ASSISES DE LA RECHERCHE 1996

LA RECHERCHE EN MUSIQUE ET DANSE




A - La politique de recherche
B - Objectifs et méthode
C - Bilan scientifique
D - Perspectives
E -Annexes




A - LA POLITIQUE DE RECHERCHE

Faire connaître, conserver et restaurer le patrimoine culturel, contribuer à l'émergence de moyens d'expressions artistiques renouvelés sont autant de missions qui incombent au Ministère de la culture. La poursuite de ces objectifs suppose que soient consacrés à la recherche, une fois défini ce cadre politique, des moyens humains et financiers.

Ainsi, dans les domaines qui la concerne, la Direction de la musique et de la danse est un acteur essentiel de la recherche, privilégiant notamment les travaux entretenant un lien direct avec une activité de création artistique. En collaboration avec le CNRS, elle cherche à favoriser, tout en maintenant la diversité d'approches nécessaire à la vitalité de la recherche, la constitution de pôles fédérateurs.


B - OBJECTIFS ET METHODE

Arts de représentation, abstraits par essence, si l'on entend par là que les oeuvres ne constituent pas des objets matériels relevant d'une économie marchande, la musique et la danse supposent pourtant des recherches consacrées aux moyens matériels et aux conditions théoriques de leur existence.
Que serait la musique de la seconde moitié du xxe siècle, aventure esthétique peut-être sans précédent dans l'histoire des arts occidentaux, si l'informatique musicale n'avait pas contribué à repenser les conditions même de son existence ?

1. Les disciplines

Imaginer des liens féconds entre création et recherche, ce n'est pas vouloir asservir l'une à l'autre, c'est désirer qu'elles s'enrichissent mutuellement.
Si la science peut suggérer au créateur de nouvelles perspectives, il ne saurait, a contrario, exister de savoir véritable sans cette expérience du sensible dont procède l'émotion artistique.
Sur ces territoires, à l'intersection entre art et science, la recherche peut prendre différents visages. Il n'est pas inutile, même si tout découpage en disciplines est quelque peu arbitraire, d'en énoncer brièvement les contours.

L'informatique musicale

L'informatique musicale vise au développement d'outils matériels et conceptuels destinés aux musiciens. Si sa finalité principale est la création musicale, elle peut aussi accompagner d'autres activités, comme la pédagogie ou l'analyse musicale.
Il est important de souligner qu'elle ne saurait être confondue avec le strict développement technologique qu'elle suppose pourtant.

L'acoustique instrumentale

Sous cet intitulé peuvent être regroupées les recherches qui visent à expliquer scientifiquement le comportement de la chaîne acoustique qui va de l'instrument de musique, émetteur du son, à l'auditeur, qui l'interprète en tant que signal musical. Cela recouvre donc l'acoustique instrumentale, l'acoustique des lieux musicaux et la psycho-acoustique.

L'organologie

L'acoustique instrumentale cherche à expliquer le fonctionnement des instruments de musique en vue de les améliorer ou d'en imaginer de nouveaux.
Mais mieux connaître les instruments de musique, c'est aussi raconter et tenter d'expliquer leur histoire, liée intimement à l'évolution des styles musicaux, on parlera alors plutôt d'organologie.

L'analyse musicale

Toute œuvre musicale suppose une organisation du matériau sonore (timbres, hauteurs, durées, espace...). C'est la composition. L'objectif de l'analyse est d'expliciter ses modalités pour en permettre une écoute active et intelligente. Elle a développé pour cela des instruments de formalisation auxquels l'informatique musicale a donné un nouvel essor. Schématiquement, on pourrait dire que la psychoacoustique s'intéresse au signal musical alors que l'analyse a pour objet le signe musical.

La musicologie

Faire revivre le patrimoine, décrire et comprendre les caractéristiques d'un style afin d'en restituer la lettre et l'esprit fait appel au savoir musical et aux méthodes de l'historien. Pour autant, les musicologues travaillent aussi sur la musique de notre siècle ; on ne saurait donc réduire cette discipline à sa seule vocation historique.

L'ethnomusicologie

La musique ne fait pas toujours référence à l'écriture. Les cultures traditionnelles ont engendré un patrimoine musical riche, varié, évoluant sans cesse. Les modes de socialisation de ces répertoires, très différents de ceux de la musique dite savante, imposent pour les analyser d'appliquer aussi les méthodes de l'ethnologie.

La recherche en danse

La danse, autant que la musique, nécessiterait un éventail de définitions distinguant, parmi les activités de recherche qu'elle suscite, les axes majeurs autour desquels celles-ci s'ordonnent.
Toutefois, le terme de "recherche en danse" a l'avantage de ne pas contribuer à l'indésirable éparpillement d'un secteur encore jeune.

2 . Les modalités de soutien

Le conseil scientifique

Finançant des activités de recherche, il était logique que la Direction de la musique et de la danse se dotât d'une instance scientifique de définition des objectifs, d'arbitrage entre les différents projets, et d'évaluation des résultats, comme il est habituel au sein des organismes de recherche.

Le conseil scientifique donne son avis sur les programmes de recherche des structures dont le fonctionnement est assuré ou financé par la Direction de la musique et de la danse. Il entend le rapport d'activités de ces structures et évalue les résultats des recherches menées.
Il donne son avis sur les aides que le directeur de la musique et de la danse envisage d'accorder à des programmes de recherche effectués en dehors du ministère chargé de la culture.
Il assure, en outre, le suivi de la valorisation de ces activités, notamment par des actions de diffusion d'informations, et formule toute proposition en matière de coopération avec d'autres instances scientifiques.
Il peut créer des groupes de travail spécialisés dont il entend les avis et propositions, et peut inviter à ses séances toute personne dont l'audition lui paraît utile.

Les actions

Le soutien de la Direction de la musique et de la danse à la recherche se traduit principalement par deux types d'actions.

- des aides directes

Il s'agit des subventions destinées à soutenir directement une activité ou un projet de recherche.

un soutien de base

La Direction de la musique et de la danse soutient des laboratoires dont les thèmes de recherche, en lien direct avec les priorités définies par le conseil, exigent un effort pérenne. Il s'agit le plus souvent d'associations et l'aide de la Direction de la musique et de la danse à leur égard est déterminante. Leur fonctionnement étant assuré par une subvention annuelle, ils sont considérés, indépendamment de leur statut, comme des centres de recherche de la Direction de la musique et de la danse. L'évaluation de leurs travaux est conduite par le conseil scientifique selon un calendrier pluriannuel.

des aides au projet

La Direction de la musique et de la danse aide aussi chaque année des projets de recherche plus ponctuels, affichant des objectifs précis et exposant un calendrier de réalisation défini à l'avance. Qu'il s'agisse d'aides à caractère individuel (les bourses de recherche), ou de subventions à des laboratoires, les dossiers sont examinés par le conseil scientifique lors de sa commission annuelle du printemps, sur la base de formulaires spécifiques.

- une politique de valorisation

La recherche n'existe et ne se développe que s'il y a confrontation des idées, des hypothèses.
Pour favoriser ces échanges, insuffisants encore, la Direction de la musique et de la danse mène une politique de valorisation de la recherche musicale et chorégraphique (soutien à des publications, colloques, sociétés savantes) et s'attache à en faire connaître les résultats, les méthodes, et les enjeux.


C - BILAN SCIENTIFIQUE

1 . L'évaluation de notre politique

Le conseil scientifique mis en place par la Direction de la musique et de la danse a permis de clarifier les procédures d'évaluation des activités de recherche, de préciser les critères définissant la politique soutenue et les perspectives d'avenir. Il a rendu plus transparents les choix en matière d'aide.
Cet effort est à cependant à poursuivre ; ce point a été largement détaillé en Annexe III.

Il faut noter que les laboratoires et équipes soutenues sont, pour les plus importants d'entre eux, dotés aussi de leurs propres conseils scientifiques, plus spécialisés.

2 . Les relations avec le milieu scientifique et le public

Une politique contractuelle de soutien aux équipes a été mise en place avec l'aide de la Mission de la recherche et de la technologie. Elle favorise la convergence de recherches interdisciplinaires et permet de constituer des pôles de ressources jouant un rôle structurant.
On peut signaler à ce sujet la création récente d'unités mixtes de recherche telles que l'Institut de recherche sur le patrimoine musical français, l'U.M.R. créée autour de l'IRCAM et du CID-RM, et le Laboratoire d'acoustique musicale de Jussieu.

Il est par ailleurs important de noter, en ce qui concerne l'informatique musicale, le caractère fondateur du DEA ATIAM, créé récemment. Il contribue à la professionnalisation des chercheurs et permet d'amorcer des liens plus étroits de nos centres de recherche avec l'Université.
Un important effort de médiation et de valorisation des connaissances a été accompli ces dernières années. A cet égard, l'ouverture de la médiathèque de l'IRCAM et des nouveaux locaux destinés à l'enseignement est significative. Inaugurés il y a quelques jours, ils amélioreront notablement les conditions pédagogiques et constitueront un des lieux de ressources essentiels en informatique et création musicales.

D'autre part, une véritable politique de partenariat a pu être établie avec les sociétés savantes existantes (Société Française d'Acoustique, Société Française d'Analyse Musicale, Société Française d'Ethnomusicologie, Société Française d'Informatique Musicale et Société Française de Musicologie). Cet effort vise à fédérer les compétences individuelles et à améliorer la visibilité de ces disciplines.

3 . La place de la France

La participation accrue des chercheurs français dans les rencontres internationales met en évidence la place qu'occupe aujourd'hui la recherche française. Si la situation de l'IRCAM est connue, il ne faut pas pour autant oublier la contribution des autres centres à cette reconnaissance internationale.

Il persiste malgré tout, faute de moyens, des secteurs où des retards restent à combler. C'est le cas notamment de la recherche en danse et de certains domaines de la musicologie. Même sur le patrimoine français, il existe des périodes pour lesquelles les principales bases de données sont nord-américaines (danse baroque, musique ancienne...)


D - PERSPECTIVES

Il serait vain de vouloir, en quelques lignes, évoquer pour chacune des disciplines l'état actuel de ses enjeux artistiques, scientifiques et techniques.
Nous avons choisi de consacrer l'essentiel de cette partie à l'informatique musicale. À ce sujet, vous trouverez en annexe un texte de Jean-Claude Risset, compositeur et directeur de recherche au CNRS.

À l'heure où nouvelles technologies, multimédia, signaux numériques véhiculant sons, images et réalités virtuelles semblent devoir monopoliser le champ de la communication, ces quelques pages rappellent opportunément les origines de l'informatique musicale.
Au delà du discours "techniciste" ou du plaidoyer pro domo sua, il replace cette activité dans une perspective historique qui met en lumière ses enjeux esthétiques et scientifiques.

Cette discipline connaît aujourd'hui un essor sans précédent. L'intérêt renouvelé qu'elle suscite, si l'on en juge le succès des initiatives de ces dernières années (Forum de l'IRCAM, Journées d'Informatique Musicale, Rencontres musicales pluridisciplinaires du GRAME, création d'une société d'informatique musicale), est très encourageant.

Tout ceci doit nous inciter à poursuivre la politique de structuration du milieu qui a été engagée. En effet, il est quelque peu paradoxal de constater le décalage considérable qui existe entre le professionnalisme avéré des chercheurs et le statut associatif des centres de recherche qui les emploient, statut qui n'offre aucune garantie de pérennité aux investissements entrepris.
La politique de partenariat avec le CNRS qu'a menée la Mission de la recherche va dans ce sens. Il faut toutefois noter que les "chantiers" actuels ont été financés par un redéploiement des moyens dont les limites sont aujourd'hui atteintes.

La poursuite de ce travail suppose un effort budgétaire à la hauteur de nos missions. Sans un minimum de mesures nouvelles, nous risquons de nous arrêter au milieu du gué, perdant de ce fait tout le bénéfice de près de 20 ans de recherche au plus haut niveau.
La France a en effet su occuper une place de premier plan en matière d'informatique musicale. À l'heure où les progrès rapides de la micro-informatique permettent d'entrevoir une valorisation possible des résultats de la recherche, il serait regrettable de ne pas s'en donner les moyens.

Cet effort devra se traduire principalement dans deux directions :

- la valorisation de la recherche, tant d'un point de vue industriel que sous l'angle de son enseignement et de sa médiation ;

- la pérennisation des équipes et l'institution de nouveaux partenariats, par la création de nouvelles unités mixtes de recherche.

Le savoir-faire de nos centres de recherche en matière de traitement et de synthèse du son et, plus généralement, d'outils informatiques pour la création, trouve aujourd'hui dans le multimédia et les univers dits virtuels un champ d'applications scientifiques et artistiques nouveau. Il doit permettre aux créateurs français d'être présents dans ces secteurs malgré une domination économique incontestable des États-Unis.

Il est important à ce titre d'être présent sur les réseaux tels Internet. Si le programme STUDIO ON LINE de l'IRCAM est aujourd'hui le projet le plus abouti, il convient, à l'instar des autres secteurs du ministère, de développer la mise en réseau des banques de données musicales les plus significatives.

Pour autant, on ne saurait passer sous silence la nécessité de développer des domaines encore embryonnaires.

On pense entre autres à la recherche en danse, quasi inexistante en France au niveau institutionnel malgré quelques personnalités remarquables. Des projets sont à l'étude, qui pourraient aboutir dès 1997 si les financements nécessaires sont trouvés.

Les perspectives, on le voit, sont nombreuses et encourageantes.
Cependant, il n'est stimulant de mesurer l'ampleur du travail restant à accomplir que si l'on se donne les moyens de sa réalisation.
L'invocation propitiatoire n'étant pas l'objet de ces quelques pages, nous ne détaillerons pas cet aspect des choses. Ceci ne doit pas interdire, malgré tout, d'y noter l'expression d'une inquiétude sur les perspectives budgétaires dont les chercheurs feraient volontiers l'économie..




Référence: http://www.culture.fr/culture/mrt/cmr/assises_96/mus_dans.htm