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On line 3 mars 2003, 12:48h
Lexique Art-Relais:
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Arts-relais
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«Cinéma, radio et télévision forment,
avec la photographie et la phonographie, un vaste ensemble de moyens d'expression
et de communication qu'on pourrait regrouper sous l'appellation générale
d'«arts-relais».
Ce qu'ils ont en commun, c'est de manipuler ce qu'on
pourrait nommer aussi bien des empreintes de l'univers
à trois dimensions que les simulacres d'une
présence temporelle : l'image électronique éphémère,
tout comme l'image que fixe la pellicule du cinéma, l'image sonore
fixée par le disque ou la bande magnétique ou transmise sans
enregistrement par la chaîne électroacoustique qui va du micro au
haut-parleur, ne sont pas, quoi qu'on puisse dire, des reproductions du
réel. Ce sont des trompe-l'oeil, des illusions, non d'optique, mais
d'existence. D'objets à trois dimensions qu'on peut voir mais aussi
palper, d'événements audiovisuels se déroulant dans
le même espace-temps et lié à lui,la machinerie
des arts-relais nous offre une version revue et corrigée, quoique
spécifique, qu'on appelle selon le cas photographie, plan ou séquence,
enregistrement continu ou montage, ou d'une manière plus générale,
image sonore ou visuelle.»
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D'après Machines à Communiquer,
tome 1 : Genèse des Simulacres, éd. du Seuil, 1970
et Esthétique et technique des arts-relais Inédit,
1941.
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Empreinte
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Entre le modèle et la photo, entre l'événement
et sa retransmission radiophonique ou télévisuelle, il y
a un rapport de cause à effet. Les sons et les images que manipulent
les arts-relais sont des traces physiques.
C'est la conjonction entre ce rapport de cause à effet et un rapport
de ressemblance qui renforce, dans le simulacre, l'illusion du réel.
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D'après Machines à Communiquer,
tome 1 : Genèse des Simulacres, éd. du Seuil, 1970.
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Machinerie,
Machines à communiquer
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Dispositif à la fois technique, esthétique,
institutionnel, économique qui intervient, dans une production-diffusion
de masse, entre les créateurs et leurs publics.
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Voir aussi Arts-relais et Triangle
de la communication.
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Médiateur
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Professionnel (ou groupe de professionnels) de la radio-télévision
qui fait passer le message des «milieux autorisés» (artistiques,
littéraires, scientifiques) au grand public.
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Voir aussi Triangle de la
communication.
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P.C. = Constante
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Libre interprétation de la «relation hyperbolique»
qui régit, en physique, les gaz parfaits, appliquée aux rapports
du pouvoir et de la communication.
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D'après Machines à Communiquer,
tome 2 : Pouvoir et Communication, éd. du Seuil, 1972.
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Producteur
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Au sens le plus général, détenteur de
pouvoir (mécène, sponsor, éditeur...) qui assure les
moyens de la communication entre créateurs et publics. Dans un sens
plus précis, personne ou société qui assure le financement
d'un film ou d'un spectacle. Dans un sens particulier à la radio-télévision,
personne qui con*oit une émission et favorise sa réalisation
en fonction des moyens financiers et techniques qui lui sont alloués.
(Cf dictionnaire
Robert).
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Voir aussi Triangle de la
communication.
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Simulacre
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Les images sonores et visuelles que manipulent les arts-relais
évoquent irrésistiblement une réalité dont
elles diffèrent radicalement.
consiste à voir dans le simulacre une simple reproduction ou retransmission
d'événements réels. C'est ainsi qu'on a pu qualifier
la télévision à ses débuts de «fenêtre
ouverte sur le monde», d'autant plus que le direct y était
de règle. Ce serait oublier que la retransmission est déjà
une transposition, le résultat de décisions instantanées
du preneur de son, du cameraman, du réalisateur, du reporter.
Mais la différence la plus fondamentale entre
le simulacre et le réel tient aux conditions de réception.
L'actualité est devenue spectacle, sans la distance que préserve
la lecture d'un journal, mais aussi sans possibilité d'intervention
du spectateur.
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D'après Esthétique et Technique des
arts-relais, inédit, 1941 et Machines à communiquer,
tome 1 : Genèse des simulacres, éd. du Seuil, 1970.
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Triangle
de la communication
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Pour analyser toute communication, le schéma de LASSWELL
propose de répondre aux questions suivantes : «Qui dit-quoi?
- comment? - à qui ?», éventuellement complétées
par une question sur l'impact : «Avec quel effet ?». On va
ainsi en droite ligne de l'émetteur au récepteur, avec ou
sans feed-back, selon qu'il s'agira d'une communication à sens unique
ou bilatérale. Le «quoi», c'est le contenu du message,
le «comment», la voie qu'il emprunte (face à face, lettre,
téléphone, etc...). Qu'on se réfère ou non
à LASSWELL, c'est ce schéma linéaire qu'on applique
instinctivement à la relation entre l'auteur et son public.
En fait, dès que la communication «s'écarte
du dialogue d'individu à individu pour impliquer un groupe ou une
collectivité, on voit s'interposer, entre le créateur du
message et la pluralité des destinataires un processus (thème
des machines) et un producteur
(thème du pouvoir).»
Examinons maintenant les trois sortes de dialogues qui
s'établissent dans le triangle :
Un premier dialogue réunit l'auteur et le producteur
hors de la présence du public. Entre des auteurs et des producteurs
connus joue alors un jeu de l'offre et de la demande : d'une firme, d'une
radio, d'un éditeur à l'autre, on s'arrache des vedettes
qui peuvent en profiter pour augmenter leurs prétentions. «Ce
jeu-là est de tous les temps : les cours peuvent se disputer le
musicien, le poète, le prédicateur à la mode et de
pauvres hères recherchent vainement la faveur d'un seul Prince,
sans que le public soit le moins du monde concerné explicitement.»
Le second dialogue, une fois l'oeuvre achevée
relie effectivement l'auteur et son public. Encore faut-il nuancer : certains
auteurs se sont effectivement constitué un public qui les suivra
éventuellement d'un éditeur à un autre, d'une salle
de spectacle à une autre; d'autres parties du public suivent une
collection (policière, par exemple),un feuilleton ou une série,
voire une chaîne de radio ou de télévision sans que
le nom de l'auteur soit déterminant.
Le troisième dialogue, enfin, met en rapport l'ensemble
de la production et l'ensemble du public, mettant cette fois entre parenthèses
l'apport de tel auteur particulier.
Ce schéma est déjà très simplifié
lorsqu'on l'applique à lédition : il regroupe sous le nom
de «producteur» des activités et des responsabilités
très diverses et traite comme allant de soi le dialogue producteur-public
sans analyser les déterminismes propres au système de distribution
et au fonctionnement de la librairie.
Lorsqu'on en vient à la radio-télévision,
c'est, à la place du producteur, une énorme machinerie
qui s'interpose désormais entre le créateur et l'auditeur
ou le téléspectateur. À un bout de sa ligne, le créateur
affronte une partie de cette machinerie, le public est confronté
à une autre. Le processus complexe qui les relie leur échappe
totalement. Quant aux nombreux responsables de cette machine
à communiquer - responsables non seulement de sa technique mais
de son économie et de sa politique, aucun n'a une claire vue d'ensemble
de son fonctionnement. Quant aux experts, ils dissertent d'autant plus
volontiers sur la radio-télévision qu'ils se gardent d'aller
voir ce qui s'y passe.
Une première tentative pour sortir de la confusion
fait apparaître, au sommet du triangle professionnel un nouveau personnage
: le médiateur.
C'est dans un milieu restreint, le «milieu autorisé"»que
le rôle du créateur, écrivain, cinéaste ou chercheur
scientifique est d'abord reconnu. Le rôle du médiateur consiste
à faire passer le message du milieu autorisé au grand public.
S'il fait partie lui-même de ce milieu autorisé - en étant
par exemple, critique littéraire - il peut alors consacrer des créateurs.
S'il n'en fait pas partie, il les choisit en fonction de la notoriété
déjà acquise dans ce milieu restreint. Présentateur,
animateur, meneur de jeu, interviewer, le médiateur est le plus
souvent en vitrine, recevant ses invités, interrogeant telle ou
telle personnalité. En coulisse, le réalisateur et son équipe
s'associent à la même tâche. À l'arrière
encore, le producteur, dans le sens particulier que lui donne la radio-télévision,
responsable de la conception et de la stratégie, peut diriger plusieurs
équipes de réalisation pour une même série ou
une équipe à travers de multiples réalisations. Dans
ce rôle, il reste pratiquement inconnu du grand public, sauf s'il
apparaît en même temps à l'antenne dans le rôle de meneur
de jeu ou d'interviewer. C'est donc en fait un «groupe de médiation»
qui occupe le sommet du triangle.
Mais il ne s'agit que du triangle visible. Un autre triangle,
caché, met en relation le médiateur (et plus précisément,
dans le groupe de médiation, le producteur) avec, d'une part, le
programmateur qui décidera de la diffusion de son produit sur la
chaîne et cette autre sorte de "milieu autorisé" que constitue la
hiérarchie et/ou les groupes de pression, politiques ou autres en
relation avec l'organisme diffuseur.
Entre producteur et programmateur, la distinction devrait
être aussi nette qu'au cinéma entre maisons de productions
de films, d'une part et, d'autre part, les organismes de distribution et
l'exploitation en salle. En fait, il arrive qu'un producteur, par le jeu
de sa notoriété et de ses relations dans les «milieux
autorisés», hiérarchiques ou autres, parvienne à
se constituer, à l'antenne, un lotissement dont le programmateur
n'aura plus qu'à s'accommoder. Inversement, il arrive que ce dernier,
responsable de l'économie générale de sa grille de
programmes soit tenté de concevoir à lui seul des centaines
et des centaines d'heures de programme, «plus que n'en conçoivent,
dans un pays comme la France, tous les cinémas et tous les théâtres
réunis». Par cet abus de pouvoir, il réduit le
rôle du producteur-médiateur à la fabrication d'oeuvres
de commande.
Reste, évidemment, le dialogue entre le programmateur
et son «milieu autorisé», personne n'imaginant qu'il
puisse décider à sa guise, sans autre souci que celui du
public, du contenu de ce qui passera à l'antenne. On aboutit ainsi
à une nouvelle figure qui met en évidence, pour le groupe
de médiation, deux relations symétriques : l'une, côté
spectacle, avec le public, l'autre, côté coulisses, avec des
pouvoirs de production et de diffusion.
Cette «hypothèse de travail», présentée
en 1967 dans la revue Preuves n° 202, a été
reprise en 1970 dans Genèse des Simulacres, entre
les "événements de 68" et l'éclatement de l'O.R.T.F.
en 1974. Cette analyse préludait, en 1970 et dans les années
suivantes à des propositions de réforme institutionnelle
basée sur le principe de séparation des pouvoirs avec une
instance d'arbitrage indépendante du gouvernement mais veillant
au respect d'un cahier des charges en termes de service public, et sur
une réorientation des objectifs qui tienne compte du fait que la
télévision n'est pas seulement faite pour une clientèle
de téléspectateurs mais pour une population de citoyens.
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Voir Machines à Communiquer, tomes 1 et
2, éd. du Seuil, 1970 et 1972.