Les inforoutes, les " autoroutes de l'information " pourront être un formidable outil de décloisonnement de la société. L'accès à l'information, à la connaissance, le dialogue d'égal à égal avec des passionnés, des spécialistes sur tout centre d'intérêt vont véritablement révolutionner notre manière de penser, notre manière d'être, notre savoir-être. Mais à l'inverse, je suis persuadé qu'elles peuvent aussi se révéler un redoutable instrument d'exclusion pour tout citoyen qui ne disposera pas des moyens ou ne maitrisera pas ces nouveaux outils de communication.
Dans une enquête publiée en Février 96 dans le mensuel S.V.M, les personnes intérrogées exprimaient à 59 % leur certitude que " l'informatique élève le niveau d'instruction des enfants ", mais dans le même temps, 65 % d'entre eux craignaient que " l'informatique ne crée une société à deux vitesses ".
Nous sommes à même de créer aujourd'hui une nouvelle forme de refus d'intégration dans notre future société de l'information, ce que nous pourrions nommer " l'info-exclusion ".
" Le travail du futur est fondé sur la collaboration. Dans ce que j'appelle l'entreprise virtuelle, des accords stratégiques, parfois éphémères, réunissent plusieurs entreprises pour résoudre un problème particulier qui ne mérite pas la mise en place d'une structure définitive "
Denis Ettighoffer - Eurotechnopolis -
L'entreprise virtuelle ou le nouveau mode de travail - O.Jacob - 1992
" Un groupe qui arrive rapidement à faire quelque chose de nouveau a plus de valeur qu'un groupe résultant de la somme d'individualités brillantes "
Pierre Lévy - Professeur au département Hypermédia
de l'Université de St Denis (Paris VIII)
Informatiques Magazine- Novembre 1995
En matière d'organisation, on voit émerger de fortes tendances à l'applatissement des hiérarchies, au développement de la mise en commun des intelligences et des savoirs autour de structures souples et de petites tailles. Pour ces entreprises, les conséquences culturelles sont considérables ; des habitudes séculaires sont bouleversées, les barrières hiérarchiques explosent et chacun apporte sa pierre à l'édifice. La participation de tous est indispensable et l'on voit apparaitre ici des différences de comportement flagrantes selon la génération à laquelle appartient le collaborateur.
Les populations jeunes n'ont aucune difficulté pour s'adapter à ce nouveau mode de travail en réseau, ce n'est pas la même affaire pour les aînés ancrés dans leurs habitudes et ce qui a été leur environnement stable durant des années. Les résistances aux changements se font jour, on touche ici fortement à l'humain. Une toute autre approche est demandée qui fait appel à la créativité, la simultanéité et à la recherche du consensus dans un objectif commun.
Lorsque toute sa vie durant, et ce depuis l'école, l'individualisme, le JE aura été la règle de base, on comprend l'ampleur de la mutation exigée des esprits, du savoir-être et les fortes réticences qui en découlent. Les règles sont bouleversées, il n'est plus demandé de se conformer aux us et coutumes en place, mais de faire preuve d'imagination, de proposer et de faire évoluer ce qui existe, dans le but d'être plus performant, plus compétitif au niveau de l'entreprise.
En bref, de travailler non seulement pour soi, mais pour l'entreprise, afin d'assurer sa survie dans un environnement mondialisé et fortement concurrentiel. Donc, pour le collaborateur, de contribuer à sa propre survie.
Les systèmes de récompenses ne sont plus liés à la productivité de l'individu dans un système fermé, mais à la qualité de ses contributions au groupe.
Cette tendance ne peut êre considérée comme une effet de mode à caractère technologique. Il s'agit d'une orientation de fond, lourde de conséquence. Les outils sur lesquels s'appuient les entreprises pour mettre en oeuvre ces évolutions sont le travail de groupe ou " Groupware " et les réseaux informatiques. Certaines d'entre elles utilisent déjà le précurseur des autoroutes de l'information, l'Internet.
Travail de groupe et autoroutes de l'information sont indissociables ; l'intérêt véritable de l'Internet est bien la mise en commun d'un patrimoine considérable de connaissances et de compétences au travers d'un réseau mondial. L'individualité ne veut plus dire grand chose, elle se trouve décuplée par les apports du groupe. Elle se fond autour de thèmes, de centres d'intérêts pour lesquels chacun apporte sa pierre à l'édifice.
Mr Corniou, DSI de Sollac le soulignait récemment lors d'un forum du salon Business 96 consacré au travail de groupe, " Il s'agit d'un vrai changement culturel et de comportement qui touche à notre savoir-faire, mais aussi à notre savoir-être. Nous passons de l'élitisme et du comportement individualiste à la logique de groupe. Ceci ne sera pas sans conséquence sur notre système éducatif "
Continuerons nous à former nos enfants, à les éduquer selon des schémas totalement dépassés ? Ou les préparerons nous dès maintenant à ces évolutions ?
" Nous sommes passés d'une logique de l'obéissance à une logique de l'initiative et de la responsabilité.. "
G-Rolland-H.Serieyx - Colère à deux voix - Inter-Editions - 1995
Ainsi que le souligne Mr P.Morin, nous vivons toujours sur le modèle du mariage avec l'employeur. Or, nous devons acquérir notre indépendance par rapport aux formes du travail. Le salariat ne sera plus l'unique réponse, d'autres pistes devront être exploitées, comme le travail indépendant ou le temps partagé, afin de construire sa propre activité.
Ce qui suppose des gens autonomes, responsables et indépendants. Y parvenir, selon J.PREVEL, directeur Etudes et Développements de l'APEC, est un véritable projet de société.
Un rapport récent de l'IDATE révèle que l'accélération touche à toutes les activités économiques et laisse en souffrance de nombreux groupes sociaux.
En laisserons nous de nouveaux sur le quai, qui ne pourront prendre
le train en marche ? Ou les préparerons nous maintenant
à l'autonomie, la responsabilité et l'indépendance
?