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" LES ordinateurs sont des sourds-muets, et des imbéciles. Notre tâche? Les rendre intelligents. " Réussir la symbiose homme-machine, telle est la passion deM. Nicholas Negroponte et de toute son équipe. A Cambridge, près de Boston, le Media Lab, qu'il dirige, se veut l'antenne et le laboratoire du futur; c'est le think-tank, la boîte à idées du célèbre et prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT). Ici, cela fait beau temps que l'on vit dans le troisième millénaire, celui du cybermonde. Depuis plus de dix ans, les nouveaux alchimistes de ce lieu privilégié préparent l'irréversible révolution numérique." Il n'est pas inconcevable que l'on puisse créer des machines bien plus performantes que le cerveau humain. On dit que les ordinateurs ne possèdent pas d'âme
; comment savoir s'ils n'ont pas la même âme que nous? ", s'interrogeait Jérôme Wiesner, cofondateur de l'institut avecM. Negroponte et ancien président du MIT (1). Les visionnaires et guetteurs du futur travaillent dans les sables mouvants où se rencontrent l'humain et les machines. Pourtant, ils s'encombrent rarement de métaphysique. Leur obsession: démonter les mécanismes du cerveau humain et les transférer aux ordinateurs pour qu'ils puissent nous servir, nous délivrer des préoccupations triviales. " Comment sont encodées les millions de choses qui représentent la connaissance qu'a du monde un seul enfant? Le but de nos recherches: essayer de comprendre ce qu'est le simple bon sens. " AinsiM. Marvin Minsky, un des pionniers de cette institution, résume-t-il son objectif.Dans ces laboratoires peuplés de machines et envahis de câbles qui s'entortillent le long des murs, sols et plafonds, les nouveaux prophètes passionnés incluent aussi bien les meilleurs informaticiens des Etats-Unis que de simples étudiants du MIT, créatifs en diable, ravis d'être taillables et corvéables à merci, qui passent souvent des nuits entières à concocter une minuscule manipulation. Ils méritent leur surnom
: les midnight workers, travailleurs de minuit. Volontairement diversifié, le recrutement se veut gage de créativité. Venus de tous les horizons, les chercheurs peuvent s'emballer pour des idées farfelues dont quelques-unes seulement aboutiront. La norme: un feu d'artifice permanent d'inventions et de projets. Voilà l'image que l'on tient à communiquer au grand public. Mais attention: sous le couvert de la décontraction de rigueur, la pression se sent autant qu'un nuage de pollution. Parrains et donateurs guettent les résultats. Faute de savoir leur prouver par une démonstration pratique (une " démo ", selon l'expression rituelle ici) la valeur d'un concept ou d'une expérience, on risque de ne pas faire de vieux os.Attaché au MIT (il est même habilité à décerner des diplômes académiques), le Media Lab compte une impressionnante cohorte de riches parrains
: américains, européens et japonais. A Sony, Sega, Disney, JCPenney, Olivetti, Volvo et bien d'autres, ajoutons l'armée et le ministère des transports américains. Autant d'industriels auxquels ce creuset d'idées apporte des concepts audacieux et des projets parfois un peu fous que ne peuvent se permettre leurs propres laboratoires de recherche. Les idées n'ont pas de prix sur ces marchés.M. Nicholas Negroponte " pèse " actuellement 29 millions de dollars, valeur estimée de ses parts dans la revue d'informatique Wired, où il dispose d'une tribune régulière (2).Son livre, L'Homme numérique (3), est devenu une sorte de bible. " On le trouve sur tous les bureaux des décideurs de la Silicon Valley, assure un banquier de San Francisco, et c'est une lecture obligée pour tous les investisseurs et tous ceux qui s'occupent de capital risque. Extrêmement volatil, ce marché risque de s'effondrer d'un jour à l'autre. "
Oublié, le temps où les gens de la Côte ouest s'amusaient à qualifier le directeur du Media Lab de " Barnum de la science " ou de " Voyageur de commerce du numérique "
! L'homme à l'oeil bleu comme les rayures de ses immuables chemises est devenu le prophète respecté du numérique. Adepte intransigeant de la liberté totale d'un cyberespace déréglementé, ce " pape " du réseau des réseaux a tout d'un scientifique chevronné; pur produit du sérail universitaire du MIT, il n'est resté que deux ans chez IBM. Depuis plus de trente ans, il se penche sur l'avenir du tandem homme-machine. Mais il possède un don exceptionnel: c'est un entrepreneur de génie doublé d'un communicateur inspiré. Etre numérique ou ne pas être LE voici donc qui épingle toute une génération assise entre deux chaises, les " nouveaux illettrés " du numérique. Ces " analphabètes ", qui sont-ils? Rien de moins que les décideurs aux commandes de la planète. C'est grave. Alors Nicholas Negroponte leur explique point par point comment ils devront gérer leur vie quotidienne au troisième millénaire. Selon la " bible Negroponte ", un décideur n'a pas le choix: être numérique ou ne pas être. Si l'auteur du best-seller " pèse " quelques millions de dollars, les valises du pèlerin du cyberespace pèsent des dizaines de kilos, poids de toute une quincaillerie de merveilleuses connexions lui permettant de se brancher sur le monde entier. Car le professeur circule sans arrêt entre séminaires et prêches aux entreprises. Il voyage entre ailleurs, nulle part et ici: ici, son adresse électronique qui l'accompagne jusque dans son île grecque, d'où il peut communiquer avec la terre entière " sur [son] bateau au bon soleil de Grèce en dégustant un plateau d'oursins fraîchement pêchés, accompagnés d'un superbe montrachet millésimé (4) ". Pourquoi vivre autrement? Désormais, le citoyen du cybermonde va jouir d'un droit inaliénable
: obtenir tout ce qu'il souhaite en temps réel, qu'il se trouve en Antarctique ou dans une île grecque. Le droit à l'information sera une gratification instantanée. Information? Désinformation? Surinformation? Ou postinformation? " Pourquoi pas500 000 éditions différentes et personnalisées du quotidien Le Monde? , rêveM. Walter Bender, en charge du programme News in the Future (les informations de l'avenir), entre deux gorgées de cappuccino. Fini l'uniformité et le point de vue imposés par un rédacteur en chef et par les empires centralisés des médias. La tendance actuelle est à l'apparition d'une multitude de petites publications artisanales. Le lecteur moyen utilise peu et mal son journal. Tandis que, avec ce qu'on peut appeler " Mon quotidien sur mesure ", chaque lecteur reçoit sur écran un exemplaire correspondant à ses désirs et intérêts personnels, des finances aux sports. Il ne s'agit pas de filtrer l'information, mais de l'augmenter. "En analysant les recherches que l'utilisateur aura effectuées sur les réseaux, l'agent d'interface un logiciel adapté connaîtra ses goûts. Il lira toutes les dépêches d'agence et tous les journaux, captera les émissions de radio et de télévision pour présenter à son client un produit unique adapté à son profil et au jour de la semaine. " La lecture ne sera plus passive, mais interactive, ajoute
M. Bender, en présentant son projet PLUM (acronyme de Paix, amour, compréhension et média). Prenez une dépêche d'agence relatant une grande catastrophe dans un lieu éloigné. Au départ, cela ne vous touche pas. Mais utilisez le système hypertexte, cliquez sur certains mots, et vous verrez apparaître toutes sortes de renseignements d'ordre géographique, politique, psychologique dont vous n'aviez pas la moindre idée auparavant. Des horizons insoupçonnés s'offriront à vous. "" L'ordinateur va se transformer en valet de chambre anglais bien stylé
! ", adore répéterM. Negroponte. Et d'expliquer comment la machine apprendra à reconnaître son maître par le geste ou la voix et à exécuter ses moindres désirs, à lui préparer son café du matin et à mettre du lait dans son réfrigérateur.Pour fêter ses dix ans d'existence, le Media Lab annonce à grande fanfare l'avènement des objets intelligents, ce qu'il appelle les trois " T "
: Things That Think (les choses qui pensent)." Dans le domaine de l'électronique, l'extrême miniaturisation des ordinateurs est primordiale. Cela va très loin, explique
M. Alex Pentland, du département Perceptual Computing (informatique perceptive). Prenez l'informatique vestimentaire: elle est pour demain. Vous pourrez mettre tous vos agendas et carnets de notes et d'adresses, votre ordinateur et vos caméras dans une veste et, pourquoi pas, dans un bijou? Les nouveaux vêtements intelligents (wearable computers) seront capables de recevoir et de transmettre toutes les informations utiles à notre vie. Le col du blouson de mon fils lui servira de carte d'identité. J'ai chaud? Ma cravate va se desserrer d'elle-même. On va inventer de nouveaux types de teinture, de sorte qu'un tailleur gris à midi virera peut-être au framboise le soir, si l'envie vous en prend. L'endroit le plus pratique pour stocker les données? Evidemment, l'habillement. En fait, notre corps se transformera en réseau. Lunettes et montres serviront d'écrans. L'individu deviendra à la fois émetteur et récepteur. Un laboratoire de Paris, Créapole, collabore avec nous sur ces recherches (5). " Prothèses virtuelles pour un homme à venir AUTRE boutade du prolifique directeur du Media Lab: sous peu, boucles d'oreilles ou boutons de manchettes pourront communiquer toutes sortes d'informations entre eux, de droite à gauche, par satellite! Il suffit d'imaginer l'avantage qu'une personnalité politique, par exemple, pourrait en retirer comme de reconnaître ses électeurs, et d'obtenir sur-le-champ les détails de leur vie. " Même la maison se mettra à notre service. Et dans un très proche avenir, dans quatre ou cinq ans ", estimeM. Pentland. Il rappelle toutes les critiques qu'il a dû subir maintes fois: pourquoi se mêler de la façon de vivre des gens, se plaignait-on. " Maintenant? On ne compte plus les entreprises qui nous parrainent, même sur la Côte ouest. " " L'homme a utilisé des prothèses de tout temps, explique un excellent connaisseur du Media Lab,M. Joël de Rosnay, dans son bureau de la Cité des sciences et de l'industrie (6). Nous accédons maintenant à une nouvelle forme d'assistance, celle des prothèses électroniques que sont l'informatique, la télévision, le satellite ou le téléphone. Bientôt s'imposeront les prothèses bio-électroniques la possibilité d'interconnecter le cerveau humain aux machines vivant en symbiose avec nous dans un environnement immédiat... Dans l'avenir, l'informatique vestimentaire que met au point le Media Lab va perfectionner la symbiose. "L'intelligence de l'ordinateur sera fonction de sa capacité de reconnaissance. Au département Gesture and Narrative Language (gestuelle et langage narratif), Mme Justine Cassell, docteur en psychologie et en linguistique, met en lumière un fait important
: " Toute communication interpersonnelle comporte deux éléments principaux, les expressions du visage et la gestuelle. " Pour être accessible à tout le monde, l'ordinateur doit pouvoir les analyser. Si la machine sait interpréter le langage des sourds, un sourd-muet parviendra à communiquer. Autre objectif très important pour Mme Cassell: " Les filles devront bénéficier dès le départ d'une initiation aux technologies de l'informatique, actuellement domaine des garçons. Et il faut modifier d'urgence le contenu de plus en plus machiste et violent des jeux vidéo. " Mise en scène du cerveau symphonique M ME écho chez un autre fidèle du Media Lab,M. Philippe Quéau, ancien directeur de recherche à l'Institut national de l'audiovisuel (INA), récemment nommé directeur de la division de l'information et de l'informatique à l'Unesco (7): " La femme doit savoir coloniser le virtuel... ce qui compte, c'est d'incarner toutes les valeurs humaines; il faut éviter le déficit de valeurs féminines. "
M. Kevin Brooks, chercheur au département du cinéma interactif du Media Lab, a la même passion élargir les esprits. L'un des dangers de l'informatique, c'est d'enfermer les individus dans un monde clos. " Ils deviennent narcissiques, " provinciaux ". Il faut donner aux gens une vision multiple des événements, de l'histoire. Le conflit palestinien? Le roman Autant en emporte le vent? Beaucoup d'interprétations sont possibles. "Ce jeune diplômé de Stanford a mis au point un prototype de feuilleton ou scénario qui permet un nombre presque infini de solutions. Son projet s'appelle " En traversant la rue " (Crossing the Street). Chaque fois que l'utilisateur clique sur un des éléments représentés (personnage, situation, action, etc.), le système produit une nouvelle combinaison, une nouvelle interprétation de l'histoire, à la manière des Mille milliards de poèmes de Raymond Queneau. A éléments semblables, narrations multiples
; un peu d'amour en plus, un peu moins de violence, un grain de science-fiction. Les robots choisiront, et un rapport symbiotique s'établira entre l'auteur d'un feuilleton, roman ou scénario et le système. " Pas d'oeuvres linéaires, mais des narrations complexes, décentrées, tous les angles de vision seront ouverts. " Conformément aux théories postmodernes, l'identité deviendrait ainsi un système multiple, déconstruit (8).Justement, la théorie avancée par
M. Marvin Minsky, auteur de nombreux travaux sur l'intelligence artificielle, c'est que l'intelligence se nourrit de diversité; les décisions découleraient de conflits et de négociations. D'où cette idée fantastique, le Brain Opera du compositeur et violoncelliste Tod Machover, ancien de l'Ircam (Institut de recherche et de coordination acoustique-musique), à Paris, où il a travaillé avecM. Pierre Boulez, et professeur au Media Lab. L'opéra du futur se donne cet été au Lincoln Center à New York, avant une tournée internationale (9). L'Opéra du cerveau sera la mise en pratique, après des années de travail, de recherches ambitieuses poursuivies par ces scientifiques sur la nature de l'intelligence et les ressorts de la créativité. Comment les reproduire numériquement? Guidés parM. Joe Paradiso, inventeur génial de capteurs et de senseurs d'une infinie délicatesse avec lesquels il a créé une génération nouvelle d'instruments de musique, et parM. Eric Metois, assistant de recherche passionné, nous entrons dans le saint des saints de la musique du futur.Un gigantesque studio haut de quatre étages, situé au rez-de-chaussée du Media Lab. Au centre trône le " grand piano impérial " de concert, ce très fameux Bösendorfer utilisé par M
M. Pierre Boulez et Oscar Peterson, le seul, dit-on, à même d'enregistrer la plus délicate nuance de jeu: il est truffé de processeurs minuscules. Plus loin, l'hypervioloncelle. Le célèbre soliste Yo-Yo Ma, délaissant pour une fois son stradivarius, y a joué des compositions ébouriffantes de Tod Machover. Il s'agit d'un " objet intelligent " mi-ordinateur, mi-instrument classique, terriblement délicat, hérissé de toutes sortes de capteurs, micros, sondes électroniques placées parM. Paradiso, maître ès capteurs et synthétiseurs , sur la main de l'exécutant qui tient l'archet. Ce sera plus qu'une première: du jamais vu (ni entendu). En direct ou via Internet, tout le public est invité à participer à la représentation de l'opéra. Avec toutes sortes d'hyperinstruments, le compositeur met en oeuvre une fantastique création. Va->t-elle faire époque? Elle fait déjà beaucoup parler. Affectueux agents d'un monde immatériel LES véritables magiciens du troisième millénaire numérique, ceux qui circulent dans le coeur des ordinateurs auxquels ils tiennent lieu d'âme, ce sont les agents intelligents, familièrement baptisés " bots " (du mot robot). Grâce à eux, les ordinateurs deviennent nos serviteurs, nos confidents, nos guides dans les réseaux. Ils parviennent à reconnaître les gestes, la voix, les mouvements de leur propriétaire. Bientôt ils déchiffreront nos pensées les plus intimes. Au Media Lab, les " bots " sont essentiels. Ce sont de drôles de créatures virtuelles. On peut leur donner la forme que l'on veut.Mme Pattie Maes dirige ici toute une équipe
: c'est le Groupe des agents autonomes, entièrement consacré, jour et nuit, à l'invention et à la mise au point de nouvelles générations de ces créatures. En fait, les " robots " sont des systèmes que créent les apprentis sorciers, informaticiens de pointe. Le rêve de l'industrie du numérique, une mirifique source de revenus. Leur déléguer ses recherches dans la Toile (World Wide Web) fait gagner des milliers d'heures à l'internaute. Sans eux, point de salut." L'imaginaire populaire s'en mêle, les gens n'hésitent plus à attribuer à ces " bots " des émotions, des intentions proprement humaines
! ", s'étonneM. Leonard Foner, auteur d'une étude universitaire qui fait fureur, intitulée " What's an Agent, Anyway? " (Qu'est-ce donc qu'un agent? ). La recherche retranscrit ses conversations sur le Net avec un " bot " nommé Julia, capable de discuter hockey sur glace ou de flirter outrageusement. Un exemple, on lui pose une question: " Julie, es-tu une femme? " A quoi elle répond: " Bien sûr, je suis du sexe féminin! " avec un bon clin d'oeil." Les ordinateurs ne seraient pas les puissants objets culturels qu'ils représentent désormais si leurs utilisateurs ne tombaient pas amoureux de leurs machines et des idées qu'elles produisent ", remarque la psychanalyste Sherry Turkle, navigatrice de haute mer sur les réseaux.
On doit à
M. Henry Lieberman un agent de pointe, Letizia, ainsi nommé d'après un texte de l'écrivain argentin Jorge Luis Borges. Letizia possède un immense et précieux talent: elle sait introduire une dose importante de hasard créateur. " Letizia est un atout majeur, un agent extrêmement têtu, capable d'établir toutes les connexions voulues, explique son créateur. Y compris, et c'est un point essentiel, les connexions inattendues. En effet, en quoi réside l'intérêt d'une recherche? C'est de tomber sur une information qui n'a aucun lien apparent avec le reste du sujet. Oui, le hasard est un créateur! " Les agents intelligents ont pour fonction de briser l'infernal " mur de Berlin " qui sépare les programmeurs avertis des simples utilisateurs de machines.Le tout-numérique représente aussi un phénomène de nature exponentielle. Les plus infimes différences d'hier, le moindre battement d'ailes d'un papillon risquent d'avoir demain de formidables conséquences. " Alerte dans le cyberespace
! ", avertissait Paul Virilio (10). Les financiers appréhendent, eux aussi, les conséquences d'une " bulle spéculative ". PourM. Philippe Quéau, " nous vivons une période très inquiétante activée par une technologie ultrarapide. L'homme est lent, local, réel, tandis que ce monde est rapide, global, virtuel. Il faut veiller sans relâche. Ne jamais baisser sa garde. " Autre risque, l'" autisme interactif " de l'internaute. Vers un corps de légionnaires de l'informatique? COMMENT gérer le gouffre qui va s'ouvrir entre info-riches et info-pauvres, en particulier dans les pays du Sud, totalement dépourvus d'infrastructures informatiques (11)? Qu'y aura-t-il de commun entre le lecteur de " Mon quotidien sur mesure " et celui qui enveloppera un morceau de poisson dans une vieille feuille de papier journal? M. Negroponte avance une idée forte: " Il faut, de toute urgence, créer un véritable Peace Corps de500 000 jeunes informaticiens pour éduquer le prochain milliard d'utilisateurs du tiers-monde. " Il serait temps, croit-il, de créer des Nations unies pour le cyberespace. Dans ce cas, pourquoi pas aussi un corps expéditionnaire chargé de former aux nouvelles technologies ces " analphabètes de l'informatique " qui nous gouvernent s'ils doivent continuer à nous gouverner durant le prochain millénaire (lire à cet égard, page 23, l'article de Joël de Rosnay)? Ou bien la clique sans foi ni loi des agents intelligents, des " bots " bénéfiques ou maléfiques, qui nous entraînent à leur suite dans le cyberespace, sous les encouragements incantatoires des mastodontes des loisirs et des entrepreneurs du capital-risque? " Une telle voie est dangereuse, avertit Joël de Rosnay. Elle ne respecte pas la prise en compte des idées, des valeurs, d'une éthique. L'important est d'avoir suffisamment de recul et de sagesse pour intégrer tout cela dans une civilisation globale qui respecte l'homme et sa destinée. "