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- RARA
Avis, créée dans le cadre de l'exposition artistique
des Jeux Olympiques d'Atlanta en 1996,
- se composait d'une volière remplie d'oiseaux "réels"
- et d'un perroquet télé-robotique muni de deux caméras.
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- Le public sur place voyait la volière,
la personne en interaction avec le télé-robot et le télé-robot.
Une personne du public contrôlait à distance les mouvements
du télé-robot (rotation de la tête)
et, avec un casque de réalité virtuelle, voyait l'environnement
(la volière et lui-même) par l'intermédiaire de la
caméra de droite du télé-robot.
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- Le public sur Internet voyait par l'intermédiaire
de la caméra de gauche du télé-robot la portion
de la scène sélectionnée par le manipulateur du télé-robot.
Il pouvait en outre intervenir verbalement et les sons qu'il envoyait s'incorporaient
dans le sensorium physique
des oiseaux et du public à Atlanta.
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- Le site Web était hébergé dans le Kentucky.
Eduardo
- Kac a réalisé plusieurs oeuvres de téléprésence,
dont
- la série Ornitorinco. Avec Rara Avis, il introduit
- en outre des notions de communication entre les
- humains connectés et les humains sur place et avec
- les oiseaux ainsi que des notions de surveillance
- ou de voyeurisme.
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- Dans RARA
Avis, tout le monde
- voit tout le monde (y compris soi-même), entre
- dans le regard de tous les autres.
- Ken Goldberg a créé Telegarden
en 1995 à l'Université
- de Californie du Sud. De 1996 à 1997, fut présentée
- à l'Ars Electronica Center. Elle est aujourd'hui démontée
et seules subsistent les traces
- documentaires sur un serveur.
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- Telegarden consistait en un jardin dont on
s'occupait
- à distance parl'intermédiaire
d'un télérobot.
- Deux modes d'interaction existaient avec
Telegarden :
- le mode actif où l'on devenait membre
et où on s'engageait à surveiller les plantes et à
s'en
- occuper et le mode passif où l'on
pouvait
- simplement aller voir le jardin par l'intermédiaire
- de plusieurs caméras et suivrent l'évolution
des végétaux (pousse, floraison, etc.).
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- Telegarden a engendré
une communauté qui échangeait messages et commentaires. Cette
oeuvre a également suscité un immense scepticisme :
parmi ceux qui voyaient le jardin dans son espace physique (comme à
l'Ars Electronica Center), certains n'arrivaient pas à croire que
les plantes étaient arrosées, désherbées, plantées,
etc. par une communauté de gens dans le monde entier, à distance
; parmi ceux qui se connectaient, certains n'arrivaient pas à croire
qu'à des
milliers de kilomètres de leur écran se trouvait effectivement
un vrai jardin.
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- Cette question de la réalité, ou de la vérité,
est au coeur de Shadow Server
la deuxième oeuvre de Ken Goldberg, créée en juillet
1997 et encore en cours.
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- Shadow Server est, comme son nom l'indique,
un
- "serveur d'ombres". En Californie,
une boîte contient divers objets éclairés par des dispositifs
lumineux.
- Le public peut agir à distance sur
la position des sources lumineuses et produire ainsi des ombres différentes
qui s'affichent alors sur son écran.
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- Avec Telegarden, il paraissait difficile de truquer l'expérience
car la mise en oeuvre d'un dispositif falsifié aurait été
plus lourde et compliquée que
- le système prétendu. Avec Shadow Server, en revanche,
construire une banque d'images d'ombres en noir et
- blanc est immensément plus aisée que le dispositif
réel.
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- Pourtant, nous croyons qu'il y a bien une
boîte,
- des objets, des sources lumineuses que nous
pouvons orienter. Quelle est la nature de ces "choses"
- que nous avons sur le web ? Que croyons-nous
avoir :
- des choses ou seulement leurs ombres ?
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- Shadow Server est
une oeuvre remaquable à plus d'un titre. Elle s'inscrit à
l'opposé des tendances
- actuelles dans la conception des sites web : pas d'images "flashy",
pas d'applets Java, pas d'animations clignotant partout sur la page. Ce
n'est pas non plus une oeuvre collaborative où l'on est invité
à envoyer textes, images, sons et pensées profondes.
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- Ce n'est pas une structure hypertextuelle,
rhyzomatique. Elle est en noir et blanc, il y a, en fin de compte,
- peu à voir et très peu à
faire. Shadow Server retourne les questionnements et les mots d'ordre de
ces
- dernières années dans l'art
électronique. Elle ne rend pas "visible l'invisible" mais
rend invisible ce qui normalement l'est, n'offrant que des ombres.
- La "chose" elle-même est
cachée. Ce qui est important, c'est l'ombre. L'ombre devient "la
chose". Goldberg renforce ici la disparition de l'objet, amorcée
au
- début du siècle.
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- Cependant, ce qui fascine avec Shadow Server, ce qui fait que l'on
revient s'y connecter, sont ses qualités esthétiques. Ces
images font penser aux photogrammes
- de Moholy-Nagy. Elles capturent la lumière de manière
subtile et l'apporte sur l'écran. Elles réintroduisent la
contemplation dans un média où le flux et le mouvement sont
les bases. Elles figent non seulement
- la lumière mais aussi le temps, dans un équilibre
délicat. Rapidement on se laisse prendre à leur piège,
- à admirer leur complexité et leur simplicité,
on se
- perd dans leur profondeur. L'écran devient lumière
- pure, une ombre.
- The Light on
the Net de Masaki Fujihata aborde la téléprésence
et la lumière d'une toute autre manière. Dans le hall d'accueil
d'un bâtiment public de la préfecture de Gifu au Japon est
installée une
- sculpture lumineuse composée d'ampoules disposées
- sur une matrice. Sur Internet, le public peut voir
- la sculpture et surtout décider quelles seront les lampes
éteintes ou allumés et ainsi la modifier.
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- Quoi de plus banal pour l'internaute que
de cliquer
- sur son écran sur des images d'ampoules
et de voir ensuite une image qui a changé ? L'action semble
- relever du degré zéro de l'action
à distance. A la différence près que "là-bas",
c'est l'environnement quotidien de gens qui travaillent et que "d'ici"
- nous nous permettons de le modifier, nous
les voyons traverser le hall, vivre.
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- The Light on
the Net nous rappelle que cliquer sur une image est une action qui
a des "vraies" conséquences, que "ici" et "là-bas"
se télescopent et ne relèventp
- lus d'un nombre plus ou moins élevé d'heures d'avion.
Le 4 juillet 1997, l'humanité a roulé sur Mars. L'équipe
de JPL ne s'y est d'ailleurs pas trompée qui a titré la première
image de Sojourner
"Six Wheels on Soil".
Mars Pathfinder (juillet-octobre 1997), NASA/JPL
est la première expérience
de téléprésence de cette
ampleur. Dans son article Live From Mars , Eduardo Kac écrit que
par delà la réalisation technique et scientifique, il s'agit
également d'une expérience esthétique : Quelques uns
des aspects esthétiques uniques à
cet événement de téléprésence
sont la relativité de l'espace et du temps [...] ;
la nature de l'interface humain-machine (combinaison
de téléopération et d'autonomie du robot) ; la manipulation
à distance ; [...] la capture, la transmission, la réception,
le traitement et l'affichage des images ;
l'instantanéité des images [...]
.
Nous ajoutons que si la mission Mars Pathfinder a pu être perçue
comme une expérience d'ordre esthétique c'est parce qu'auparavant,
des artistes avaient
déjà modifié notre conscience et notre perception
par des oeuvres de téléprésence. C'est aussi parce
que, passé le jour de l'événement relayé par
toutes les télévisions du monde entier, le quotidien, l'avancée,
les blocages
et les images prises par la sonde et le robot étaient accessibles,
immédiatement, via Internet.
Et, même si nous ne manipulions pas nous-mêmes
le robot, comme les autres membres de l'équipe de JPL, comme les
scientifiques, nous étions "penché
par dessus l'épaule" des navigateurs
de Sojourner. L'action de nous connecter régulièrement, d'une
certaine façon, remplaçait, se substituait, à l'action
de
donner des ordres au robot. Comme ses navigateurs,
nous utilisions les
mêmes instruments, la même interface
: un clavier et un écran d'ordinateur.
Il y aura, à l'avenir, d'autres oeuvres de téléprésence
óet d'autres missions
sur la planète rouge ou sur d'autres corps célestesó
mais, pour la téléprésence
et pour la télérobotique, il y aura un "avant"
et un "après" Sojourner.
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