature en tant qu'art par exemple. Mais les orientaux regardent la nature en tant qu'art. L'art dÈpend de la faÁon dont vous regardez les choses, et non des choses elles-mÍmes. [...] L'espace d'exposition venir pourrait bien s°r Ítre plutÙt orientÈ vers la science ou la technologie ou l'art, mais chaque lieu devrait inclure une part des autres domaines. [...] On devrait Ítre capable de montrer les deux aspects de l'activitÈ humaine dans le mÍme endroit. Nous avons besoin de nouveaux types de musÈes ou de galeries, mais je devrais peut Ítre les appeler des "Centres Humains". Cela devrait Ítre un seul endroit, o˜ on viendrait pour apprendre, jouer, mÈditer, etc., selon son humeur et son intÈrÍt du moment, et revenir une autre fois avec un autre but. C'est une perspective idÈaliste o˜ la science, l'art, etc. pourraient Ítre prÈsentÈs. On pourrait aussi inclure un espace pour la communication entre humains ! [...] C'est un genre d'idÈalisme...
Traduction : Annick Bureaud
144 Christine Schpf, interview le 23 juin 1995.
145 Joseph Squier, forum sur Internet, extraits d'un message du 6 septembre 1995.
Les lieux les plus adaptÈs pour le futur seront ceux qui incluent le concept d'art en tant que SIGNAL plutÙt que l'art en tant qu'objet. [...] Je trouve que le concept de BibliothËque du Futur donne vraiment de l'espoir. [...] Les bibliothËques, bien que conservant des objets et en prenant soin, traitent plus d'AUTEURS FOURNISSANT DES CONTENUS.
Traduction : Annick Bureaud.
146 Cf. le catalogue Experimental Workshop publiÈ l'occasion de la 11Ëme exposition en hommage Shuzo Takiguchi et qui s'est tenue la galerie Satani Tokyo en 1991.
Texte original en japonais et en anglais, traduction de l'anglais : Annick Bureaud.
147 ASCOTT Roy, Telematic Culture and Artificial Life, communication au symposium sur le thËme Digital Museum Multimediale 4, Karlsruhe en 1995.
L'accent sera plutÙt mis sur l'action, l'interaction et la construction que sur le stockage, la classification et l'interprÈtation. Le musÈe numÈrique devient un site de transformation.
Traduction : Annick Bureaud.
148 ASCOTT Roy, AEC Datapool, Proposal, 1993. Etude pour le projet Ars Electronica Center.
Pas rÈactif mais anticipatif, n'imposant pas des perspectives sur l'histoire de l'art mais ouvrant un ensemble de possibilitÈs qui Èmerge comme une prospective pour le futur de l'art. Il travaille sur le bord extrÍme de la culture contemporaine, comme un agent du changement culturel, comme cause de la pratique artistique plutÙt que simplement comme un effet culturel.
Traduction : Annick Bureaud.
149 ASCOTT Roy, Telematic Culture and Artificial Life, op. citÈ.
Il est vrai que mÍme l'espace le plus traditionnel, avec trËs peu de changements, peut accueillir l'art Èlectronique [...] mais nous approchons du point critique dans l'Èvolution des úuvres d'art interactives, en ligne, cyberspatiales ou de rÈalitÈ virtuelle, o˜ des interfaces totalement nouvelles dans l'environnement public, doivent Ítre construites . Le temps est venu de penser une architecture intelligente pour accueillir l'art des systËmes intelligents.
Traduction : Annick Bureaud
150 Pour plus de dÈtails sur le MÈtafort, on pourra consulter son site Web l'URL : http://www.metafort.com
151 Interview le 6 mars 1996.
152 ASCOTT Roy, The Mind of the Museum, op. citÈ.
Il y a trois coordonnÈes principales dont nous devons faire la triangulation dans notre recherche d'un endroit pour la culture la fin de ce millÈnaire :
- la technoÈtique (tout ce qui concerne la cyberception et la technologie de la conscience)
- la vie artificielle (tout ce qui concerne les processus Èmergeants de la nature)
- l'architecture intelligente (tout ce qui concerne les qualitÈs d'anticipation et d'adaptation dans les systËmes et les structures environnementaux).
Traduction : Annick Bureaud.