Bruits de surface
Parceque composer de la musique c'est tout d'abord s'occuper du temps -
celui de sa durée, bien sûr, mais aussi celui de sa perception (bien qu'en
musique ces deux durées soient généralement la même) - et ce bien avant
toute autre donnée (rythme ou hauteur ou ...), l'envie est venue de pousser
ce temps presque à outrance, et de profiter de cette durée démesurée pour
construire la chose elle-même - la construire tandis qu'elle se fait, déjà.
Pensée en parallèle à l'exposition de Cyril Olanier au Centre d'Art du
Crestet, Bruits de surface aura un developpement de la durée même de cette
exposition - l'évolution d'un seul morceau de musique sur prés de deux
mois; une occupation de ce temps, toujours pareille et dissemblable
pourtant.
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Trois phases dans cette composition, avec à chaque fois un mode de travail
et surtout une façon de penser ce travail différente.
Bruits de surface: La partie centrale, la plus longue, et de loin, celle
qui prend la durée de l'exposition, est formée d'une superposition de
résonances - celles d'événements passés, du vieillissement de la chose
exposée (musique, mais aussi la vision du compositeur sur l'exposition),
des nouvelles musiques écrites pendant ce temps, en réaction à ce temps,
mais dont ne seront enregistrés que les échos. Ces enregistrements sont
ensuite diffusés, librement superposés les uns aux autres - ainsi se fait
la rencontre d'échos d'âge différents, réunis par le hasard du moment. De
plus, de nouvelles strates de cette musique seront écrites dans le même
temps, fournissant autant de ferments aux nouvelles résonances, augmentant
d'autant le catalogue des possibles croisements, des possibles rencontres.
Bruits de surface: La partie jouée en direct
Trois interventions en direct sont prévues, le 26 septembre Le lancer, le
31 octobre, La persistance, le 28 novembre La dissolution
Le lancer joué lors du vernissage de l'exposition, le sera par des
musiciens en direct - mais hors de la galerie elle-même, hors même de la
vue du public. Ainsi les sons parviendront-ils filtrés par les murs et le
plafond, déjà échos d'eux-mêmes. De plus c'est ce début qui va fixer la
"couleur" de l'ensemble de la pièce, par l'instrumentation tout d'abord -
percussions et cordes, et leur traitements électroniques - mais aussi par
ses données harmoniques dont seront tributaires (avec bien sûr l'envie de
la transgression) les parties à venir.
La persistance,, sera dans la galerie elle-même, et ce autant pour la
volonté de donner un mouvement à la musique, et sa confrontation directe
avec les toiles, que pour des raisons techniques ou acoustiques; en effet
l'instrumentation en sera plus acoustique - violoncellen timbales,
vibraphone - autant d'instruments supportant mal le plein air.
La dissolution, enfin. Ou comment, à la fin de l'exposition, le son
re-devient joué en direct, mais de nouveau en dehors de la galerie elle
même. Dehors et de plus en plus loin d'elle, rendant encore une fois
impossible la vue des musiciens, trop distants les uns des autres. Et la
musique elle aussi prend comme un éloignement, en allongeant
progressivement le temps entre deux événements, ce faisant, faisant de
chacun d'eux un élément autonome, autant susceptible d'être le dernier
qu'il est le seul. Et de fait une musique non-finie, un dernier son étant
toujours possible.
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Et concrètement.
Le lancer, et La persistance joué avec la formation SsakStal (KTT et le
percussionniste Didier Casamitjana). Des basses électriques, guitares,
violoncelle, percussions classiques (Grosse Caisse, peaux, Tams....) et
électronique "live".
La partie centrale, enregistrements avec le même instrumentarium, élargi
(Vibraphone, timbales...) de nouvelles partitions, de manière à accentuer
les résonances du lieu bien plus que le son de l'instrument lui-même, puis
gravure de ces "échos" sur CD, dont plusieurs en même temps, d'époques
différentes et sans tenir compte d'une chronologie, sont diffusés. Dans le
même temps - ou après l'exposition - les morceaux eux-mêmes (ces
"générateurs d'échos") peuvent être joués en concert, autre part.
La dissolution, des musiciens, plus nombreux cette fois (il m'importe de ne
créer une augmentation que dans le moment de la dissolution) mais toujours
le même type d'instrumentarium (percussions, cordes) - une espéce
d'excroissance de SsakStal, jouent une partition dont le guide est le temps
- chronométrique. Eparpillés autour du Centre, ils ne peuvent se voir ni
être vus - simplement entendus, et encore... toujours la perte.
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