Esthétique par défaut
La beauté parfum vanille, Etienne Cliquet, Août 2002
Qu'est
ce qu'une interface par défaut ?
A la limite du reconnaissable, l'esthétique par défaut
peut parfois désarmer l'utilisateur par sa simplicité voir
être interprétée comme une erreur (défaut) et
son contenu ignoré. L'esthétique par défaut est née
sur Internet de la relation entre humains et machines. Le collectif Téléférique
auquel je participe depuis trois ans expérimente un site dont l'interface
est par défaut. C'est de là que provient ce texte. Tout ce
dont il est question ici fait référence à http://www.teleferique.org
ou ftp://ftp.teleferique.org comme
exemples. L'esthétique par défaut s'applique moins à
une oeuvre ou un auteur, qu'à un choix collectif, un contexte de
travail et de diffusion sur le réseau. Notre interface est absente
de design1. Elle n'a pas été
conçue par un designer ou tout autre humain mais par le programme
de la machine (serveur). « Par défaut » en informatique
signifie une valeur définie dès le début de l'exécution
du programme, avant que l'utilisateur ne la modifie. Au démarrage,
l'affichage est initialisé par défaut2.
Son apparence est définit par le programme, le logiciel qui permet
de voir le site. « Défaut » vient du vieux français
défaute,
défaillir c'est à dire « faillir dans »,
« manquer à ». Est beau ou réussi ce qui manquerait
à certaines règles ou croyances, une beauté par contumace.
Un site commence toujours par le transfert d'un fichier vers un serveur
à l'aide d'un logiciel FTP (File Transfert Protocol) qui
le place dans un répertoire précis. Bien que tous les sites
sur le Web soient structurés par une arborescence de dossiers
contenant des fichiers, celle-ci demeure le plus souvent invisible, cachée
du visiteur. Nous avons choisi de la montrer. Notre site donne accès
à un ordinateur distant, utilisable par les membres de notre collectif
et visible par tous sur le Web. S'y connecter depuis n'importe quel
endroit de la planète revient à scruter la micro-architecture
du disque dur de notre serveur situé quelque part en banlieue Parisienne.
On y voit les dossiers et fichiers qu'il contient, ainsi que la date de
création, le poids et éventuellement un descriptif de chacun
d'eux. En vous connectant pour la première fois, il se peut que
ces quelques dossiers vous rappellent vos premiers pas en informatique
ou votre première connexion Internet. Qui n'a pas perlé de
sueur à l'ouverture de son premier ordinateur et à son premier
clic de souris sur un dossier ? Le monde informatique est un monde d'initiés.
L'humain s'initie à l'ordinateur. L'ordinateur s'initialise aux
humains. Mais si l'humain a un oubli ou fait une erreur, la machine la
rattrape automatiquement. L'interface3
par défaut participe d'un oubli volontaire ou plutôt d'un
consensus avec le programme de la machine (serveur). Nous n'avons pas créé
de première page comme un livre dont on aurait arraché la
couverture. On accède directement au contenu. Sans page d'index
porteuse d'une intention humaine les droits d'affichage sont légués
au programme.
On peut comparer l'esthétique par défaut à un no
man's land, terre d'aucun homme. Rassurante comme une barrière au
bord du vide, inquiétante comme une réponse officielle, une
telle interface renvoie l'humain et la machine dos à dos. Disons
inter-dos plutôt qu'inter-face. L'interface est communication entre
l'humain et la machine tandis que l'interdos distancie l'humain de la machine.
La machine montre son cul, ce geste simple, provocateur et amusant qui
trouble l'adversaire. Une fois familiarisé, le visiteur prendra
petit à petit ses repères. Il reconnaîtra ce qui demeure
de ce qui a changé visite après visite. Tout est là,
permanent comme le réel, localisable par une adresse (URL4
ou adresse IP) mais en une seconde, tout peut changer, fichiers déplacés,
renommés et effacés. Rien n'est grave si l'on a pris garde
de les enregistrer sur son ordinateur. Heureusement qu'une sauvegarde est
toujours possible. Avec les humains, les rapports certes plus compliqués
sont aussi plus riches. Mais nous ne pouvons malheureusement pas redémarrer
comme les machines.
Dix ans après l'ouverture d'Internet au grand public grâce
au Web, la création d'interface est devenue une affaire de graphistes,
un état de fait indiscutable (y compris dans les écoles).
Figées par une charte graphique, les interfaces sont devenues bien
souvent un écran à Internet voilant sa profondeur arborescente,
rhizomatique ou en treillis. Par un acte d'abandon, l'interface par défaut
laisse la machine se représenter elle-même et produire ainsi
ses propres codes culturels (figuration de la mémoire, du temps,
de la hiérarchie) à contrario d'un graphisme dicté
par le soucis d'image de marque. Si je compare les compétences d'autres
domaines, le monopole du graphisme me semble d'ailleurs discutable. Les
architectes pourraient donc mieux que quiconque réaliser un site
parce qu'au fond une arborescence est une architecture ? L'esthétique
industrielle (design objet) est bien plus compétente pour
faire une interface parce que c'est une question d'ergonomie ? Les designers
textile sont plus à même de comprendre les ordinateurs dont
les ancêtres sont les métiers à tisser Jacquard ? Notre
site est collectif. Plusieurs personnes participent à sa réalisation,
son évolution. Raison pour laquelle il n'y a donc pas un graphisme
hégémonique mais une esthétique par défaut
pour l'ensemble. Une telle interface est reposante parce qu'elle évite
l'écueil d'une Nième création originale, dépendante
des aléas de la mode et la technologie. D'un autre coté,
il ne s'agit pas d'interdire le graphisme sur notre serveur. Chacun peut
localement adopter une esthétique propre s'il le désire dans
le répertoire qu'il occupe. Que ce soit pour un catalogue papier
ou la création d'un site sur internet, les artistes se voit affiliés
systématiquement des graphistes pour créer un habillage de
leur travail, pour des raisons de communication qu'invoquent les institutions,
galeries ou artistes eux-mêmes. Pris en otage par la communication,
nous avons décidé de nous organiser. De la même manière
que les astronomes se regroupent en association depuis plusieurs années
pour lutter contre la pollution lumineuse du monde occidental qui les empêche
d'observer les étoiles la nuit, l'esthétique par défaut
définit un cadre écologique dans un environnement de communication
surchargé d'informations. The sky is the ultimate art gallery
just above us dit Ralph Waldo Emerson de l'International Dark-Sky
Association. C'est sans doute valable pour Internet et l'information.
La publicité pollue l'information. Proposer de l'information en
créant un site devient de plus en plus délicat parce que
nous sommes trop sollicités. On développe une défense
immunitaire à l'information. Si l'on est insensibilisé aux
sollicitations du réseau, on ne retient rien. Si l'on est allergique,
on devient agressif et paranoïaque.
Les relations qu'entretiennent l'art et le design aujourd'hui
évoluent. Artistes et designers semblent inverser leurs compétences
et champs d'actions. Ils se croisent plutôt que de se fondre. Tandis
que de plus en plus de designers exposent dans les musées
ou galeries, de nombreux artistes s'infiltrent dans le quotidien, cherchant
à se faire oublier. Le design quitte le cadre de vie pour
infiltrer l'espace neutre d'exposition. Beaucoup de jeunes designers
en rentrant au musée ou en galerie accèdent au statut d'auteur.
Ils proposent un modèle (série limitée, prototype),
des concepts pour la vie (tendance, prospective), non plus des objets à
vivre. Pendant ce temps, certains artistes quittent sur la pointe des pieds
l'espace d'exposition qu'ils jugent ne plus être un espace d'autonomie
critique mais un canal de communication parmi d'autres. Ou bien, comme
c'est mon cas, ils n'y entrent jamais vraiment. Ma réinsertion s'accomplit
dans la permanence du réel dont Internet est l'espace principal.
Déjà-là, par défaut, il m'a suffi de pousser
la porte pour y entrer. Une interface par défaut est libre à
l'inverse d'une interface « Multimédia » payante réalisée
par exemple avec Macromedia FlashTM qui coûte 599 €uros
à ce jour (10 juillet 2002). Sur Internet, le concept de libre est
différent de gratuit. Libre signifie que le concept d'argent n'existe
pas. Nous ne sommes pas pauvres. Bien au contraire, nous nous sommes enrichis
sans posséder. Par défaut, toute information peut circuler
librement sur Internet, au profit de tous et non de quelques uns. Les outils
sont accessibles librement par tous (domaine public, licence GPL, Copyleft)
y compris ceux permettant de faire du commerce en ligne ! Pour la plupart,
ils sont Open-source, ce qui veut dire qu'ils peuvent être modifiés
tant dans leur forme que leur fonction par quiconque le désire tel
un élément naturel.
Cet accueil chaleureux du design par l'exposition est possible
depuis que les musées sont des espaces culturels. Les musées
ont intégré la communication et le marketing à leurs
activités. Dans les années 60, on se demandait à Paris
pourquoi les expositions étaient désertées par le
public. La naissance de Beaubourg a coïncidé avec l'ouverture
de l'art au grand public et à d'autres domaines. L'espace neutre
d'accrochage a cédé la place à un lieu d'art engagé,
y compris dans sa propre communication. Si art, design et marketing sont
réunis dans un même projet, leurs intentions sont-elles les
mêmes. Art, design et marketing ont ils le même usage de l'esthétique
et de la communication ?
Le programme génère « l'interface par défaut
». Le programmeur à réalisé le programme. Le
programmeur code5. Il écrit en langage
machine du texte exécuté par l'ordinateur. Le texte est natif
du monde de l'ordinateur. Le code est la langue des machines comme le français
est la langue parlée en France. Le codeur parle donc la même
langue que les machines. L'interface par défaut est souvent textuelle
par défaut. Le texte, plus léger et maniable que l'image
à afficher à l'écran transite aussi beaucoup plus
vite sur Internet. Il y a quelque chose du codeur dans l'interface par
défaut mais rien de personnel, subjectif (ses névroses et
pulsions libidinales) mais une distinction plus large, propre à
la communauté qui dans l'ombre sont les artisans de l'informatique
et des réseaux. «Artisans» me fait penser au mot Hacker8.
A l'origine, hacker est quelqu'un qui fait des meubles à
la hache. Pas du tout design ! Artisan, c'est aussi celui qui travaille
pour son propre compte.
Dans divers dictionnaires du Jargon informatique (Linux-France et Tuxedo) on peut lire deux termes s'approchant de «par défaut» : Canonique et Vanilla. Canonique6 veut dire conforme aux canons de l'église. Il s'agit d'une ironie mais à y regarder de plus prêt cette allusion est justifiée...L'activité du programmeur, coder, donner des instructions à la machine, constitue de la parole en acte. Dans de nombreux manuels d'informatique, le premier exercice est le même. Réaliser un programme qui affiche à l'écran « Hello World ! ». Le programme dit bonjour au monde. Le code est devenu programme en venant au monde, par accouchement. La définition de verbe dans la religion chrétienne est la parole de Dieu. On peut lire dans l'ancien testament : « Par la parole de Yahvé les cieux ont été faits ». Programmer peut être ressenti comme jouer à Dieu. Prenons l'exemple d'un programme très simple, un compteur qui affichera 1 puis 2 3 4 5 6 7 jusqu'à l'infini. : // en pseudo code on aura une syntaxe de type : i=0 // initialisation du compteur à 0 loop: // création d'une boucle dans le programme print i // affichage du compteur i=i+1 // incrémentation du compteur goto loop // retour à la boucle // en langage C standard, l'instruction tient en une ligne : for(i=0;;i++) printf("%d ",i);Une ligne de code suffit à générer un processus sans fin, pas plus intéressant je l'admets que de tourner en rond dans une pièce carrée... Le mot français ordinateur a aussi des origines théologiques. Celui qui a proposé de traduire computer par ordinateur, Yves Perret, a justifié son choix en précisant : Ordinateur se trouve dans le dictionnaire Littré comme adjectif désignant Dieu en tant qu'il est celui qui met de l'ordre dans le monde. Le langage orienté-objet, langage informatique apparu dans les années 90 (C++, Java) renforce la réification du code informatique. Le langage orienté-objet considère chaque problème rencontré comme une classe dont l'utilisation passe par une instance objet (philosophie Platonicienne). En gros, tout problème à résoudre lors de la construction d'un programme est un objet. Par exemple, « manger la purée avec ses mains » est une classe nommée « Dégueu » qui pourra être utilisée à un moment ou à un autre comme un objet grâce à des méthodes (choquer mamie, étonner papi) et des propriétés (épaisseur du geste, taux de grossièreté). Le MOO, Mud Orienté Objet est un jeu de rôle multi-joueur sur Internet qui procède de la même façon pour construire des mondes virtuels avec du texte. Une commande spéciale me permettrait de créer un toboggan. Je le voudrais rouge et quiconque en réseau en aura une description lira qu'il est rouge. Si un joueur déplace mon toboggan dans un autre endroit du jeu, il ne sera plus accessible à l'emplacement initial. Le monde semble accessible, sans un geste, assis sur son siège à accoudoir par l'utilisation de quelques mots.
L'autre terme s'approchant de « par défaut » dans
le jargon informatique est Vanilla7,
la vanille étant le parfum de glace préféré
des américains, également le parfum par défaut des
glaces. Un programme informatique parfum vanille est une version ordinaire
de celui-ci, une version sans options, sans boutons sophistiqués
par exemple. L'allusion par la vanille à la culture américaine
et l'homogénéisation du goût est significative de l'Occident,
de sa capacité par le langage à unir et uniformiser les cultures.
Les langages de programmation, tous écrits en anglais proviennent
des Etats-unis et sont utilisés partout dans le monde. Les instructions
comme Printf ou les opérateurs comme if else, for,
while,
switch, communs à de nombreux langages informatiques, sont
des termes utilisés localement tous les jours par des programmeurs
aux quatre coins du globe devant leur écran. La programmation est
un langage international comme l'anglais et précédemment
l'alphabet, un standard de communication. La vanille est au goût
ce que la programmation est au langage, un phénomène de standardisation.
Notre alphabet phonétique occidental en permettant de parler plusieurs
langues à l'aide des mêmes signes a constitué dores
et déjà selon Marshall Mc Luhan une technique d'uniformisation
: « La civilisation est basée sur l'alphabétisation
parce que l'alphabétisation en prolongeant le sens de la vue dans
l'espace et dans le temps, le rend capable d'uniformiser les cultures ».
Mais il me semble qu'il y a aujourd'hui une différence importante
entre l'anglais comme langue internationale et la programmation comme protocole
de communication avec le hardware. Si l'usage de l'anglais sert de convention
pour la globalisation des échanges, la programmation a cette capacité
de réunir des intérêts locaux, de particuliers à
particuliers. L'anglais fonctionne parfaitement pour rédiger un
contrat de fusion entre 2 multinationales et la programmation informatique
fonctionne très bien pour mettre en commun l'intérêt
de personnes individuelles (Linux) sans aucune dépendance avec l'entreprise
et sa logique rationnelle du travail. Le parfum vanille évoque pour
moi la désuétude d'un dessert simple, modeste mais toujours
aussi savoureux, que je partage volontiers. Ce sont également des
qualités que je retrouve dans l'interface par défaut.
Vanilla et canonique seraient-ils des allusions ironiques à
une Amérique puritaine (le fondamentalisme chrétien en demeure
l'exemple extrême) ? Malgré la rigueur logique requise pour
programmer, la langue vernaculaire des informaticiens regorge de jeux de
mots spirituels. Est ce que la rigueur rationnelle de la programmation
fait péter les plombs des informaticiens ? La logique poussée
dans ses retranchements permet la construction de situations impossibles
et mondes absurdes. La science-fiction dont raffolent les hackers
selon Eric S.Raymond utilise le mélange de rationalité et
magie. Pierre Versins, l'auteur de l'encyclopédie de l'Utopie,
de la Science-fiction et des voyages extraordinaires, appelle la science-fiction
«conjecture romanesque rationnelle». Ce n'est aussi pas un
hasard si les jeux visuels sur la perspective du peintre Escher fascinent
les hackers. On peut le regretter comme les médecins qui
adorent le peintre Dali parce qu'il représente des corps malades
et tordus... L'esthétique par défaut au contraire représente
une réponse simple et légère dans un monde complexe.
Une solution par défaut est une solution rapide. L'apparente austérité
de l'esthétique par défaut masque en réalité
une propension au jeu. L'interface est initialisée par défaut
comme la première partie d'un jeu qui commence. A ce jeu, nous considérons
facilement les programmes comme des artistes et les moteurs de recherche
constituent d'excellents commissaires d'exposition internationaux.
Chacun est dores et déjà familier aux interfaces par défaut
peut être sans le savoir. Tous les ordinateurs et systèmes
d'exploitation (O.S.) de la galaxie en sont équipés (Mac,
Windows, Unix). Votre ordinateur est la métaphore d'un bureau, fait
de fichiers rangés dans des dossiers. Tous les ordinateurs personnels
sont des petites bureaucraties. Ce mode de représentation généralisé
est partout, susceptible de faire écho à des cultures, religions
et idéologies différentes. Imaginez le Dalaï-lama devant
son écran en train de relever ses e-mails. L'apparente rigueur
de l'esthétique par défaut serait-elle zen pour un bouddhiste,
austère pour le chrétien, conforme à la Charia ? Dans
la vie courante existe de multiples actions par défaut. Quand on
se lave les mains dans les toilettes d'un bar, l'eau a une température
par défaut. Elle est souvent glacée vous avez remarquez ?
Vous renoncez à vous laver les mains par forfait. Tout le monde
s'est un jour réveillé en retard un matin. Si vous devez
partir sans manger, sans vous doucher, vous vous habillerez par défaut,
avec ce qui vous tombe sous la main. Vous vous assumez toute la journée
sans faire d'effort de sociabilité, de communication. On peut dire
alors que vous êtes belle par défaut, magnifique par contumace.
Ce n'est pas si insignifiant que ça. Imaginez que vous déterminiez
le nom de votre enfant selon le processus suivant. Il prendra le nom du
Saint qui apparaît dans le calendrier le jour de sa naissance. Son
anniversaire coïncide avec sa fête et vous n'aurez qu'un cadeau
à lui faire au lieu de deux chaque année. Par contre il peut
mal le vivre. Supposez que votre fils s'appelle Rosalie parce qu'il est
né le 4 septembre ?
L'aspect austère de l'esthétique par défaut vu
par un artiste prendra peut être un air fonctionnaliste, suprématiste,
conceptuel ou minimaliste, comme un souffle perdu des avant-guardes mais
l'intention révolutionnaire ou utopique n'y est pas. « Par
défaut » est une formule coutumière. Toutefois elle
s'apparente sur certains points au « ready-made » de Duchamp
(Porte-bouteilles). D'un point de vue linguistique, ce sont tous
les deux des locutions. « Par défaut » est une locution
adverbiale et « ready-made » une locution nominale. Expression
formée d'un groupe de mots, la locution souvent figée par
la tradition, apparaît dans le langage par prolongement, par habitude
et sans rupture à la différence d'un nouveau nom de projet
révolutionnaire. Le « Ready-made » est une expression
empruntée au langage familier qu'utilise Duchamp en 1913 pour décrire
l'art contemporain de son époque et son fonctionnement. Une interface
par défaut se différencie sur les points suivants : Elle
est déjà-choisie plutôt que déjà-faite,
un « ready-chosen » plutôt qu'un « ready-made ».
On a installé un site sur un serveur exactement selon le mode d'emploi
décrit dans les manuels techniques. Je distinguerais donc «
choisir un objet comme acte artistique, l'absence de faire » et «
faire un serveur avec des paramètres par défaut, l'absence
de choix ». A mon sens, cette absence de choix est motivée
par le refus de communication visuelle comme seul moyen d'existence de
l'art sur internet et dans une société de réseaux.
En me demandant quelle serait une peinture par défaut, toutes mes
tentatives ont échoué. J'en ai déduis qu'il s'agissait
d'une esthétique relative aux réseaux.
Un site génère des relations inter-humaines parce que le Web est collectif mais l'esthétique par défaut concerne la constance du rapport entre les humains et les appareils. Nous sommes tournés ensembles vers l'appareil plutôt que tournés les uns vers les autres. Nous regardons tous dans la même direction, vers un serveur. Chacun de nos corps est penché sur un écran. Mais ça ne veut pas dire asservi par les ordinateurs. Pensez à la position d'un groupe de manifestants faisant face ensemble à un appareil d'état ou le G8. Nous tournons le dos aux interfaces et faisons face aux programmes. Personne n'a le choix ou non des appareils. Il en va ainsi dorénavant et c'est le premier ministre qui le dit. Le 26 aout dernier, Jean-Pierre Raffarin déclare publiquement à propos des impôts « nous mettrons le curseur sur les priorités qui (...) » au lieu de l'expression habituelle « nous mettrons le doigt sur ». Autrement dit, le gouvernement se positionnera à tel endroit du programme. Quelque chose le dépasse constitutif de l'appareil dont il est mandaté pour 5 ans. Vilèm Flusser donne à appareil (Pour une philosophie de la photographie) la définition d'un « jouet simulant la pensée ».
2 Ainsi notre site Web est accessible à l'internaute en "mod_autoindex" du serveur Apache sous Linux, mode d'indexation automatisé des répertoires. Notre site FTP est défini quant à lui par le navigateur (logiciel client) que ce soit Explorer, Netscape, Mozilla ou tout autre logiciel utilisé pour aller sur Internet. 3 Interface : Dispositif grâce auquel s'effectuent les échanges d'informations entre deux systèmes - Interface utilisateur : Ensemble des moyens de dialogue entre l'utilisateur et l'ordinateur, regroupant l'usage des commandes. Limite commune à deux systèmes. Robert 4 URL : Uniform Resource Locator. Sur le web, c'est la méthode d'accès à un document distant, créant ainsi un lien hypertexte. Roland Trique 5 Code : Le code source est la représentation dans un langage humainement compréhensible du fonctionnement d'une oeuvre. Le langage est choisi initialement par l'auteur. Ce langage peut-être également standardisé, normalisé ou tout au moins reconnu et utilisé de la même manière par un ensemble de personnes. Le code source peut être complété de commentaires et de documentation en langage naturel. Le but du code source est d'être utilisé par un dispositif de transformation en langage compréhensible (processeur, compilateur, interpréteur) par une machine numérique (un ordinateur) qui donnera le code machine. L'utilisation de ce code sur la machine donnera l'oeuvre. Erwan Esnault 6 Canonique : Conforme aux canons de l'église - Application, forme canonique : formulations mathématiques liées de façon privilégiée à une structure. Eric S.Raymond 7 Vanilla : La vanille est le parfum préféré des américains en matière de crème glacée. Caractérise une technique standard et très classique. Exemple : The Mandelbrot set is the vanilla job of many fractal browsers. Roland Trique 8 Hacker : Accro, fana d'informatique (à l'origine, quelqu'un qui fabrique des meubles à la hache). Eric S. Raymond
Autres références Le
Jargon Français (le jargon français par Roland Trique
incluant la définition de l'esthétique par défaut)
Annexe
Si vous avez des questions, critiques, remarques sur « l'esthétique par défaut », vous trouverez un espace de débat sur le forum de discussion qui lui est dédié sur ce serveur. J'espère y trouver un feed-back : http://www.teleferique.org/equipment/forums/ puis aller dans la section « Aesthetic by default ». ( français et anglais ) J'ai hésité plusieurs fois sur la forme à donner à ce texte mais finalement, j'ai opté pour une forme spatiale, emprunté au HOWTO ou mode d'emploi sur les conseils de mes Beta-lecteurs. Cependant, je propose ici la version à télécharger, plus proche d'une esthétique par défaut. En mode console, le format Reader, déroule le texte automatiquement à l'écran tel un générique :
Merci beaucoup à Erational,
Makoto,
Robin et Sonia
qui ont participé à l'apparition de ce texte.
Copyright © 2002 Etienne Cliquet. Copyright (c) 2002 Etienne Cliquet. Permission est accordée
de copier, distribuer et/ou modifier ce document selon les termes de la
Licence de Documentation Libre GNU (GNU
Free Documentation License), version 1.1 ou toute version ultérieure
publiée par la Free Software Foundation, sans Sections Invariables,
sans Texte de Première de Couverture, et sans Texte de Quatrième
de Couverture. Une copie de la présente Licence est incluse ici.
Retour à Téléférique |
Dernière modification le 28 Août 2002 |